vendredi 13 novembre 2015

Les évidences a posteriori

Une évidence, c'est une évidence : quelque chose qui saute à l'esprit, que l'on comprend immédiatement. De ce fait, une évidence {a posteriori } semble être un oxymore, une sorte de contradiction. Pourtant ces évidences{ a posteriori} existent bel et bien, comme on va le voir.

Le premier exemple que j'ai rencontré est celui de la cuisine note à note, cette cuisine faite de composés, au lieu que les ingrédients des mets soient les classiques  fruits, légumes, viandes, poissons, oeufs...
Quand j'ai pensé cette cuisine pour la première fois, en 1994..

La suite  sur : http://www.agroparistech.fr/Les-evidences-a-posteriori.html

mercredi 11 novembre 2015

Il faut s'amuser à faire des choses passionnantes

Pardonnez-moi un souvenir personnel, mais il nous donnera un exemple à propos duquel nous pourrons discuter.
Il y a quelques années, interviewé par une radio nationale,  j'avais déclaré je m'amusais beaucoup dans mon laboratoire (et c'est encore le cas aujourd'hui, peut-être encore plus que par le passé). Cette déclaration n'était pas une naïveté lâchée sans réflexion, mais, au contraire, une volonté de faire partager de l'enthousiasme, de susciter des vocations, pour les sciences de la nature ou pour la technologie, pour la vie en général : on se souvient que je crois que c'est une politesse que de ne pas se plaindre tout le temps, et, au contraire, d'être aussi positif que possible.
Bref, j'avais dit que je m'amusais  beaucoup... et je n'étais pas encore rentré au laboratoire (vite, au laboratoire, puisque c'est l'un des plus beaux endroits du monde... pour moi) que je recevais un appel téléphonique de la Direction de la Communication d'une Institution Scientifique (on comprend mon usage ironique des majuscules) qui me disait qu'il ne fallait pas faire de déclaration de ce type, que je devais pas dire que je m'amusais alors que d'autres sont au chômage, ou travaillent à la chaîne.
A l'époque, j'avais repoussé leur argument (après tout, ce n'était pas mon employeur), et, aujourd'hui, je maintiens que la position de mes interlocuteurs était idiote !Oui, je "m'amuse beaucoup"... mais que cela signifie-t-il ? Cela signifie que, du matin au soir, les week-end, pendant les vacances que je ne prends pas (et mon institution actuelle me le reproche), je ne cesse de chercher à produire de la Connaissance ! Oui, je m'amuse... sans quoi je changerais immédiatement de métier. Et je peux garantir aux contribuables que, avec mon "amusement" (on pourrait tout  aussi bien dire "travail"), l'état qui m'emploie en a pour son argent !
Oubliées les 35 heures, puisqu'il s'agit d'en faire 105, et que j'en ferais volontiers plus si j'en avais la force physique.
Oui, je m'"amuse", mais mes interlocuteurs de l'époque auraient eu raison de se demander un peu ce que  signifie "amuser". Oui,  je maintiens le mot "amuser", puisqu'il dérive de muser,  «s'appliquer, réfléchir, penser mûrement à» (Id., ibid., III, 161); 2. 1174-87 id. «aspirer, prétendre à, chercher à obtenir» (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 245).
S'amuser à faire son métier, n'est-ce pas la meilleure garantie de faire son travail, son métier, avec ardeur ? Et pourquoi aurait-on honte  du  bonheur d'un métier ? Ne peut-on, au contraire, souhaiter cela à tous ? Bien sûr, on n'a pas toujours  un métier merveilleux en claquant des doigts, et je gagne aujourd'hui ce que j'ai "payé" en n'allant pas "au bistrot" plus jeune : les compétences mathématiques s'obtiennent à une table de travail, seul, dans le "silence d'un cabinet".
Mais il faut aussi considérer le point suivant : ce qui est pour moi un "amusement" serait une punition pour d'autres. Des goûts  et des couleurs, on ne discute pas. Moi, les équations m'amusent, mais j'ai rencontré bien des étudiants pour qui cela était punition. La conclusion : c'est qu'il faut approprier le métier à l'individu. Tel qui aime les équations s'amusera à un métier où il en fait, et tel qui ne les aime  pas ne devra pas avoir ce métier. Autrement dit, nous devons tous choisir un métier qui nous amuse, mais ce choix est personnel, et nous n'aurons les  moyens de choisir que si nous  nous donnnons ces moyens.
N'est-ce pas un message à faire passer à tous les étudiants  : chers amis, ne perdez pas une seconde, et appliquez-vous à obtenir les compétences qui vous permettront d'avoir le métier que vous aimez, et que vous ferez alors... en vous amusant ! Pensez à l'image d'un poulain lâché dans le pré, au printemps : quand je suis au laboratoire, c'est ainsi. Je vous le souhaite de tout coeur !



mardi 3 novembre 2015

Ecrivons à nos élus

Si l'organisation de notre société ne nous convient pas, nous avons le devoir de le faire savoir et, dans une démocratie, les représentants des citoyens sont là pour mener la discussion et arriver à un consensus national.
 Il est bon de se souvenir que les députés sont nos élus,  qui nous représentent pour ce qui concerne les lois nationales.
Il y a aussi d'autres élus, par exemple  les maires, les sénateurs, etc. mais si les maires sont les organisateur et les gestionnaires des communes,  ils ne sont pas là pour déterminer les lois et ce sont plutôt les députés qui sont chargés de ce travail. Ne confondons pas les rôles.
Je me demande s'il n'y a pas quelque indécence à "vitupérer dans les bistrots", au lieu de faire d'abord remonter vers les élus en charge des récriminations qui sont alors à la fois inutiles, et malavisées ? D'ailleurs, il est étonnant de voir que les députés sont saisis de bien peu de demandes, alors que fait leur travail d'élus est précisément de bien entendre tout ce que les citoyens veulent dire.
Ne pourrions-nous pas, même, considérer qu'il n'est guère civique de ne pas solliciter nos députés ?  Allons, écrivons leur chaque fois que l'organisation de nos sociétés n'est pas telle que nous la voudrions  : c'est un devoir civique !

Le Ragnarok, toujours le Ragnarok

Ce matin, un message d'un correspondant :


Bonsoir et merci beaucoup de nous avoir fait parvenir l’article sur l’enseignement dans les universités médicales !
Ayant travaillé longtemps dans l’ADFI pour aider les familles de victimes de sectes et en étant un fidèle lecteur de la revue SCIENCES et PSEUDOSCIENCES, de l'AFIS, je suis très sensible à ces sujets.
Toute la journée dans mon cabinet je suis confronté à ces discours et au bout de 30 ans de métier c’est usant ! Mais ce qui est vraiment triste c’est de voir combien plus la connaissance scientifique augmente, et plus la diffusion de l’irrationnel progresse, et donc la crédulité !

Alors je crois à la stimulation de l’esprit critique que je fais auprès de mes petits enfants mais aussi parfois dans les collèges muni de mon doppler, appareil d’échographie…
Vous avez réussi à faire évoluer les choses dans le domaine de la cuisine, si un jour on pouvait arriver à cela avec la médecine !...


La réponse à donner est claire : elle s'apparente à celle que j'avais faite à mon ami administrateur de l'agriculture : luttons contre le Ragnarok.
A propos de crédulité, de superstition, d'irrationnel, de pensée magique donc, il faut d'abord se souvenir de l'échange qui avait lieuà l'Unesco, il y a plusieurs années, entre deux ministres de la recherche scientifique :  le ministre français se  plaignait à son homologue d'un pays en voie de développement de la forte proportion de Français superstitieux... mais son interlocuteur lui  répondait que, chez lui, cette proportion atteignait 95 pour cent.  Tout ce travail de diffusion des résultats de la science, de vulgarisation scientifique, d'enseignement à l'école des résultats et des méthodes des sciences porte donc ses fruits,  et il n'y a aucune raison d'être découragé.
Comme expliqué dans un billet précédent, des vagues enfant arrivent par millions chaque année avec la pensée magique,  et ce serait désastreux de ne pas lutter régulièrement, assidûment, contre la  pensée magique.  Dans la mythologie alsacienne, le dieux Wotan ne cesse de rôder sur les champs de bataille pour récupérer des guerriers valeureux, qu'il conduit au Valhalla, afin de repousser les assauts des géants. De même, nous devons militer pour que des amis de plus en plus nombreux s'associent à nous  pour faire régner la Raison.
D'ailleurs,  pour ceux qui se lasseraient, qui se désespéreraient, j'ai une proposition merveilleuse,  à savoir que si l'on est activement occupé à combattre contre les Géants, alors on  n'a plus le temps, la liberté d'esprit, de chercher à connaître l'efficacité de nos actions. N'écoutons pas les sirènes, et utilisons tout notre temps pour déterminer les meilleurs techniques de lutte contre l'irrationnel. Certainement l'enseignement des sciences dans les écoles,  les collèges et lycées est essentiel, et je propose de penser que cet enseignement n'est jamais trop tôt, ni jamais suffisant !
Nous devons chercher activement des moyens de lutte !  Sans nous lasser, luttons contre le Ragnarok !


Le Ragnarok, toujours le Ragnarok

Ce matin, un message d'un correspondant :


Bonsoir et merci beaucoup de nous avoir fait parvenir l’article sur l’enseignement dans les universités médicales !
Ayant travaillé longtemps dans l’ADFI pour aider les familles de victimes de sectes et en étant un fidèle lecteur de la revue SCIENCES et PSEUDOSCIENCES, de l'AFIS, je suis très sensible à ces sujets.
Toute la journée dans mon cabinet je suis confronté à ces discours et au bout de 30 ans de métier c’est usant ! Mais ce qui est vraiment triste c’est de voir combien plus la connaissance scientifique augmente, et plus la diffusion de l’irrationnel progresse, et donc la crédulité !

Alors je crois à la stimulation de l’esprit critique que je fais auprès de mes petits enfants mais aussi parfois dans les collèges muni de mon doppler, appareil d’échographie…
Vous avez réussi à faire évoluer les choses dans le domaine de la cuisine, si un jour on pouvait arriver à cela avec la médecine !...


La réponse à donner est claire : elle s'apparente à celle que j'avais faite à mon ami administrateur de l'agriculture : luttons contre le Ragnarok.
A propos de crédulité, de superstition, d'irrationnel, de pensée magique donc, il faut d'abord se souvenir de l'échange qui avait lieuà l'Unesco, il y a plusieurs années, entre deux ministres de la recherche scientifique :  le ministre français se  plaignait à son homologue d'un pays en voie de développement de la forte proportion de Français superstitieux... mais son interlocuteur lui  répondait que, chez lui, cette proportion atteignait 95 pour cent.  Tout ce travail de diffusion des résultats de la science, de vulgarisation scientifique, d'enseignement à l'école des résultats et des méthodes des sciences porte donc ses fruits,  et il n'y a aucune raison d'être découragé.
Comme expliqué dans un billet précédent, des vagues enfant arrivent par millions chaque année avec la pensée magique,  et ce serait désastreux de ne pas lutter régulièrement, assidûment, contre la  pensée magique.  Dans la mythologie alsacienne, le dieux Wotan ne cesse de rôder sur les champs de bataille pour récupérer des guerriers valeureux, qu'il conduit au Valhalla, afin de repousser les assauts des géants. De même, nous devons militer pour que des amis de plus en plus nombreux s'associent à nous  pour faire régner la Raison.
D'ailleurs,  pour ceux qui se lasseraient, qui se désespéreraient, j'ai une proposition merveilleuse,  à savoir que si l'on est activement occupé à combattre contre les Géants, alors on  n'a plus le temps, la liberté d'esprit, de chercher à connaître l'efficacité de nos actions. N'écoutons pas les sirènes, et utilisons tout notre temps pour déterminer les meilleurs techniques de lutte contre l'irrationnel. Certainement l'enseignement des sciences dans les écoles,  les collèges et lycées est essentiel, et je propose de penser que cet enseignement n'est jamais trop tôt, ni jamais suffisant !
Nous devons chercher activement des moyens de lutte !  Sans nous lasser, luttons contre le Ragnarok !
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dimanche 1 novembre 2015

Maladie coeliaque et hystérie

Le chercheur qui avait  annoncé la découverte d'une sensibilité au gluten différente de la maladie coeliaque revient sur sa découverte. C'est bien... et c'est aussi l'occasion de faire parler de lui deux fois.

Son article est paru dans la revue scientifique Gastroenterology. Il est la suite d'un autre article publié en 2011, où une petite étude semblait avoir établi que les régimes qui comportent du gluten auraient pu causer des désordres gastro-intestinaux chez des personnes qui ne souffrent pas de maladie coeliaque.
Pour la maladie  coeliaque, pas de doute : c'est une maladie auto-immune provoquée par le gluten, cette matière mal définie, protéique, identifiée dès le 18e siècle dans la farine de blé (et présente dans d'autres aliments).  En revanche, pour les personnes qui se disent intolérantes au gluten, l'étude proposait "une sensibilité non coeliaque au gluten".
L'étude avait fait grand bruit... parce qu'il y a beaucoup d'argent derrière : 30 pour cent des consommateurs veulent manger moins de gluten, et les ventes de produits sans gluten atteindront 15 milliards de dollars en  2016. Alors que un pour cent seulement des individus souffrent de maladie coeliaque, près de 18 pour cent des Américain adultes achètent des produits sans gluten.

Toutefois, comme le gluten a toujours été dans l'alimentation, le chercheur australien qui avait "découvert" la prétentue intolérance au gluten  a voulu poursuivre son étude, et identifier les raison de l'intolérance. Il a donc repris cette étude, avec plus de rigueur, et testé 37 personnes qui se disaient sensibles au gluten.
Les sujets recevaient tous des repas préparés par les investigateurs, dont on avait supprimé tous les agents potentiellement responsables de symptômes gastro-intestinaux : lactose, certains conservateurs tels que benzoates, propionate, sulfites, and nitrites, saccharides fermentescibles. Les sujets ont alterné à leur insu  des cycles de repas avec beaucoup de gluten, avec peu de gluten, et sans gluten (placebo).

Finalement tous les régimes produisirent des douleurs, des nausées et des flatulences à des degrés égaux (même les régimes placebo !).
Autrement  dit, le gluten n'entrait pour  rien dans les "intolérances" déclarées par les sujets. Il semble donc qu'un effet "nocebo" soit à l'oeuvre : les individus ne souffrent de prétendue  intolérance au gluten que parce qu'ils se disent souffrir de cette affection ! Mieux, les saccharides fermentescibles semblent avoir été responsables des désagréments observés.
C'est bien gênant ;-)... car les fibres sont "bonnes pour la santé".

Luttons contre les enseignements dévoyés

L'université de Limoges enseigne la "méditation de pleine conscience", qui rapprocherait les sciences de la nature et le bouddhisme, prônant une "familiarisation intérieure avec le lien corps-esprit"... pour 1845 euros par heure de cours, avec 95 heures de cours dans le programme ! Je ne serais pas fier d'être le doyen de cette université (ou, plus exactement, je convoquerais d'urgence un conseil universitaire pour faire cesser ces enseignements). Dans d'autres universités, on trouve de la naturopathie, de la réflexothérapie et autres fadaises, pour des tarifs analogues.

Ne devons-nous pas lutter vigoureusement contre ces dévoiements de l'université nationale ? Autour du président de la Ligne des droits de l'homme, Jean-Marie Lehn (prix Nobel de chimie), le président de la commission médicale des Hôpitaux de Paris, un membre de l'Académie nationale de médecine, l'ancien doyen de la faculté de médecine de Necker, les président de la Ligne  de l'enseignement et de la Ligue contre le cancer ont écrit aux ministres de la santé et de l'éducation... mais n'ont pas reçu  de réponse.

En Belgique, le ménage a été pourtant fait : depuis janvier 2013, les doyens de dix facultés de médecine ont décidé de "protéger les citoyens" en refusant d'enseigner ce qui n'a pas été validé. Vite, faisons de même !