dimanche 14 mai 2017

Le style, en science


Dans le jury de ma thèse, dont j'étais moi-même le directeur (pas administrativement : ce n'était pas possible, et il a fallu un prête nom... qui fut mon ami Pierre Potier), il y avait des personnalités scientifiques remarquables : Jean-Marie Lehn, prix Nobel de chimie ; Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique ; Nicholas Kurti ; Georges Bram  ; Pierre Potier, que j'ai déjà évoqué ; et d'autres qui ne sont pas moins que les premiers, mais qui sont moins utiles pour la discussion que je propose ici.
Jean-Marie Lehn : il suffit de lire ses publications pour voir une façon de faire très particulière, conceptuelle. Jean-Marie pense les objets, les abstrait, avant de les réaliser ou de les faire réaliser en laboratoire. Il y a de la règle formelle, dans sa manière.
Pierre-Gilles de Gennes : une discipline différente, certes, mais surtout une tout autre méthode, où l'ordre de grandeur est premier. Certes, des capacités de calcul étonnantes, appliquées à des données expérimentales très élégantes, une sorte de pureté du travail.
Pierre Potier ? Il a assez dit lui-même combien il était content d'être à la fois pharmacien et chimiste, capable de considérer le vivant pour en faire une chimie intelligente.
Georges Bram : sa chimie organique était nourrie de son amour de l'histoire de la chimie.
Nicholas Kurti : un physicien à l'ancienne, expérimental, mais avec un maniement du formalisme tout à fait dans l'idée de la physique que l'on m'a enseignée.

On le voit, des personnalités toutes différentes, qui avaient toutes un style particulier. Un style qui concernait aussi bien le choix des thèmes d'études, que des méthodes de travail, la pratique de la science...

Et si le succès scientifique était ainsi fondé sur la bonne définition du style en science ?

Est-il vraiment utile que les professeurs rédigent des éléments de cours ?

Souvent, les professeurs des universités ou des écoles d'ingénieur écrivent des cours. Ils en font des livres, des polycopiés, des documents en ligne.
Est-ce utile ?

Nous partons ici de l'hypothèse selon laquelle il est inutile que les enseignants enseignent, et qu'il faut, en revanche, que les étudiants apprennent, étudient.

Une conséquence de cette hypothèse semble être que les professeurs ont pour mission principale d'aider les étudiants à identifier les connaissances et les compétences dont ils auront besoin, afin que ces derniers aillent apprendre, tout en apprenant à apprendre, surtout dans les études supérieures : bientôt autonomes, je propose que ce soit à eux d'aller chercher le savoir et de transformer les connaissances en compétences.

Chercher le savoir ? Aujourd'hui, ce savoir est en ligne, et n'importe qui trouve des cours à foison sur n'importe quel sujet, mais c'est un fait, aussi, que tous les cours en ligne ne se valent pas, et, mieux encore, il y a beaucoup de très mauvais.
Récemment, par exemple, alors que j'explorais (pour répondre à des étudiants dans l'optique que je discute ici) la méthode d'analyse chimique des ajouts dosés, j'ai vu apparaître en première ligne des documents très mal faits, et l'on peut donc imaginer qu'un professeur soucieux d'éviter aux étudiants de perdre du temps sur de tels documents veuille préparer lui-même des documents qu'il pourrait remettre.
Ce faisant, il y aurait donc une transformation du système d'éducation : les professeurs ne devraient plus passer oralement du temps sur ces documents préparés, mais plutôt préparer ces documents, afin que les étudiants passent ensuite du temps à bien les comprendre. Dans la foulée, comme il faut une transformation des connaissances en compétences, on peut imaginer que le professeurs qui rédigent des éléments de cours aient la volonté de donner des compétences, ce qu'ils pourraient faire en incluant des exercices des problèmes bien gradués.
A ce propos, on n'oubliera pas d'évoquer ici la collection de livre {Schaum} (MacGraw Hill), où précisément les cours étaient faits d'exercices. On observera d'ailleurs aussi que ces livres ont été très inégaux... ce qui est en quelque sorte rassurant : cela montre que tous les professeurs ne se valent pas, et que leur travail fait la différence. Oui, il y a de bons livres, et de mauvais livres ; de bons professeurs et de mauvais professeurs, et je ne parviens pas à penser que cela ne soit pas corrélé à leur travail.

Mais revenons à la question : faut-il vraiment que les professeurs préparent ces éléments de cours avec exercices et problèmes ? Après tout, à propos de cette méthode des ajouts dosés, j'ai effectivement passé du temps à chercher (moins que si j'étais allé au cinéma), et, en éliminant les documents mal faits, j'ai réussi à trouver de quoi apprendre. Les étudiants ne devraient-ils pas être capables d'arriver au même résultat ?  Car, au fond, quelle capacité personnelle ai-je mise en œuvre pour y parvenir ? Celle de m'accrocher, de ne pas supporter de ne pas comprendre quelque chose qui m'était dit dans un document. Au fond, on devrait dire très tôt aux étudiants que s'ils lisent un document et qu'ils ne le comprennent pas, alors qu'ils ont lu lentement tous les mots, c'est que le document n'est pas fait pour eux, et qu'il faut vite qu'ils en changent.
J'ajoute que les étudiants doivent pouvoir  revenir vers les professeurs pour poser des questions. D'ailleurs, les professeurs qui auraient ainsi un rôle de tuteur pourraient guider vers des documents plus spécifiques : soit les étudiants sont autonomes, soit on les aide, au début, et je ne doute pas que des étudiants attentifs apprennent à se débrouiller rapidement.

Se débrouiller, autonomie  : voilà au fond un des objectifs des études, car il n'est pas suffisant d'apprendre, et il faut aussi, surtout, en vue d'une activité professionnelle, apprendre à être autonome, car viendra le temps où les étudiants ayant grandi n'auront plus de professeur.
Ma méthode me semble donc bonne. Mais en pratique ? Les étudiants disposent-ils d'assez de temps pour la mettre en œuvre ?  Je pressens l'argument qui me dira que les recherches en ligne prennent beaucoup de temps et que l'on risque un éparpillement néfaste qui empêchera d'arriver au but. Je le récuse absolument, pour plusieurs raisons. D'abord, je vois quand même que, avec le système classique, les étudiants ont beaucoup de temps dans les jardins, les bistrots, les soirées... D'autre part, je l'ai dit précédemment à propos des ajouts dosés : cela n'est pas si long que l'on pourrait le craindre.

Surtout j'ai beaucoup plus appris en mettant en œuvre cette méthode qu'en lisant un cours tout fait, tout mâché, et, de surcroît, j'ai perdu beaucoup moins de temps que dans un cours où, soit j'aurais décroché, soit je me serais ennuyé. De surcroît, si le professeur s'assure que les étudiants n'ont pas lâché prise à un moment particulier, le savoir ainsi obtenu est solide, et le socle affermi, de sorte que finalement, bâtissant sur du solide, les étudiants ont plus de facilité à augmenter leur savoir et leurs compétences.
Finalement je n'oublie pas que tout cela peut se mesurer. Au delà des modes, de pédagogie inversée ou autre, nous devons quantifier les effets de méthodes variées, car il est temps, au 21e siècle, d'arriver à un peu d'efficacité !  Technique, lien social, etc.  Il faut d'abord éclaircir la mission que nous nous sommes donnée. Mais j'y reviendrai...

Vers une certification des compétences

Je reprends maintenant la question des "études", ayant éradiqué le mot "enseignement" puisque je crois avoir donné assez d'argument pour reconnaître qu'il était mauvais.


Nous avons donc les professeurs,  qui ont pour mission de donner aux étudiants l'envie d'étudier, d'apprendre, et des étudiants qui ne savent pas toujours ce qu'ils doivent apprendre. Les professeurs ont donc pour première mission d'identifier les matières qui peuvent faire l'objet de travaux par les étudiants.
Cela étant, dans les travaux initiaux, l'impulsion initiale est essentielle : oui, il faut savoir convaincre qu'étudier est un objectif souhaitable. En plus des explications du champ considéré, il faut très certainement donner beaucoup d'enthousiasme, beaucoup d'envie, créer beaucoup de "contexte". Si l'on a fait, comme moi, l'hypothèse que la question essentielle de l'étude est la capacité d'étudier, alors il devient évident que l'envie est motrice : si l'étudiant ne comprend pas  pourquoi l'étude est essentielle, il n'étudiera pas.

Dans ces présentations initiales, comme par la suite, quand les étudiants étudieront, je propose de structurer les connaissances. Naguère, je proposais aux étudiants de diviser mes cours en informations, notions, concepts, méthodes, valeurs, anecdotes. Cette liste est-elle légitime ? Suffisante ? Bien ordonnée ? Pour les deux premières questions, je n'ai hélas jamais trouvé quelqu'un qui me donne des idées supplémentaires. En revanche, pour l'ordre, je crois que les valeurs sont premières. Puis on pourrait penser qu'il vaut mieux aller du plus abstrait au moins abstrait... mais je crois qu'il vaut mieux partir d'un objectif, tel celui d'un métier ou d'une compétence particulière, et ensuite seulement arriver aux informations, notions, concepts, etc. dont les étudiants auront besoin, et qui s'imposeront donc.

Je vois donc maintenant plus clairement un professorat comme fait de trois segments : (1) des cours de contexte initiaux, qui conduiront à identifier les notions que les étudiants devront apprendre; (3) une partie de travail personnelle, d'étude, d'apprentissage ; (3) puis un segment de transformation de connaissances en compétences, assorti d'une évaluation.
A propos de cette dernière, j'observe qu'une évaluation des connaissances est inutile, puisque ce n'est pas l'objectif, qui est en réalité la compétence. J'ai vu à l'université trop d'étudiants qui savaient réciter le cours par coeur le jour de l'examen, l'oubliaient le lendemain, et étaient incapables de faire des problèmes. Je maintiens qu'un tel savoir est quasi nul.
Je propose surtout de penser que le système professoral sert à certifier des connaissances, ou plutôt des compétences, puisqu'on ne vise pas des perroquets. De sorte qu'il y a lieu d'organiser ces parcours d'évaluation, soit avec des examens finaux, soit avec des contrôles plus continus. Aurement dit, les professeurs doivent concevoir des objets professoraux qui viendront à l'appui de ces évaluations.

 Considérons l'étudiant qui apprend. Avec le professeur, un but a été fixé, et il doit maintenant l'atteindre. Il doit donc faire ses recherches (en ligne, en bibliothèque ou ailleurs) et il doit en faire une synthèse "efficaces". Toutois il est improbable qu'il trouve en ligne de quoi transformer ses connaissances en compétences, de sorte que c'est plutôt là que le travail professoral s'impose sans doute. En pratique, cela signifie : organiser des séries graduées d'exercices et de problèmes, créer des situations qui conduisent à s'assurer que les connaissances (dont on fait l'hypothsèe qu'elles ont été obstenues) se transforment en compétences. C'est un objectif parfaitement clair.

 Evidemment, toute cette mécanique ne peut fonctionner que si elle est bien expliquer aux étudiants, et, d'autre part, si l'on a bien identifié les connaissances que les étudiants devront obtenir par eux-mêmes. C'est sur la base de ces connaissances que seront élaborés les dispositifs de compétence que nous venons d'évoquer.

samedi 13 mai 2017

J'avais été un peu silencieux !

Cette semaine, ce blog est resté un peu silencieux... mais c'est surtout que trop de billets étaient en préparation.

Ce matin, deux viennent de paraître sur le blog gastronomie moléculaire :

- tout d'abord, j'ai proposé d'analyser simplement les raisons du débordement du lait : http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2017/05/pourquoi-le-lait-deborde.html

- puis j'ai rationalisé les recettes de tarte au fromage blanc : http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2017/05/les-tartes-au-fromage-blanc.html


La suite arrive... mais il s'agira de réflexions sur les "études".

jeudi 11 mai 2017




Lancement 
de la 
4ème Journée internationale 
de célébration des plantes

Le 18 mai 2017, les plantes seront à l’honneur dans le monde entier. Lancée sous l'égide de l’Organisation européenne des sciences végétales (EPSO, Bruxelles), sous le patronage scientifique de Carole Caranta, directrice de recherche de l’Inra, la Journée de célébration des plantes « Plants Day » est portée par 56 pays, dont les 28 pays européens. Ouvertures de laboratoires, d’entreprises et de jardins botaniques, conférences et animations seront au programme de cette célébration qui sera lancée le 17 mai 2017, lors d’une séance publique à l’Académie d’Agriculture de France, à Paris, sur le thème « La sélection variétale et la qualité alimentaire sont-elles contradictoires ? » (www.academie-agriculture.fr).

lundi 8 mai 2017

Cette fois-ci, c'est encore sur le blog de gastronomie moléculaire

Le billet du jour ? En attendant les prochains billets sur le blog Inra, je viens de poster  sur le  blog "gastronomie moléculaire et cuisine" la liste de tous les séminaires tenus depuis 2000.