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mercredi 13 septembre 2023

Pas de cautérisation pour les viandes sautées

 
De nombreux livres de cuisine indiquent que l'on doit saisir les viandes sautées afin de cautériser la chair, d'empêcher le jus de sortir. Que penser de cette prescription ? 

 

Faisons l'expérience de poser un steak dans une poêle très chaude, et observons : nous entendons du bruit, nous voyons des bulles à la base du steak, et nous voyons aussi une fumée s'élever.
Si nous mettons un verre froid dans la fumée, nous le voyons se couvrir de buée, ce qui montre que de l'eau s'évapore de la viande... ce qui est bien naturel, puisque l'on chauffe de la viande, laquelle est faite de 60 pour cent de protéines et de 40 pour cent d'eau. 

Disposant de cette première observation, nous pouvons maintenant comparer deux poêles où cuisent deux moitiés d'un même steak, l'une chauffée doucement et l'autre chauffée très fort.
Dans les deux cas, il y a de la fumée. Autrement dit, que l'on chauffe doucement ou énergiquement, de l'eau s'évapore ; autrement dit, si par hasard il y avait cautérisation, cette dernière ne préviendrait pas efficacement la sortie du jus ! D'ailleurs, prenons un steak sauté vivement et posons-le dans une assiette : rapidement, la viande surmonte une flaque de jus, preuve que la cautérisation ne prévient pas la sortie du jus. 

Pourquoi cette prescription, alors ? Parce que si l'on cuit lentement une viande, un thermocouple que l'on placera sous la viande, au contact de la poêle, montrera une température constante de 100° : c'est l'indication que le débit de sortie du jus de viande est supérieur à la vitesse l'évaporation du jus.
En revanche, si nous sautons très vivement la viande, nous pouvons observer que la température sous le steak argumente considérablement, atteignant 180, 200, 250°, signe qu'il n'y a plus d'eau liquide et que, contrairement au cas précédent, on n'est pas en train de faire bouillir la viande.
De ce fait, les réactions chimiques responsables de la formation de composés sapides, odorants, colorés ont lieu, et la surface de la viande prend un goût bien particulier. Comment rendre cela quantitatif ? Bien sur, il y a eu la mesure de la température sous la viande, mais pourrions-nous faire un modèle ? Nous pourrions vouloir calculer l'épaisseur de la croûte. A cette fin, il faudrait déterminer la puissance transmise à la viande, ce qui pourrait se faire en remplaçant la viande par une petite coupelle pleine d'eau. En mesurant la température de l'eau, on pourrait suivre l'échauffement, et déterminer la puissance de chauffage. Puis, de ce fait, on pourrait calculer l'épaisseur de la croûte formée. 

Et c'est alors le début d'une longue histoire, celle d'une exploration scientifique de la cuisson des viandes.

mardi 15 août 2023

Retour sur la viande in vitro

 Dans un des  numéros de la revue Pour la Science, je discute la question de la "viande artificielle, tant il est vrai que fut grand, récemment, l'émoi (mais on s'émeut souvent de pas grand chose, ces jours-ci) soulevé par l'annonce (il faut bien emplir les journaux télévisés) de viande in vitro, disons plus justement de culture de cellules musculaires. 

Chacun y est allé de ses arguments de mauvaise foi, de certains technologues qui annonçaient une  production durable de viande  jusqu'au monde de l'élevage qui refusait de nommer viande les produits proposés. 

Il y avait aussi ceux qui prenaient des airs horrifiés, en soulignant le prix exorbitant des "steaks hachés" qui avaient été consommés : leGuardian titrait >Synthetic meat: how the world's costliest burger made it on to the plate, expliquant que le coût était de 325 000 dollars. 

Ne devrions-nous pas relire ce merveilleux Louis Figuier, qui, dans ses Merveilles de l'industrie (un titre à méditer, à l'heure où l'on parle trop rapidement de "formation par la recherche") écrit : 

Une des principales branches de la richesse publique en Europe, c'est aujourd'hui le sucre de betterave. Mais, au début, lorsque le chimiste de Berlin, Margraff, annonça l'existence d'un sucre cristallisable dans la racine de betterave, on était loin de s'imaginer que l'extraction de ce sucre fût possible industriellement. Margraff écrivait en 1747 qu'il ne se chargerait pas de fournir le nouveau sucre à 100 francs l'once. Aujourd'hui le sucre de betterave revient, dans nos usines du Nord, à 50 centimes le kilogramme, et sa fabrication enrichit notre trésor public de revenus énormes ; elle alimente d'innombrables usines, et occupe des milliers d'ouvriers.

vendredi 4 août 2023

Des questions de daube.

 
C'est de la daube. » Le mot « daube » est souvent utilisé pour désigner de mauvais produits, alors que la cuisson à l'étouffée peut devenir une extraordinaire opération culinaire, à condition d'être bien comprise. 

 

Comme souvent, c'est le pire qui est éclairant : ici, le pire consiste à mettre de la viande et de l'eau dans un récipient fermé et à chauffer très fort, et peu de temps. Avec cette manière, on obtient une viande bouillie et dure, un liquide bien triste, bref un désastre.

Analysons : on comprend d'abord que le liquide ajouté ne doit certainement pas être de l'eau pure, et, d'ailleurs, dans le passé, il s'agissait plutôt de vin rouge. Evidemment, il y a vin et vin... mais c'est une question de goût, souvent, et ne voulant pas empiéter sur vos choix esthétiques, je vous laisse décider lequel vous utiliserez. Cela dit, le vin n'est pas suffisant, et il vaut mieux lui ajouter nombre d'ingrédients qui corseront l'affaire, tels l'ail, le laurier... 

Le cas du liquide étant considéré, passons à la viande : si c'est une viande un peu dure, à braiser, il faudra la braiser, en quelque sorte. Même si la cuisson à l'étouffée n'est pas exactement un braisage, il y a lieu de reprendre les mêmes idées, à savoir que la cuisson à basse température (entre 60 et 100 degrés) permet l'attendrissement de la viande quand la cuisson est prolongée, parce que, alors, le tissu collagénique qui fait les viandes dures se désagrège, libérant des acides aminés sapides, qui donnent beaucoup de saveurs au plat. 

Autrement dit, il faudra cuire non pas la viande complètement immergée dans le liquide mais juste les pieds dans l'eau, et cuire longuement, à basse température. 

Reste la question du « pot » que l'on utilise pour cette cuisson. Les cuisiniers savent bien que la réduction donne souvent de bons résultats, en termes gustatifs, parce que, alors, les concentrations en composés sapides et odorants, notamment, sont augmentées. Or, dans un récipient parfaitement hermétique, la réduction n'aurait pas lieu. En revanche, dans un pot en terre pas très bien fermé, il y aura juste la bonne réduction, correspondant à une cuisson très longue. Et c'est ainsi que l'on récupérera une sauce courte, avec beaucoup de goût. 

Comment faire si la sauce est trop longue en fin de cuisson ? Pas de drame : versons la sauce dans une autre casserole et terminons la réduction sur feu vif. D'ailleurs, il y aurait lieu de poursuivre les expériences pour savoir si les réductions à feu vif ou à feu lent donnent des résultats différents : malgré des annotations de certains cuisiniers, tel Jules Gouffé, les résultats à ce jour manquent de certitude. 

Un mot pour terminer au cas où vous utiliseriez de l'eau pour votre daube, plutôt que du vin rouge. Des expériences sur l'influence de la qualité de l'eau sur la confection du bouillon de viande ont montré que les résultats étaient gustativement différents. Autrement dit, quand on parle d'eau, et puisque cette eau n'est jamais pure, mais chargée de sels minéraux sapides, il vaut mieux bien la choisir.

vendredi 7 avril 2023

La beauté est dans l'oeil

 Hier soir, j'ai grillé des cubes d'agneau qui avaient été trempés dans une sauce tandoori. Une sauce tandoori ?  C'est un mélange d'épices avec  paprika, cannelle, sel, cumin, piment, coriandre … La liste est longue, je m'arrête là. Les morceaux de viande avaient donc été trempés dans du yaourt où  l'on avait dispersé cette poudre ; ils étaient enrobés de cette préparation, posés sur une plaque et mis directement sous le gril. Après  quelques minutes,  une odeur agréable a empli la cuisine, alors que les morceaux de viande avaient bruni... et qu'ils avaient les pieds dans du liquide. Pourquoi ce liquide ? 

 

Bien sûr, le yaourt, c'est essentiellement de l'eau, puisque c'est du lait qui a été gélifié, et que le lait est principalement composé d'eau. Le yaourt peut être dégradé par la chaleur, relâchant son eau. 

Est-ce la vraie raison ? Pour le savoir, il faudrait faire l'expérience avec des morceaux d'agneau, sans yaourt, et...  l'expérience n'a plus rien de comparable, puisque  les morceaux de viande  ne sont alors plus cuits dans les même conditions  ! 

Nous avons là un exemple typique de la difficulté de concevoir des expériences qui puissent être identiques en tous points, à l'exception d'un seul paramètre. Passons, et supposons que nous trouvions une expérience convenable ;  il est vraisemblable que nous verrons à nouveau ce liquide, parce que l'on sait par ailleurs que les viandes chauffées se contractent. Pourquoi les viandes chauffées se contractent-elles ? Les viandes sont des faisceaux de fibres nommées fibres musculaires, reliées entre elles par du tissu collagénique. Les viandes qui contiennent beaucoup de ce tissu collagénique se contractent plus à la cuisson et celles qui en contiennent moins, et la pesée d'eau où l'on a chauffé une viande très collagénique montre bien que cette viande se contracte et expulse du jus : la viande pèse moins après cuisson, et le "bouillon" pèse plus. 

Mais pourquoi cette contraction tissu collagénique ? Le tissu collagénique est un assemblage en de petites fibrilles, du collagène, lequel est un assemblage de brins polypeptidiques, un mot à rallonge pour dire que la molécule est un enchaînement de résidus d'acides aminés. Comment, lors du chauffage, ces arrangements sont-ils perturbés ? Je m'arrête là, parce que la discussion serait très longue, dépassant de beaucoup le cadre d'un petit billet de blog. 

C'est à cela que je voulais arriver  : partant d'une observation quasi insignifiante, l'esprit curieux se lance immédiatement  dans une immense promenade au royaume des mécanismes, de la science quantitative. Tout tient dans « l'esprit curieux » : la beauté est dans l'oeil de celui qui regarde, et la curiosité est dans l'esprit de celui qui contemple les phénomènes du monde, également. Et si l'on n'est pas curieux ? Alors je propose de s'entraîner à simplement décrire les phénomènes, comme le stipule la méthode des sciences quantitatives. On observe une transformation, on la décrit, avec des mots, et l'on discute ensuite ces mots. Ce « travail nous conduira immanquablement à nous interroger sur  le fonctionnement du monde. 

 

NB : des revues scientifiques viennent de publier que l'exercice de la science était corrélé à de la moralité supérieure à la moyenne. Voilà qui devrait répondre aux reproches que certains ont fait, lors des débats éthiques, et voici ce qui devrait satisfaire Faraday, qui disait que l'exercice de la science quantitative améliorait l'esprit.

mardi 19 avril 2022

La cuisson d'une viande ? D'abord une coagulation

 

Je n'ai pas suffisamment expliqué que la cuisson d'une viande s'apparente à la confection d'une terrine ou à celle d'un œuf dur.

Faisons sauter une viande : cela se fait dans un sautoir ou dans une poêle.
Oui, on saute une viande dans une poêle, mais on ne poelle que dans un poellon.

Bref, dans une poêle fortement chauffée, en présence d'un corps gras qui évite que la viande n'attache au récipient, on voit que la couleur de la viande change, en surface, tandis qu'un peu de fumée part vers le haut.

Mais le principal effet est le durcissement de la viande.

Et là je vous propose  de faire l'expérience qui consiste refermer le pouce et l'index d'une même main, sans serrer. De l'index de l'autre main, vous touchez alors la chair sous le pouce et vous constatez  que c'est très mou.
Puis vous remplacez, l'index par le majeur, toujours contre le pouce,  et l'on s'aperçoit alors que la partie charnue sous le pouce devient plus dure. Avec l'annulaire, c'est encore plus dur,  et avec l'auriculaire c'est encore plus dur qu'avec l'annulaire.
Ces différentes consistances correspondent aux différents degrés de cuisson des viandes sautées : bleu avec l'index, saignant pour le majeur, puis à point et bien cuit.
C'est ainsi que certains cuisiniers reconnaissent le degré de la cuisson  : ils comparent la sensation sentie sous le pouce et celle de la viande en train de cuire.

Mais je reviens à mon point essentiel : la viande qui cuit durcit. Pourquoi ?

Parce que la viande est un faisceau de faisceaux de tubes extrêmement fins  : les "fibres musculaires".

Ces tubes, ces tuyaux, renferment de l'eau et des protéines, c'est-à-dire environ une matière qui a la consistance initiale du blanc d' œuf.

Les protéines principales de l'intérieur des fibres ont pour nom actine et myosine, et elles assurent la contraction des muscles par un mécanisme que je n'explique pas ici.

Car je veux arriver au point essentiel : la dureté progressive de la viande découle de la coagulation de ces protéines.

Oui, dans l'intérieur des fibres d'une viande, il y a coagulation comme dans une terrine, mais avec la différence que les protéines restent dans les fibres musculaires, quand on saute une viande, alors qu'elles sont libérées dans la masse broyée, pour une terrine.

Et le durcissement des viandes à la cuisson est donc tout à fait de même nature que la coagulation d'une terrine, ou encore que la cuisson d'un oeuf sur le plat, ou d'un oeuf dur, par exemple : les protéines font coaguler la masse.

jeudi 18 novembre 2021

A propos de viandes et de diracs



À ce colloque de l'Académie de l'agriculture sur les reproductions de viande, je vais essentiellement montrer que des mélanges d'eau et de protéines conduisent,  après cuisson, à des solides d'autant plus durs que la concentration en protéines est élevée.

À la base de cette observation, le fait que le blanc d'oeuf sur le plat reste à solide très mou, tandis qu'un steak cuit est beaucoup plus dur. Dans le premier car, il y a 10 % de protéines et 90 % d'eau, tandis que dans le second, il y a environ 20 % de protéines et donc 80 % d'eau : le doublement de la quantité de protéines conduit alors à la formation d'un gel beaucoup plus ferme, c'est-à-dire d'un produit beaucoup plus consistant, et l'on peut avoir toutes les graduations entre les deux.

Dautant qu'il y a, dans les viandes un troisième paramètre, à savoir la quantité de matière grasse, ce que l'on nomme le persillé.

Évidemment, je n'utilise pas le mot "viande" pour désigner des solides mous obtenus à partir d'eau et de protéines, et j'ai proposé le mode "dirac", d'après le physicien Paul Andrien Maurice Dirac, qui était la loyauté même :  pour les dénominations de produits alimentaires, nous devons être parfaitement loyaux, et certainement  ne jamais utiliser le mot de viande pour désigner des mélanges de protéines et d'eau, ni pour désigner les produits obtenus par des cultures in vitro de cellules musculaires.

Je rappelle que la loi de 1905 sur le commerce les produits alimentaires réclame des produits loyaux, marchands et sains.
La loyauté, c'est-à-dire l'honnêteté, consiste à reconnaître que la viande est la viande, et que ce qui n'est pas la viande n'est pas la viande. Simple, non ?

vendredi 16 avril 2021

Une longue discussion à propos du goût des viandes


Aujourd'hui, une bien longue question, sur une question difficile. Je fais de mon mieux pour répondre.

1. la question :
 

Bonjour Monsieur This,
Je me permets de vous contacter autour d’une question que je n’arrive pas à élucider : Quel processus est le plus intéressant afin d’aromatiser une viande crue avant cuisson à cœur ?
Je comprends que la réponse est fonction de bien des paramètres : type de viande, teneur en gras, complexité des fibres et tissus, taille et sens des découpes (..)
Cette question a soulevé maintes techniques et usages, passées sinon modernisées - Marinade, saumure, injection, enrobage (..) - elles-mêmes régies par des paramètres clés qui impliquent d’autres questions pour la compréhension globale.
Semble-t-il la marinade ne pénètrent que très peu à cœur. L’acidité dénaturerait uniquement les protéines en surface pour faire entrer le liquide aromatique, l’huile comme vecteur des molécules aromatiques.
D’un autre côté, le saumurage est porté par le phénomène d’osmose et l’action du sel. Je comprends le résultat, une viande salée et aromatisée à cœur avec les herbes et aromates déposés dans la saumure. Mais que se passe t’il chimiquement , j’ai lu plusieurs théories :
Première proposition, le fluide contenu à l’intérieur des cellules est naturellement largement plus concentré (en sel) que le soluté de la saumure (même en insistant sur le sel). Le soluté (eau+sel+arômes) de la saumure pénètrerait ainsi la viande.
Seconde proposition, plus largement soutenue bien que confuse sur la finalité d’action. Le soluté de la saumure est plus concentré. L’eau contenu dans les cellules de la viande migre vers la saumure. Mais quel mécanisme permet à la viande de gagner en jutosité puisque les résultats montrent qu’elle gagne en volume, en salinité et en arôme ?
 A. La migration de l’eau par déséquilibre du sel dilue alternativement l’une et l’autre des solutions, puisque la concentration en sel augmenterait de facto dans le milieu où l’eau aurait migré. L’arrêt des échanges se fait quand il y a équilibre des concentrations et pressions : point isotonique.
B. Une différence de pression hydrostatique entre les deux liquides provoque un mouvement du solvant en sens inverse, jusqu'à ce que la pression osmotique soit aussi élevée que la pression hydrostatique. C'est le phénomène de l'osmose inverse. On serait en face d’une mécanique des fluides ?
A cela s’ajoute la « semi-perméabilité » des membranes des cellules. Si j’ai bien suivi votre raisonnement sur la membrane de l'œuf. Seul l’eau est capable de migrer dans ou hors de la viande. Dans le cas présent, les résultats montrant une viande plus salée et aromatisée après saumurage indiquent que les parois des cellules ne sont pas si « semi-imperméables » et laisseraient passer du sel, ou ai-je mal compris le principe de l’osmose ?
De même, pourquoi l’eau uniquement peut-elle circuler au travers des cellules ? Une huile, un alcool, un lait ou tout autre liquide pourrait-il pénétrer de la même manière dans les cellules, typiquement une saumure de rhum ? A date, j’y vois l’action du sel soluble comme déclencheur de l’équation et donc de l’échange osmotique. Dans le cas de l’huile, le sel n’étant pas soluble, élimine toute pénétration efficace à cœur, et de surcroît j’imagine sa viscosité la rendant moins apte à pénétrer - quid des articles qui encense « les marinades pour aromatiser les chairs » ? En ce cas, qui dit saumure, dit nécessairement liquide avec forte teneur en eau pour garantir la solubilité du sel. Ai-je bien compris le rôle du sel ?
Enfin, l’huile dans la marinade et plus globalement, a un fort pouvoir de rétention des arômes. Est-ce bien la même équivalence dans l’eau… Auquel cas pourquoi diable valoriser les marinades à base acide pour aromatiser les chairs si elles restent en surface contrairement à une saumure aux multiples avantages ?
Votre éclairage sur ce vaste sujet m’aiderait grandement. N’hésitez pas à me recommander certaines sources ou l'un de vos ouvrages dans lequel vous auriez étudié la question.



2. Une première réponse

Ouille, c'est un gros morceau !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Je réfléchis à la meilleure façon de vous répondre, mais il y en a pour un long moment, et je me demande si le mieux ne serait pas que je réponde par oral lors du prochain séminaire, le 12 avril entre 16 et 18 h. Etes vous sur la liste de distribution ?
Mais préalable important  : au fait, pourquoi vouloir donner à la viande un autre gout que la viande ? Ou, mieux dit, quel est l'objectif, je veux dire l'idée derrière l'objectif immédiat ? Parce que sans cette vision claire, on patauge et on répond mal.
bien à vous
PS. Une viande n'a pas d'arôme, puisqu'un arôme, c'est l'odeur d'une plante aromatique, d'un aromate. Vous voulez sans doute parler de goût.


3. Un commentaire détaillé de la question

Là, je prends chaque phrase, et je réponds : 


Quel processus est le plus intéressant afin d’aromatiser une viande crue avant cuisson à cœur ?

Si l'on passe sur la faute qui consiste à parler d'aromatisation pour parler de donner du goût (et ce goût peut être un arome si on le fait à l'aide d'aromates), alors il faut quand même observer que cette première question présente d'abord une double faiblesse : elle demande le processus le plus intéressant... alors qu'il s'agit d'un procédé, d'une part, et, d'autre part, qu'elle fait l'hypothèse d'un "plus intéressant". Plus intéressant en termes de temps passé ? de coût ? d'efficacité ? d'efficacité en termes de saveurs ? d'odeurs ? de sensations trigéminales ? Et puis, elle fait l'hypothèse que l'on peut donner du goût à une viande, ce qui n'est pas acquis a priori.
Mais, surtout, pourquoi vouloir donner du goût à une viande crue ? D'ailleurs, avant "cuisson à coeur" ? Me demande-t-on : donner du goût à coeur avant cuisson ?

Tout cela étant dit, on voit que je me dois de répondre autre chose que ce qui est demandé, puisque la formulation de la question reste à désirer. Reste la question : donner du goût à coeur d'une viande. On a de nombreux moyens, à commencer par les plus classiques : les marinades (pour certaines viandes seulement), les piquages (dans le temps, on lardait les viandes, et les lardons étaient salés, poivrés, etc.), les injections de liquides à la seringue, comme pour les jambons...


Je comprends que la réponse est fonction de bien des paramètres : type de viande, teneur en gras, complexité des fibres et tissus, taille et sens des découpes (..)


Moi, avant de penser paramètre, je propose de fixer clairement l'objectif : que veut-on faire et pourquoi ?


Cette question a soulevé maintes techniques et usages, passés sinon modernisés - Marinade, saumure, injection, enrobage (..) - elles-mêmes régies par des paramètres clés qui impliquent d’autres questions pour la compréhension globale.

Décidément, j'ai du mal avec les formulations. Par exemple, comment l'enrobage donnerait-il du goût à coeur ?
Et puis, ces "paramètres clés qui impliquent des questions : je ne comprend pas ce que cela signifie.


Semble-t-il la marinade ne pénètrent que très peu à cœur.

Ce n'est pas exact : j'ai dit plus haut que la marinade fonctionne bien avec certaines viandes, et cela se vérifie facilement.


L’acidité dénaturerait uniquement les protéines en surface pour faire entrer le liquide aromatique, l’huile comme vecteur des molécules aromatiques.

Oui, l'acide peut modifier la surface, mais allons-y doucement avec les mécanismes chimiques, surtout quand on les mêle à des phénomènes macroscopiques. C'est une tendance que je vois apparaitre de plus en plus : des descriptions pseudo scientifiques, dont on ne sait pas d'où elles sortent.
Oui, l'acide modifie la surface, dénaturation ou non des protéines... mais en quoi cette dénaturation ferait-elle entrer le "liquide aromatique" (je me répète, mais un liquide n'est pas "aromatique" ; disons qu'il a du goût). Et puis, comment l'huile entrerait-elle ? D'ailleurs entre-t-elle ? Toujours ? Pour toutes les viandes ? La réponse est non.

D'ailleurs, j'ajoute que si l'on veut évoquer des mécanismes, il vaudrait mieux ne pas oublier la structure de la viande, avec des fibres réunies en faisceaux par du tissu conjonctif. Pas de trous, pas de diffusion possible pour de nombreuses viandes. Les protéines et leur dénaturation : on verra cela plus tard.


D’un autre côté, le saumurage est porté par le phénomène d’osmose et l’action du sel.

La encore, on suppose que sel entre dans les viandes, et cela est vrai pour des temps longs. Mais d'où sort cette idée du phénomène d'osmose ? Quant à dire que le saumurage résulte de l'action du sel, c'est une tautologie.
Et la capillarité ?


Je comprends le résultat, une viande salée et aromatisée à cœur avec les herbes et aromates déposés dans la saumure. Mais que se passe t’il chimiquement ?  j’ai lu plusieurs théories :

J'observe tout d'abord que si je sais qu'un saumurage peut saler à coeur (avec du sel, qui est soluble dans l'eau), je n'ai pas de certitude quand on fait que le goût des herbes, du essentiellement à des composés hydrophobes, pourrait pénétrer dans les viandes. Et j'aimerai voir des travaux corrects à ce propos.


Première proposition, le fluide contenu à l’intérieur des cellules est naturellement largement plus concentré (en sel) que le soluté de la saumure (même en insistant sur le sel). Le soluté (eau+sel+arômes) de la saumure pénètrerait ainsi la viande.


C'est bien gentil... mais la structure de la viande ? Les fibres, les faisceaux de fibre ? Et, j'insiste encore, les composés hydrophobes n'empruntent pas les mêmes voies que les composés hydrosolubles.


Seconde proposition, plus largement soutenue bien que confuse sur la finalité d’action. Le soluté de la saumure est plus concentré. L’eau contenu dans les cellules de la viande migre vers la saumure.


Là, j'ai des mesures de la perte de masse de viandes dans du sel, et c'est bien par osmose que peut se faire le phénomène... Mais pourquoi parler du "soluté de la saumure" : quel soluté de la saumure ?????


Mais quel mécanisme permet à la viande de gagner en jutosité puisque les résultats montrent qu’elle gagne en volume, en salinité et en arôme ?

D'abord, d'où sort cette idée que la viande gagnerait en jutosité ? Et d'où vient cette idée qu'elle gagne en volume ? Et en "arôme" ?


A. La migration de l’eau par déséquilibre du sel dilue alternativement l’une et l’autre des solutions, puisque la concentration en sel augmenterait de facto dans le milieu où l’eau aurait migré. L’arrêt des échanges se fait quand il y a équilibre des concentrations et pressions : point isotonique.

Que l'on me pardonne, mais je ne comprend rien : "déséquilibre du sel" ? Concentration en sel qui augmenterait dans le milieu où l'eau migrerait (si l'eau afflue, la concentration en sel diminue !) ? Et puis, dans un phénomène d'osmose, l'équilibre (qui n'est pas l'équilibre du sel, mais l'équilibre du système) ne correspond certainement pas à un équilibre des concentrations.


B. Une différence de pression hydrostatique entre les deux liquides provoque un mouvement du solvant en sens inverse, jusqu'à ce que la pression osmotique soit aussi élevée que la pression hydrostatique. C'est le phénomène de l'osmose inverse. On serait en face d’une mécanique des fluides ?

Là encore, ça va beaucoup trop vite pour moi. Qui a jamais prouvé un "équilibre hydrostatique" ? Mais, plus généralement, je ne comprends rienà ce paragraphe, désolé.


A cela s’ajoute la « semi-perméabilité » des membranes des cellules.

Une semi-perméabilité des membranes  des cellules ? Dans les viandes, les cellules sont les fibres musculaires, et leurs membranes sont gainées de tissu collagénique. Cela n'a rien à voir avec une membrane semi-perméable, ou, disons que la semi-perméabilité est loin d'être établie.


Si j’ai bien suivi votre raisonnement sur la membrane de l'œuf.

L'oeuf, c'est l'oeuf, sans structure comme dans la viande. De sorte que l'extrapolation n'est pas légitime.


Seul l’eau est capable de migrer dans ou hors de la viande.

D'où cela sort-il ? D'ailleurs, ce n'est pas vrai : les saumures sont rouges.


Dans le cas présent, les résultats montrant une viande plus salée et aromatisée après saumurage indiquent que les parois des cellules ne sont pas si « semi-imperméables » et laisseraient passer du sel, ou ai-je mal compris le principe de l’osmose ?

Hélas, la réponse est oui, d'une part, et, d'autre part, la question de la structure de la viande est omise.
Et puis, une viande plus parfumée après saumurage ? Je voudrais en être bien certain, avant de chercher des explications.


De même, pourquoi l’eau uniquement peut-elle circuler au travers des cellules ?

Mais vous avez vous-même dit que le sel entrait ???? Je ne comprends plus.


Une huile, un alcool, un lait ou tout autre liquide pourrait-il pénétrer de la même manière dans les cellules, typiquement une saumure de rhum ?

Je n'en sais rien : faites l'expérience.


A date, j’y vois l’action du sel soluble comme déclencheur de l’équation et donc de l’échange osmotique.

Où y a-t-il une équation ? Où y a-t-il un "échange osmotique" : qui vous prouve que c'est l'osmose, et non la capillarité par exemple, qui est le phénomène essentiel ?

Dans le cas de l’huile, le sel n’étant pas soluble, élimine toute pénétration efficace à cœur, et de surcroît j’imagine sa viscosité la rendant moins apte à pénétrer - quid des articles qui encense « les marinades pour aromatiser les chairs » ?

Trop compliqué pour moi. D'ailleurs, la viscosité n'a rien à voir : il ne faut pas confondre équilibre et vitesse.
Et puis "le sel n'étant pas soluble" ? Soluble dans quoi  : dans l'huile ?
D'ailleurs les fameux articles (que je ne connais pas, pardon : et écrit par quel physico-chimiste ?) disent-ils que le viandes sont parfumées à coeur ? Ou bien qu'il y a du goût (en surface) ?


En ce cas, qui dit saumure, dit nécessairement liquide avec forte teneur en eau pour garantir la solubilité du sel. Ai-je bien compris le rôle du sel ?

Forte par rapport à quoi ? Et non.

Enfin, l’huile dans la marinade et plus globalement, a un fort pouvoir de rétention des arômes.

Parlons simple : il ne s'agit pas de rétention, ni d'arômes. Disons seulement que les composés odorants sont souvent solubles dans les huiles.

Est-ce bien la même équivalence dans l’eau…

Equivalence ? Je ne comprends ce que me dit mon interlocuteur.

Auquel cas pourquoi diable valoriser les marinades à base acide pour aromatiser les chairs si elles restent en surface contrairement à une saumure aux multiples avantages ?

Avant toute chose, l'expérimentation ! Etablissons les faits avant de chercher des explications, s'il vous plaît.


Votre éclairage sur ce vaste sujet m’aiderait grandement. N’hésitez pas à me recommander certaines sources ou l'un de vos ouvrages dans lequel vous auriez étudié la question.


4. avant que j'ai fait cette réponse, je reçois la suite de la question

Cela fait un moment que le goût de la viande ne m’a plus excité, si je peux parlé ainsi. Aussi je crois que cela va de pair avec le retrait au végétarisme. Tout un programme!
Côté arôme, tout à fait on est dans l’abus de language, j’imagine que je devrais davantage dire « charger la viande de molécules aromatiques via l’eau/l’huile notamment ». A vrai dire, je n’ai que très rarement dégusté - à titre privé ou en restaurant - une viande savoureuse, à comprendre chargée en épices, aromates & autres légumes infusés, y compris quand elle est estampillé marinée, elle est certainement mal maîtrisée. De mémoire, seule une marinade bulgogi de cubes de viande et une autre pour des Karaages m’avaient vraiment bluffé en goût imprégné. Corrélativement la viande devient une denrée de plus en plus chère et la qualité supermarché se banalise. A titre personnel toujours il y a donc un certain ennui au palais, et de fait une envie d’innover. Pour le peu que j’ai pu en goûter, en plat comme en sandwich, souvent une sauce ou un glaçage ne suffit pas à galvaniser la viande en son centre, qui de surcroît comme je le disais est bien souvent de piètre qualité : on place donc un morceau de denrée animale « par usage » qui reste tout de même le plus onéreux à l’assiette mais fait finalement défaut par rapport à une sauce bien exécutée. Donc, l’objectif est multiple, innover en ayant un goût imprégné et identifié à cœur dans le palais et pourquoi pas apporter des solutions ‘épicées’ sur des morceaux de qualité moins nobles ou de qualité discutable. Pourquoi par exemple réserver la saumure aux viandes blanches, aux pièces maigres ou coté bœuf uniquement « à la famille des pastrami » ?


5. et ma nouvelle réponse

Cela fait un moment que le goût de la viande ne m’a plus excité, si je peux parlé ainsi. Aussi je crois que cela va de pair avec le retrait au végétarisme. Tout un programme!

Bon, si cela plait à notre ami, il a le droit... mais je m'inquiète toujours : sait-il équilibrer son alimentation ? En vertu de quel savoir ?


Côté arôme, tout à fait on est dans l’abus de language, j’imagine que je devrais davantage dire « charger la viande de molécules aromatiques via l’eau/l’huile notamment ».

Non ! D'ailleurs, il a une autre brèche qui s'ouvre : l'expression "molécules aromatiques" est ambiguë, puisqu'elle désigne aussi bien des molécules présentes dans des aromates que des molécules dont les électrons sont "délocalisés" (pardonnez-moi de ne pas expliquer, pour ne pas allonger inutilement).
Pourquoi ne pas simplement dire  : introduire des composés odorants dans la viande, soit en solution dans l'eau, soit en solution dans l'huile ?


A vrai dire, je n’ai que très rarement dégusté - à titre privé ou en restaurant - une viande savoureuse, à comprendre chargée en épices, aromates & autres légumes infusés, y compris quand elle est estampillé marinée, elle est certainement mal maîtrisée.

Mais pourquoi vouloir charger une viande en un tas de composés, alors que la viande a son propre goût ? Moi, au contraire, j'ai mangé des viandes extraordinaires, la plus belle étant une entrecôté que j'ai mangé dans une ferme auberge du Petit Ballon, en Alsace. Sans parler des boeufs de Kobé, ou autre.
Quand même, un faisan bien faisandé, un canard, un beau boeuf, un superbe poulet, un agneau...


De mémoire, seule une marinade bulgogi de cubes de viande et une autre pour des Karaages m’avaient vraiment bluffé en goût imprégné.

Bon, mais je ne comprends toujours pas la question initiale du goût à coeur. Et puis, soyons simple, si c'est difficile de mettre du goût à coeur en plus du goût de la viande, pourquoi ne pas le mettre à l'extérieur ? N'est-ce pas, aussi, la fonction des sauces ?


Corrélativement la viande devient une denrée de plus en plus chère et la qualité supermarché se banalise.

Bof, je ne sais pas d'où cela sort, ni si c'est vrai. Je n'aime pas les "tout fout le camp ma bonne dame". Et puis, ne puis-je dire au contraire que jamais dans l'histoire de l'humanité on a aussi bien mangé ? Aussi sainement ? Et à suffisance ? C'est un fait que je suis de la première génération à ne pas avoir connu de famine, dans l'histoire de l'humanité !!!!


A titre personnel toujours il y a donc un certain ennui au palais, et de fait une envie d’innover.

Rien à commenter, sauf pour l'envie d'innover : pourquoi pas ? Mais alors, pourquoi s'intéresser spécifiquement aux viandes, alors que j'ai proposé la "cuisine note à note" ?


Pour le peu que j’ai pu en goûter, en plat comme en sandwich, souvent une sauce ou un glaçage ne suffit pas à galvaniser la viande en son centre, qui de surcroît comme je le disais est bien souvent de piètre qualité : on place donc un morceau de denrée animale « par usage » qui reste tout de même le plus onéreux à l’assiette mais fait finalement défaut par rapport à une sauce bien exécutée.

Pas d'accord, mais en matière de goût, cela fait bien longtemps que j'ai cessé d'avoir des discussions.
Cela dit, une belle viande froide en sandwich... Et l'odeur envoûtante (pour moi) d'une viande bien grillée ? Et puis, je me répète, pourquoi en son centre alors que je peux l'avoir en surface ? D'ailleurs, pour l'avoir en son centre, pourquoi ne pas faire griller, et mettre au centre, dans une sorte de steak haché reconstitué ?
Simple usage ? Pas en ce qui me concerne.



vendredi 26 février 2021

Basse température et barbecue ?

On m'interroge sur les relations entre la "récente" cuisson basse température et les cuissons plus traditionnelles de type barbecue à la texane.

Récentes, les cuissons à basse température ? Cela fait au moins depuis 1987 que je discute cela, soit plus de 30 ans !

Ce qu'il faut dire, quoi qu'il en soit, c'est que la viande est faite de fibres réunies en faisceaux. Chaque fibre est faite d'un intérieur et d'une enveloppe, comme un tuyau quelque sorte, et c'est une sorte de tissu qui réunit les fibres en faisceaux, puis d'ailleurs des faisceaux en super faisceaux.

Dans toutes les affaires, il y a lieu simplement de considérer que les enveloppes des fibres tout comme le tissu qui les réunit est fait  principalement d'une protéine qui a pour nom "collagène", d'où le nom de tissu collagénique pour le tissu qui gaine les fibres ou les réunit en faisceaux.
Et ce tissu est dur.

A l'intérieur des fibres, d'autre part,  il y a comme du blanc d'oeuf, c'est-à-dire de l'eau et des protéines, mais pas les mêmes protéines qui font le tissu collagénique. Non, des protéines qui assurent la contraction des muscles et qui ont pour nom, pour les principales, actine et myosine.

Mais pensons simplement a du blanc d'oeuf dans des tuyaux durs.

Dans une cuisson rapide, la chaleur coagule l'intérieur des fibres : la viande durcit si elle est initialement tendre. Ce n'est pas très grave pour les viandes à griller.

Mais si les viandes sont initialement plus dures,  parce qu'elle contiennent beaucoup de tissu collagénique, alors la dureté augmente encore, et la viande devient  immangeable.

C'est la raison pour laquelle les viandes à braiser doivent être cuites très longtemps  : il faut que le tissu collagénique soit progressivement dégradé... ce qui se passe si la cuisson est longue.

Et c'est ainsi que, pour bien conduire les braisages,  pour éviter ce que l'on nommait naguère le terrible "coup de feu", il y a lieu de bien commander la température.

Et là je renvoie ver mes innombrables articles relatifs à la cuisson des oeufs pour expliquer pourquoi c'est la température plutôt que le temps qui est essentiel pour la coagulation des protéines.

Mais surtout j'insiste : le tissu collagénique, à basse température va se dégrader progressivement  et  une viande dure va s'attendrir.

Pour cela, il y a des températures essentielles et 60 degrés est un bon ordre de grandeur, puisque, d'une part, les micro-organismes sont détruits, et que, d'autre part, on  dégrade le tissu collagénique, de sorte que l'on attendait les viandes s'endurcir trop l'intérieur.

Pour une cuisson au barbecue à la texane, j'en connais mille, et toutes ne sont pas remarquables.
Certaines portent longuement la viande à basse température, et cela a l'effet décrit précédemment, avec de surcroit un goût de fumée.

lundi 18 janvier 2021

Encore des questions de pot-au-feu


Dans un billet précédent, je discutais l'écumage du pot-au-feu, mais rapidement, et sans dire  qu'il y a des moyens modernes, rapides et efficaces d'écumer : par exemple à l'aide de frittés de laboratoire, des sortes d'entonnoirs avec un filtre en verre, des trous de taille bien déterminée, et que l'on utilise en conjonction avec des trompes à vide, qui accélèrent la filtration. Ces système donnent des résultats bien meilleurs que l'écumage classique, qui, lui, prends des heures et nécessite de surcroît une clarification ultérieure.

Mais, surtout, je disais précédemment, rapidement, que la question de l'équipage s'inscrit dans le cadre plus général de la confection du pot-au-feu. Et là, il faut considérer les choses différemment  : à savoir que l'objectif est de produire une bonne viande et un bon bouillon, certes clair.

Partons de la viande, puisque c'est la matière essentielle et coûteuse de l'ensemble. C'est souvent une viande de bœuf, une viande à braiser comme l'on dit, c'est-à-dire une viande qui est si dure initialement qu'elle ne peut être griller. Elle contient souvent beaucoup de tissu collagénique, cette matière qui rend la viande dure... mais qui libère  beaucoup de gélatine lors d'une cuisson prolongée.
Or  une viande initialement dure que l'on cuit peu de temps devient encore plus dure, quasi inmangeable. En revanche, cette même viande se défait, si elle est cuite très longuement dans l'eau (plusieurs heures ou plusieurs jours), parce que ces longues cuissons dissocient le tissu collagénique, permettant aux fibres musculaires de se séparer les unes des autres.
Il y a deux façons de faire cela  : soit a plus de 100 degrés, soit à moins de 100 degrés. À plus que 100 degrés, l'intérieur des fibres durcit, de sorte que la viande semble sèche quand les fibres se séparent. C'est le signe des mauvaises pot-au-feu. En revanche, quand on cuit à moins de 100 degrés, par exemple à 65, ou 70, alors la cuisson est plus longue, mais l'intérieur des fibres ne durcit pas, et l'on obtient finalement une viande qui peut se manger à la cuillère tant elle est tendre... et c'est là le résultat qu'il faut atteindre. Bien sûr, c'est plus long, mais c'est tellement mieux du point de vue gustatif : la dégradation du tissu collagénique libère de la gélatine, qui donnent une consistance améliorée, et la dégradation libère aussi des acides et des peptides, qui contribuent au goût :  le bouillon devient absolument merveilleux en même temps que la viande s'attendrit.

Évidemment, dans une telle cuisson, il n'y a pas d'agitation de l'eau, et l'écume éventuelle peut se former à la surface, se rassembler sans être dispersés au point d'imposer ensuite une clarification. D'ailleurs, on voit bien un bouillon parfaitement clair, et parfois même sans écume.

La viande dans l'eau froide ? Ou dans l'eau chaude ? Peu importe.

vendredi 15 janvier 2021

Écumer le pot-au-feu ?

Certains m'interrogent sur l'intérêt de l'écumage du pot-au-feu, et ils se demandent d'ailleurs souvent, parallèlement,   s'il vaut mieux mettre la viande dans l'eau chaude ou dans l'eau froide.

Il est facile de répondre à la première question, puisque, s'il y a écume, c'est que des composés présent dans le liquide se sont agrégés en une "écume", venue flotter à la surface du liquide. C'est d'ailleurs cela, la définition d'une écume : une mousse qui résulte de la présence d' "impuretés".
J'ai mis le mot "impureté"  entre guillemets, parce que les viandes n'ont pas de raison d'en contenir, et ce sont sans doute des composés tout à fait normaux des viandes qui font l'écume. Lesquels ? A ce jour, je suppose que les protéines qui sont dans le sang sortent du réseau sanguin qui parcourt les viandes, et viennent dans l'eau environnante, d'autant que la viande se contracte quand on la chauffe. A l'extérieur de la viande, ces protéines peuvent coaguler. D'autre part, il y a aussi d'autres protéines, qui peuvent quitter la viande, ou des fragments de ces dernières. Et toutes les protéines sont "foisonnantes", à savoir qu'elles contribuent à stabiliser des bulles d'air, à faire des "mousses".
Cela étant dit, l'écume formée, quand elle est ensuite agitée par l'eau qui bout, risque de se disperser sous la forme de petits agrégats, et le bouillon risque de se troubler. Comme la clarté des bouillons est un critère de réussite professionnelle culinaire, une marque du soin que le cuisinier a apporté à son travail, on comprend que ce trouble doit être évité... et que les bouillons doivent être régulièrement écumés. D'ailleurs, traditionnellement, les cuisiniers sont avec une cuiller, et, pendant des heures, ils écument, écument, écument encore.

Avec cela, pas de question de toxicologie ou de nutrition : les protéines ne sont pas toxiques, coagulées ou pas (pensons à du blanc d'oeuf qui cuit : il est formé de 90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines), et la masse d'écume retirée est très faible. Donc pas de problème.

La viande dans l'eau froide ou plutôt dans l'eau chaude ? La question est ici double : répondre par rapport à l'écume, ou répondre par rapport à la viande. Pour ce qui concerne la viande, la cuisson doit être surtout faite à basse température et pendant longtemps, parce que c'est ainsi que la viande devient tendre. Pour l'écume, il faut surtout éviter -comme dit précédemment- que les mouvements turbulents de l'eau ne dispersent l'écume et ne troublent le bouillon... Ce qui ne serait pas grave, car, de toute façon, c'est une bonne pratique des cuisiniers que de clarifier les bouillons (j'expliquerai comment une autre fois).

jeudi 24 septembre 2020

Une terrine ? Les recettes sont inutiles quand on y pense.

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1. On veut confectionner une terrine ? Classiquement, on utiliserait une recette : cela signifie suivre un protocole, sans avoir de latitude, en espérant que les prescriptions seront valides. Mais on n'est ainsi pas en sécurité, car les textes culinaires fourmillent d'erreurs,  de "précisions culinaires" largement réfutées : cela va du "le jaune d'oeuf est en bas de l'oeuf" à "il faut couper la tête des cochons de lait au sortir du four afin d'avoir la peau plus croustillante", en passant par "les règles féminines font tourner les sauces mayonnaises" ou "une barre de fer sous un tonneau de vin empêchent ce dernier de tourner en cas d'orage".
Bref, pourquoi omettrions-nous de mettre en action ce que nous avons entre les deux oreilles, surtout si nous avons les connaissances physico-chimiques qui permettent de comprendre les phénomènes mis en oeuvre ?

2. Commençons par les mots : une terrine, c'est d'abord un récipient de terre, puis son contenu.

3. Le plus souvent, pour les terrines de "viande", la recette est simple : il s'agit de broyer de la viande, de la mettre dans la terrine, puis de chauffer.

4. Mais on met la charrue avant les boeufs, puisque l'objectif n'a pas été donné ! Que cherche-t-on à produire ? Et pourquoi ?

5. Restons sur la terrine de viande, en observant qu'il s'agit d'abord de broyer de la viande : historiquement, on valorisait tous les morceaux, & pas seulement les pièces les plus tendres. D'où le hachage.

6. Là, cela vaut la peine de s'interroger plus finement : quelle est l'action du hachage ?

7. Pour répondre à la question, commençons par observer que la "viande", c'est du tissu musculaire, un faisceau de faisceaux de cellules allongées nommées "fibres musculaires". Ces cellules contiennent de l'eau des protéines qui assureront la contraction du muscle, & elles sont limitées par une "peau" en "tissu conjonctif". Comme le papier qui est fait de fibres entremêlées, le tissu conjonctif est fait de protéines fibreuses : le collagène.
C'est ce même tissu conjonctif qui relie les fibres en faisceaux, et ces faisceaux en super-faisceaux.
Finissons en disant que plus le tissu conjonctif est abondant dans une viande, & plus cette viande est dure.

8. Hacher la viande, c'est évidemment diviser cette structure, tout en libérant une partie de l'intérieur des fibres musculaires : la masse de viande hachée ne contient que de petites parties directement assimilables, plus l'eau & les protéines libérées.

9. La cuisson d'une telle masse ? Les protéines libérées coagulent, comme les protéines d'un blanc d'oeuf, et le "gel" formé emprisonne l'eau et les morceaux de muscle formés par le hachage : la masse, qui était molle, durcit, et c'est la terrine.

10. A ce stade, il ne faut pas oublier que toute matière grasse qui aurait été ajoutée avant la cuisson restera piégée dans le gel final, ce qui donnera une consistance plus souple. Tout comme de la mie de pain qui aurait été trempée dans du lait. Et des échalotes, des oignons, de l'ail ou du persil broyés ou ciselés resteront également emprisonnés dans le gel.

11. A ce stade, nous savons donc que le hachage attendrit une viande dure, et que la cuisson redonne de la structure à la mêlée hachée et assaisonnée. La question est maintenant : comment cuire ?

12. Pour répondre à la question, il y a des données que nous devons avoir :
- à 40°C, début de la dénaturation des protéines, la viande perd sa transparence;
- à 50°C, les fibres de collagène commencent à se contracter ;
-à 55°C, coagulation de la partie fibrillaire de la myosine
-à 55°C, début de la dissolution du collagène ;
-à 66°C, coagulation des protéines sarcoplasmiques, du collagène, de la partie globulaire de la myosine ;
- à 70°C, la myoglobine ne fixe plus l'oxygène, et l'intérieur de la viande devient rose ;
-à 79°C, coagulation de l’actine ;
- à 80°C, les parois cellulaires sont rompues, et la viande devient grise.
- à 100°C, l’eau est évaporée.
- à une température supérieure à 150°C (voir plus loin), les réactions de Maillard engendrent des produits mélanoïdes bruns.
Ces changements sont visibles dans une section d'un rôti de boeuf cuit au four à 200°C  pendant un temps ajusté pour que la température au centre reste inférieure à 40°C  : on observe les différentes  zones, concentriques.

13. De ce fait, la mêlée d'une terrine évoluera selon la température à laquelle on la portera.
Et rien ne prescrit, dans tout cela, l'usage d'un bain marie dans un four chaud (par exemple 180 °C ou 200 °C) ! D'ailleurs, le bain-marie ne s'imposait que parce que l'on ne pouvait pas régler la température, dans les fours d'antan.

14. Aujourd'hui, supprimons donc le bain marie, et choisissons notre température de cuisson... en n'oubliant pas que la cuisson sert en tout premier lieu à a assainir microbiologiquement les produits alimentaires, nécessairement contaminés en surface (mais dans une mêlée, la surface vient à coeur !).
Et il est bon de savoir que plus  de 60 °C pendant plus de 15 minutes suffisent pour tuer des salmonelles... mais à condition que la température soit bien atteinte au coeur de la masse !
Avec du porc, par exemple, on craindra des parasites, et l'on dépassera 82 °C.

15. Bref, avec tout cela, on sera tranquille avec un four branché à 85 °C, pendant un très long moment (plus d'une heure, mais cela dépend du rayon de la masse que l'on chauffe).

16. Et, dans les terrines traditionnelles, il y a la croûte, délicieuse. Un coup de gril, un coup de chalumeau, et l'affaire est faite. Bien sûr, on n'oublie pas le cognac, qui pourra être pris dans la gelée de bon aloi, qui se formera sur la partie supérieure, au refroidissement.

À propos de sel et de viande

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1. Il se dit mille choses, à propos de viandes, jusqu'à ceux qui, sans formation scientifique et n'ayant fait aucune étude scientifique des phénomènes, en donnent des "explications", en ligne, dans des revues, dans des livres... J'aimerais bien avoir leur certitudes, mais j'invite mes amis à se méfier quand ils entendent parler d'osmose, de réactions de Maillard, de choc thermique, et j'en passe et des meilleures.

2. L'osmose ? Si vous entendez dire que l'eau va du milieu le plus concentré au milieu le moins concentré, passez votre chemin. Les réactions de Maillard ? Là encore, si l'on vous dit qu'elles sont responsables du brunissement des viandes, c'est nul. Le choc thermique ? J'en ai déjà parlé mille fois dans ce blog, et, bien souvent, c'est du pur fantasme.

3. Bref, puisque l'on m'interroge à propose de saler la viande que l'on fait sauter (je rappelle que cela se fait dans une poêle, alors que poêler se fait dans un poêlon), je commence par rappeler que nous avons fait un séminaire de gastronomie moléculaire où nous avons vu s'affronter des professionnels : certains disaient que mettre le sel avant change la couleur (pas vu d'effet), d'autres disaient que saler après la cuisson permettait d'avoir une viande plus juteuse (pas vu d'effet), tandis que d'autres, encore, salaient en cours de cuisson... sans que l'on voit de différences avec les autres façons de saler.

4. Pour autant, il y a des phénomènes, qui doivent s'interpréter à partir de la connaissance de la structure des viandes... en commençant par rappeler que la viande est du tissu musculaire, fait de cellules allongées que l'on nomme des "fibres musculaires", lesquelles contiennent comme du blanc d'oeuf (de l'eau, des protéines), et qui sont groupées en faisceau par du "tissu collagénique" : un matériau qui limite les cellules, et les groupe en faisceaux, et les faisceaux en faisceaux de faisceaux.

5. Ce muscle est coupé... et il y a toute la différence du monde entre un découpe perpendiculaire aux fibres, et parallèles aux fibres : pensons à la différence entre une entrecôte et une bavette.

6. Et c'est en gros la quantité de tissu collagénique qui fait la dureté des viandes : quand il y a beaucoup de tissu collagénique, la viande est naturellement dure, et l'on préfère la braiser que la griller.

7. Mais, à propos de sauter les viandes, il faut bien garder en tête deux notions : la jutosité (combien il y a de jus) et la tendreté (combien la viande est tendre, molle en quelque sorte).

8. Quand on chauffe une telle viande, il y a des phénomènes divers, à commencer par des coagulations de protéines qui opacifient la viande, la perte d'oxygène qui change la couleur, la contraction du tissu collagénique qui comprime la viande comme une éponge et en expulse des jus, ou la dégradation du tissu collagénique qui attendrit la viande, ou encore le brunissement de surface, la formation d'une croûte (qui n'est en aucun cas imperméable).

9. Bref, mille phénomènes qui jouent différemment selon la façon particulière de chauffer.

10. Et c'est ainsi que l'on distingue assez justement la cuisson rapide, à haute température, et les cuissons lentes, à basse température.

11. A haute température, on chauffe surtout la surface, que l'on fait brunir ; la cuisson évapore l'eau de surface, et l'on s'arrête généralement avant que la texture de la viande soit homogène : le but est de produire un contraste, avec une partie centrale peut modifiée, qui conserve donc ses jus.

12. Pour la cuisson rapide, à haute température, il y a une contraction de la viande qui expulse les jus, d'où des bulles de vapeur au pied de la viande, des sifflements, de la fumée... Là, rien ne rentre et tout sort, de sorte que le sel ne peut en aucun cas venir à coeur.

13. En revanche, quand une viande sautée repose, elle se détend un peu, et peut absorber un peu de jus qui aurait été salé quand du jus exclu par la contraction se serait trouve au contact de sel, qui se serait donc dissous dans le jus.

14. Pour la cuisson à basse température, il y a deux façons de la faire :  courte ou longue.

15. Quand la cuisson est courte et que la température est basse, alors, surtout si le morceau de viande est épais, la température augmente légèrement de l'extérieur vers l'intérieur et, si on fixe une température de cuisson à 50 degrés par exemple avec quelques minutes, alors on obtiendra 50 degrés que sur une faible épaisseur et la viande sera quasi crue. Pas de risque microbiologique pour de la viande de boeuf, car c'est en surface que se trouvent des micro-organismes : si l'on a lavé la viande, ou si on l'a fait brunir avec un coup de gril ou de chalumeau, elle sera assainie.

16. Mais j'ai pris la précaution de parler de boeuf. Avec du porc, du sanglier, du cheval, il faut se méfier des parasites, et chauffer à plus haute température : on n'oublie pas que la cuisson sert (1) à assainir microbiologiquement, (2) à modifier la consistance pour rendre les denrées facilement consommables et assimilables, (3) enfin, et enfin seulement, à donner du goût.

17. Passons à la cuisson longue à basse température : le but est alors de dissoudre le tissu collagénique, pour attendrir la viande sans lui faire perdre sa jutosité.

18. Si maintenant on fixe une température de 60 degrés pendant plusieurs heures ou jours, alors la température sera de 60 degrés dans la totalité de la viande.

19. J'ai pris la précaution de parler de 60 degrés, parce que pour ces cuissons longues, il ne faut pas descendre trop bas en température, sans quoi on fait proliférer les micro-organismes, et l'on risque des accidents.

20. D'ailleurs, c'est une bonne pratique, quand on fait ce type de cuisson, de commencer par un brunissement à haute température, qui tue les micro-organismes ; puis on enferme la viande dans une cocotte ou dans une poche plastique, afin qu'elle ne soit pas recontaminée à l'air.

21. Et quand on cuit ainsi, à basse température pendant longtemps, le tissu collagénique est dégradé, et la viande s'attendrit merveilleusement : c'est la technique du braisage enfin maîtrisée par les thermostats modernes, qui évitent ce "coup de feu" qui ruinait tout.

22. Et là, la viande, qui est restée juteuse, devient tendre : tout bien, d'autant que cette viande à braiser est généralement bon marché.

23. Notons que, quand le tissu collagénique se défait, les fibres peuvent se séparer, et un liquide salé peut entrer à coeur par "capillarité".

lundi 7 septembre 2020

A propos de flammes en cuisine

 Un de ces cuisiniers cathodiques qui a plus une belle gueule (semble-t-il) que de compétences (là, je suis certain) vient de montrer des viandes cuites sur des feux : des flammes insensées venaient lécher la viande, et je propose de bien dire que cette pratique est à la fois idiote et malsaine. 

 Chacun fait bien comme il veut, et l'on sait que la télévision ne brille pas par sa rigueur, mais là, quand même, on verse dans le ridicule, l'incohérent, l'incompétent et le dangereux. 

Lorsque j'étais directeur scientifique de l'émission Archimède, sur Arte, j'avais organisé avec mes collègues de l'INRAE de Toulouse une expérience de dosage des benzopyrènes dans des saucisses que nous faisions griller au barbecue.
1. Avec la grille au-dessus des braises (sans flamme parce que chacun sait que ces dernières déposent des composés toxiques), nous avions vu et montré (le dosage était filmé et expliqué par mes collègues) que la pratique déposait des quantités notable de benzopyrène cancérogènes.
2. Puis nous avons montré que ces quantités étaient divisées par 10 quand on montait la grille de 5 cm.
3. Et elles n'étaient plus mesurables quand la viande était cuite devant le feu et non dessus. 


Car  je rappelle que les rayonnements infrarouges se propagent tout aussi bien latéralement que verticalement : la lumière n'est pas sensible à la gravité. D'autre part, on aura raison de signaler que toute flamme conduit à la production de composés cancérogènes, qu'elle vienne d'un barbecue, du gaz d'un chalumeau, etc. 

Non seulement le goût est répugnant, mais, de surcroît, les composés produits sont dangereux. Certes, on peut manger un barbecue de temps en temps, mais on n'oubliera pas que les populations du nord de l'Europe souffrent massivement de cancers digestifs, dus à la fumée. 


Bref, rien ne vaut une viande cuite devant le feu, comme le font bien les rôtisseurs. Ce qui permet de placer sous la viande une lèchefrite qui récupère les jus délicieux.

Combien de fois faudra-t-il répéter tout cela ? Et quand le public réservera-t-il son admiration pour des personnes qui en valent la peine ? Quand le service public audiovisuel sera-t-il enfin d'une qualité qui méritera nos impôts ?

mardi 14 avril 2020

A propos d'hygiène

1. Allons : faisons aujourd'hui quelques considérations d'hygiène puisque l'époque est à cela. Je propose de parler aujourd'hui de la méthode HACCP, de la marche en avant, de la cuisson des aliments et des TIAC (les toxi-infections alimentaires).

2. Commençons par la méthode HACCP qui est très judicieusement enseignée dans les écoles de cuisine, et qui est une manière de se prémunir  contre les dangers microbiologiques et chimiques, donc de réduire ces risques. Je passe sur la définition du sigle pour indiquer seulement que c'est une méthologie, qui va d'ailleurs de pair avec la "marche en avant", dans les restaurants : il y a un circuit qui va de l'entrée des founisseurs, avec des produits contaminés, vers la table du client, où tout doit etre sain ; les locaux doivent être organisés de sorte que les produits sains ne croisent pas les objets souillés.

3. Plus généralement, l'idée est d'éviter des contaminations qui rendront le client malade : je  me souviens avec effroi d'une diarrhée qui a duré 15 jours alors que je faisais partie d'un groupe qui revenait de Tunisie. Il ne serait pas tolérable que cela puisse avoir  lieu en France métropolitaine, et c'est notamment pour éviter cela que l'on insiste tant sur l'hygiène dans les formations culinaires.

4. Ce qui me fait dire depuis longtemps que,  s'il est obligatoire d'avoir un CAP pour ouvrir un salon de coiffure, cela fait longtemps que l'on aurait dû imposer la même réglementation pour les restaurants : les particuliers qui cuisinent n'ont pas les notions d'hygiène indispensable, d'autant que l'école ne les donne pas.

5. Il y a donc des progrès à faire... et la meilleure preuve en sont les statistiques de TIAC (toxi-infections alimentaires collectives) : aux Etats-Unis, il y a un an ou deux, plus de la moitié de telles infections résultaient du mauvais lavage des mains par les personnels des restaurants ! Bref, il y a encore beaucoup à faire, d'autant que les statistiques publiées à l'occasion de l'épidémie de covid-19 montrent qu'un nombre excessif de personnes ne se lavent pas les mains, notamment en sortant des toilettes  : mas étonnant que l'on retrouve les micro-organismes qui les contaminent  sur les aliments !

6. Il faut bien redire que la cuisson tue les micro-organismes, mais surtout en surface : on pensera utilement à ne jamais descendre sous 60 °C (sauf à coeur, pour une viande saignante... et à condition qu'on ne l'ait pas piquée, ce qui aurait eu pour effet de faire venir à l'intérieur des micro-organismes de la surface.

7. Et l'on n'oubliera pas des températures supérieures s'imposent pour des viandes qui peuvent être parasitées : porc, sanglier, cheval.

8. On n'oubliera pas, aussi, que le lavage permet d'éviter des parasites, venus du sol ou de l'environnement, telle la douve du foie sur le cresson sauvage,  ou divers parasites du poisson cru...  La congélation n'est pas un moyen suffisant de tuer ces êtres vivants qui nous veulent du mal.

9. Bien sûr, il ne faut pas tomber dans un hygiénisme déplacé, comme à propos de la crainte de l'empoisonnement par les aliments. Paradoxalement, ce sont les groupes sociaux les plus aisés qui ont le plus peur, mais, en réalité, l'effort doit porter surtout sur les groupes les moins aisés, et c'est l'Ecole qui a la charge essentielle de transmission des informations salutaires : c'est seulement quand  l'ensemble de la population est sensibilisé que l'on peut vivre tranquille sans trop s'en faire, avec des gestes simples.

10. Enfin, redisons-le sans craindre la répétition : ce sont les campagnes de promotion de l'hygiène, en plus des antibiotiques, qui sont essentiellement à l'origine de l'allongement de la durée de la vie dans les dernières décennies.


lundi 6 avril 2020

Comment rater la cuisson d'un steak


1. Dans la série des "Comment rater", il faut quand même commencer par quelque chose de simple : cuire un steak.

2. Je rappelle que cette série ne vise évidemment pas à rater, mais à réussir, en connaissant les causes d'échec les plus fréquentes. Bien sûr, je ne peux pas les évoquer toutes, et j'écris cela en me souvenant d'une personne qui ratait ses mayonnaises... parce qu'elle les faisait sans huile, ou en me souvenant d'un ami qui ne savait pas reconnaître qu'il avait réussi, de sorte qui poursuivait le travail, ce qui le conduisait à rater. Bref, il y a une infinité de possibilités de faire, mais pas beaucoup de bien faire, et l'on perdrait son temps à imaginer toutes les errances.
Reste que le "paysage" des réussites et des échecs devient plus familier quand on connaît les principales causes d'erreurs. Lançons-nous donc, à propos  d'un steak.

3. La première cause d'échec, c'est la qualité de la viande ! Car qui dit steak ne dit en réalité rien de bien précis. Le dictionnaire (le TLFi, le seul bon) dit "Tranche de bœuf grillée ou à griller". Toutefois, il y a du bon comme du mauvais... et il est bien difficile de faire une bonne viande grillée si l'on part de viande dure, d'un animal âgé, dont la chair contient beaucoup de tissu collagénique. Bien sûr, on peut attendrir une viande dure en la cuisson  à basse température, mais ce n'est plus une viande grillée... à  moins que l'on ne s'y prenne bien  : nous y reviendrons.

4. Mais commençons simplement par une viande tendre, "à griller" : la tendreté - pas la tendresse, qui est bien autre chose- d'une viande se reconnaît à la pression des doigts : quand la viande cède sous les doigts comme du beurre, alors la viande est parfaitement tendre, et c'est même ainsi que certains cuisiniers la reconnaissent.
Soit donc cette viande tendre : comment la "griller" ?

5. Observons qu'il y a des  opérations différentes possibles : griller, c'est placer sur un grill, ou sous une salamandre, une "grille". La température étant très élevé, il y a une façon de rater, qui consiste à cuire trop longtemps, ce qui évapore l'eau et faire perdre la jutosité, tandis que l'on perd aussi de la tendreté.
Expliquons ces deux termes : une viande tendre est tendre, elle cède sous les doigts. Et une viande tendre qui cuit durcit, parce que les protéines qu'elle contient en abondance coagulent, comme le blanc d'oeuf durcit quand on le chauffe. Mais, ce faisant, s'il n'y a que cette coagulation, la viande ne perd pas d'eau (de jus), et elle ne perd pas de jutosité : le jus sera libéré quand on aura la viande sous la dent. En revanche, si l'on chauffe longtemps, l'eau de la viande s'évapore (observons la fumée blanche au dessus d'une viande que l'on grille), et la viande perd de la jutosité. Pour rater, il faut donc évaporer l'eau de la viande... mais pour ne pas rater, il faut donc éviter de perdre de l'eau.

6. Cela dit, je reviens aux différentes façons de cuire un steak. On peut aussi le "sauter", ce qui signifie le cuire dans un sautoir, ce que l'on nomme couramment une poêle. Autrement dit, on ne poêle pas un steak, mais on le fait sauter. Et là, même question de tendreté et de jutosité.

7. Bref, il faut conserver l'eau du steak pour qu'il reste juteux, et il faut éviter de le durcir par coagulation... ce qui impose qu'il reste bleu, ou saignant, voire à point : à l'intérieur, il ne doit certainement pas être comme à l'extérieur... ce qui arriverait si la cuisson languissait. Pour rater un steak, il faut le cuire doucement, lentement, afin qu'il perde son jus et qu'il soit coagulé à l'intérieur comme à l'extérieur... mais bien sûr, a contrario, on aura un bon résultat si l'on cuit à très forte chaleur, afin que la partie extérieure soit brunie, prenne du goût, de la croustillance, tandis que l'intérieur reste tendre et juteux.



mercredi 22 janvier 2020

Le hachage des viandes ? C'est pour faire des viandes tendres !


Je sors de chez un boucher où une petite dame voulait acheter du steak haché. Le boucher avait pris du filet de boeuf, l'avait mis dans la machine et avait produit un steak haché, assurant que cette viande serait délicieuse.
Certes, mais c'est marcher sur la tête, car précisément le hachage a pour fonction d'attendrir des viandes qui sont saines mais dures, pas d'attendrir des viandes tendres !

Il y a deux sorte de viande de bœuf  : les viandes à griller, qui sont naturellement tendres, parce que les fibres musculaires sont "collées" par très peu de collagène ;  et les viande à braiser, qui sont dures parce qu'elles contiennent beaucoup de tissu collagénique.
Pour cuire les viandes tendres,  il suffit de faire un aller-retour dans une poêle chaude et le tour est joué  : on obtient un steak qui reste tendre, dont la surface a été assainie microbiologiquement et qui a pris du goût. La viande a durci un peu, mais est restée tendre si l'on n'a pas trop cuit !
Pour les viandes à braiser,  en revanche, la cuisson sautée comme précédemment donne de mauvais résultats, car la viande est dure. D'où la solution qui consiste à hacher la viande, pour en faire une masse tendre que la cuisson  durcit à peine, quand les protéines sorties des fibres lors du hachage viennent solidariser les morceaux produits par le même hachage.

Bref, hacher une viande tendre, c'est marcher sur la tête, et faire payer des sommes exagérées aux clients : une viande à braiser coûte environ 4 euros, contre plus de 20 pour une viande à griller  ! C'est donc du gâchis que de hacher du filet, et une petite malhonnêteté de la part de boucher qui abuse de l'ignorance de sa cliente.
Certes, stricto sensu, notre boucher n'a rien fait de malhonnête, mais il n'a pas été de bon conseil. Ce genre de personne nuit à la profession tout entière, et doit être dénoncé. Car, je le répète ici,  le hachage, comme d'ailleurs le carpaccio, visent à produire des viandes tendre à partir de matière dure, une bonne opération de valorisation de viande à braiser.

Tiens, tant que nous y sommes : avez-vous imaginé de faire un steak haché de poulet ? De porc ? D'agneau ? Ce n'est évidemment pas impossible, mais ce n'est pas très intéressant, car ces viandes sont souvent déjà tendres ;-)

dimanche 19 janvier 2020

Les lasagnes ? Mais c'est très simple !



Je m'étonne encore d'avoir eu cette chance de "tomber" dans la gastronomie moléculaire le 16 mars 1980 : la raison en est que je suivais une recette. Oui je suivais une recette, alors que, aujourd'hui,  je ne comprends plus pourquoi j'avais besoin de suivre une recette pour une préparation aussi simple !  Certes, c'était une recette de soufflé au roquefort,  mais la compréhension de la préparation qu'est le soufflé permet de s'affranchir de la recette, que le soufflé soit au gruyère ou au roquefort... Après tout un soufflé, ce n'est quand même que du blanc d'oeuf battu en neige que l'on mélange à une préparation un peu pâteuse et que l'on cuit. La "préparation un peu pâteuse" peut être une sauce blanche où l'on a mis des jaunes d'oeufs (pour le goût flatteur) et du roquefort. Bien sûr, on peut ajouter une foule de détails, tels que battre les blancs très fermes, ajouter les jaunes dans la sauce refroidie, etc.,  mais ces détails sont les détails, et l'essentiel vient d'être dit. Bien sûr, beurrer et fariner le moule aide le soufflé à gonfler, mais c'est quand même complètement secondaire par rapport au fait de cuire par-dessous.
Et là, on voit les progrès de la gastronomie moléculaire, qui ont bien identifié que la question essentielle, c'était donc de cuire par-dessous, et non pas tellement de beurre le moule ou de battre les blancs en neige ferme.

Donc , finalement, oui je m'étonne d'avoir eu besoin de recette, mais il faut être juste : c'est tout le travail effectué depuis 1980 qui permet aujourd'hui d'en arriver là, d'être en capacité de raisonner au lieu de suivre des recettes.

La raison pour laquelle je raconte tout cela  ? C'est que, aujourd'hui, on m'interroge à propos de la confection des lasagnes. Or là, si on reste au principe, tout est absolument simple : des lasagnes, c'est un ensemble de feuilles de pâte alternées avec  de la viande hachée et une sauce, plus éventuellement du fromage pour gratiner.
La viande hachée ? Si j'ignore la tradition, alors je peux imaginer du bœuf, du porc, du poulet... Bien sûr, traditionnellement, on hachait les viandes dures pour pouvoir les consommer, mais  toutes les possibilités sont permises aujourd'hui. D'ailleurs, il y a la possibilité de griller la viande par avance, afin de la brunir et de lui donner du goût. Il y a aussi la possibilité de l'assaisonner, bien sûr.
La sauce ? On peut trouver tout : une sauce tomate, une béchamel... Au fond, il ne tient qu'à nous de décider du goût que l'on souhaite sans compter que l'assaisonnement est infini. On pourrait t'imaginer des dés de poivrons, de la chair broyée d'aubergine...

Finalement on empile les couches les unes après les autres, on met dans un plat et on cuit : y a-t-il plus pour réussir ce plat ? Techniquement non, mais on n'oubliera pas la règle essentielle de la cuisine, à savoir que c'est de l'amour, de l'art, de la technique. Pour la technique, nous en avons parlé. Pour l'art, c'est la combinaison des ingrédients et leur dosage qui fera la chose. Et pour l'amour, c'est non seulement le choix de certains ingrédients,  mais aussi leur organisation, l'aspect que l'on donne à voir et que l'on donne à manger. Il faut s'adapter à ceux qui aiment des pâtes un peu pâteuses où à ceux qui aiment des pâtes plus al dente..
Bref, c'est en nous préoccupant de nos amis que nous avons des chances d'arriver à leur dire "Je t'aime", par un plat qu'on leur sert !

mercredi 15 janvier 2020

Les terrines : une suite plus détaillée, plus simple, mieux expliquée (j'espère)


Il paraît que je me suis insuffisamment expliqué à propos des terrines quand j'ai décrit le processus de hachage. Je donne donc des explications supplémentaires.

Nous partons de viande ou de poisson  : le microscope montrerait que, dans les deux cas, la chair est faite de très fins tuyaux juxtaposés, groupés en faisceaux : pensons à des tubes collés les uns avec les autres, tous dans la même direction.
C'est tubes, ces tuyaux sont en réalité nommés des fibres musculaires. L'intérieur des tuyaux, c'est effectivement de l'eau et des protéines, comme du blanc d'oeuf : imaginons un ensemble de petites billes au milieu desquelles se trouve des  fils. Les billes représentent les molécules d'eau, et les fils représentent les protéines.


En réalité, les protéines sont organisées dans les fibres musculaires en vue d'assurer la contraction musculaire, mais je propose pour simplifier ici de ne pas entrer dans le détail de cette organisation.
Ce qui se passe quand on hache la viande, c'est que l'on coupe les tuyaux :  évidemment, l'eau et les protéines sont libérés, de sorte que finalement, la viande hachée, c'est de l'eau dans laquelle se trouvent à la fois des bouts de tuyau et les fils.

Oublions cette complexité et ramenons-nous simplement à une structure faite d'eau dans laquelle flottent les protéines, c'est-à-dire les fils. Quand on chauffe, les protéines s'attachent en un grand réseau qui piège l'eau, tout comme lors de la coagulation du blanc d'oeuf.
Et c'est là que je n'ai pas assez expliqué que le blanc d'oeuf, c'est précisément de l'eau et des protéines. Et quand on chauffe du blanc d'oeuf, les protéines (pensons aux fils) se déroulent un peu et s'attachent, formant un grand réseau qui piège l'eau.
Pieger l'eau,   cela signifie qu'elle ne peut plus couler, et que l'on a une masse molle et solides, qui ne coule pas. 

Et voilà pourquoi de la viande broyée que l'on cuit comme dans une terrine est un cousin du blanc d'oeuf qui coagule.

lundi 18 novembre 2019

Coup de feu sur les braisés !


Le braisage est une merveilleuse opération culinaire, que l'on fait en mettant dans une cocotte du lard, des oignons et des carottes, une viande, puis, par dessus, carottes, oignons et lard, plus un bon verre d'eau de vie. 
On met à four très chaud, pour brunir l'ensemble, puis on couvre et l'on cuit longuement "cendres dessus et dessous", ce qui signifie "à basse température". De la sorte, le tissu collagénique se dégrade, et la viande s'attendrit sans que l'intérieur des fibres musculaires ne durcisse. 

Tout cela étant dit, je reçois ce message : 

Monsieur This Bonjour,
Il m’est arrivé ce week-end de perdre foi dans ma cocotte Staub, dans ma plaque à induction puis dans mon boucher que j’adore. Ma blanquette Ô combien si traditionnelle et facile fut dure comme du bois. Et du bois dur… Rien n’y fit. Pas même le lendemain.
 J’ai lu vos lignes et j’ai compris (un peu tard…) les fibres, le collagène, la température basse. J’ai vu – et je vous l’annonce honteusement – la mienne bouillir. Il était trop tard.
Bien, désormais la science à travers vos lignes a fait son travail et j’ai compris le pourquoi.
 Maintenant que mon dos est tout fouetté d’erreur : avais je une solution autre que la rage et l’accusation des uns et des autres ? Ma question est simple : si notre vie trop moderne ne nous a pas permis de surveiller la température de la joue, du jarret, du quasi et qu’il est devenu tout dur, révolté d’avoir été chauffé : y a-t-il une science inverse pour récupérer l’affaire ?
Et est ce applicable à temps pour servir à Madame ? Aidez-moi par pitié !


Sans attendre, ma réponse : 

Cher Monsieur
Ne perdons pas confiance dans nos cocottes... mais mettons-les dans un four correctement réglé, notamment à des températures comprises entre 60 et 100 °C. Evidemment, il faut des fours modernes, à la norme "verte", pour une cuisson très longue.
En revanche, nos Anciens avaient raison de dire que le "coup de feu" est la mort des braisés : on ne peut dé-coaguler une viande trop cuite, et la seule ressource, alors, consiste à cuire encore plus longtemps, afin d'obtenir une complète gélatinisation du  tissu collagénique, quitte ensuite à faire tremper cela dans une émulsion qui ira nourrir les chairs de matière grasse.
Madame devrait donc attendre !

mardi 28 mai 2019

Vient de paraître

Aujourd'hui, je vous présente le livre
La viande, de l'élevage à l'assiette, par Alain Kondjoyan et Brigitte Picard, Editions de la Maison des sciences de l'homme de Clermont-Ferrand


Par ces temps d'activisme anti-spécisme ou d'extrémisme vegan, on en vient à douter de ses propres comportements, en matière d'alimentation. Faut-il vraiment manger de la viande, ou bien est-ce criminel, comme on nous le dit? Et serait-elle cancérogène, comme le prétendent des idéologues toujours à l’affût de faits à détourner?
Le livre dont il est question ici est salutaire, parce qu'il examine la question. N'est-ce pas ce que nous devrions régulièrement faire : nous interroger sur nos comportements, nos pratiques, nos coutumes, nos habitudes, nos traditions ? Oui, faut-il continuer à cuire des pot-au-feu, à sauter des steaks, à rotir des poulets ?
Pour répondre aux questions que nous nous posons, il faut évidemment des faits avérés, sur lesquels nous exercerons notre jugement, à savoir que nous obtiendrons des conclusions par un exercice de logique. Où trouver ces faits ? Certainement pas chez les partisans ou les idéologues, mais certainement à l'Inra, où travaillent des femmes et des hommes engagés au service des Français. Ce sont des "experts", et non, ils ne sont pas "vendus"... car s'ils étaient des gens d'argent, ils travailleraient dans l'industrie, au lieu de supporter les salaires de la fonction publique. Ce sont des femmes et des hommes qui explorent, colligent, analysent... et l'on sait combien les questions complexes imposent de données variées.
Pour la question de la viande, il y a des questions de sécurité sanitaire, d'une part, mais aussi de sécurité alimentaire : composés nous-memes de protéines, il nous en faut pour vivre, et la question est aujourd'hui, avec une population mondiale qui augmente encore, de savoir s'il y aura des protéines (disons de la viande) pour tous. Mais il y a aussi des question de qualité : produire de la "carne" n'est pas une solution. Et des questions de nutrition... car la viande apporte non seulement le fer nécessaire à notre hémoglobine, mais aussi d'innombrables composés (vitamines, par exemple) qui sont mieux absorbés que quand ils sont dans des végétaux... car notre espèce a évolué avec la consommation de viande. Des questions d'environnement, de durabilité, d'économie, d'aménagement rural, de climat, d'énergie...

Où trouver ces données ? Paradoxalement, alors que le livre présenté ici est petit (seulement 48 pages), il apporte de très nombreuses réponses. Quand je l'ai reçu, je l'ai trouvé bien mince, mais maintenant que je l'ai lu, je le vois riche d'informations utiles. Après tout, inutile de gaver les non spécialistes avec des discours somnifères. Il fallait etre efficace, et je vous invite à découvrir ce livre avant de prendre un parti.