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lundi 11 juillet 2022

Science citoyenne ?

 Cela fait longtemps que je dis que l'expression "science citoyenne" est fautive, idiote, démagogique, etc. 

Là, un collègue vient de faire un très utile article pour le dire : 

https://www.pourlascience.fr/sr/les-sciences-a-la-loupe/la-science-peut-elle-etre-citoyenne-23919.php



lundi 7 février 2022

Les enjeux de la vulgarisation de la chimie

Oui, la vulgarisation scientifique, notamment pour la chimie, a la mission de donner un enseignement qui n'a pas été donné à des personnes qui ont arrêté tôt leurs études, ou de rattraper, de pallier un enseignement qui n'a pas été reçu comme il aurait dû l'être.

Précisons :  nombre de nos concitoyens n'ont pas poursuivi beaucoup leurs études et n'ont donc pas disposé de beaucoup de cours de sciences, et notamment de chimie. Ce n'est pas un reproche, mais une observation qui doit être analysée : observons surtout que ces citoyens n'ont pas reçu de l'Etat d'informations justes sur le monde où ils vivent, et où la question "moléculaire" s'impose chaque jour, pour prendre des décisions essentielles, individuelles ou collectives.

Pour le second cas, on voit qu'il peut y avoir des causes à la fois dans l'émission des messages, et dans leur réceptions. Certes, les acteurs de l'enseignement (professeurs, élèves, et les autres qu'on se gardera d'oublier) sont tous merveilleux, mais quand même : c'est un fait que les cours de chimie (et de physique, etc.) passent à côté de nombreux élèves, et cela doit s'analyser aussi, car, finalement, ils n'ont pas les  informations qui leur permettraient de comprendre le monde où ils vivent, de vivre en citoyens responsables.

Et c'est donc une mission de la vulgarisation que de pallier les insuffisances.

Que l'on me comprenne bien :  je ne critique ici personne... car c'est complètement inutile, mais je cherche plutôt des moyens d'analyser la question pour arriver à faire quelque chose d'efficace.

La question est donc que chaque citoyen en arrive finalement à connaître, à comprendre "suffisamment" de chimie.


Il faut s'interroger aussi sur l'objectif de cette vulgarisation et, notamment, le choix des sujets que l'on veut traiter.

On sait bien sûr que l'actualité est un moteur de curiosité important dont tout media peut jouer, et on peut le faire honnêtement, afin de contribuer à donner à nos concitoyens des informations importantes pour notre vie en société. Sans grands cris effarouchés comme le font certains media catastrophistes, sans contorsions intellectuelles comme le font les idéologues.

Les actualités ? Pour l'aliment, ce sont les additifs, le glyphosate, les OGM, les engrais...

Car que sait-on de ces deux de ces objets quand on n'est pas chimiste ?
Et quelles décisions individuelles ou collectives peut-on prendre ?

On le voit, la vulgarisation de la chimie est politiquement essentielle !


mercredi 25 août 2021

Pourquoi je propose d'être prudent



Pour quelqu'un qui fait la différence entre des opinions et des idées,pour quelqu'un qui sait que les affaires humaines sont compliquées et qu'il y a lieu de les regarder avec circonspection avant de prendre des décisions qui risque d'engager des collectivités, pour quelqu'un qui veut un comportement rationnel, il y a la question du raisonnement, de la déduction.

Si l'on veut être rationnel, alors il y a lieu de bien manier la logique, et, notamment, de commencer par connaître le syllogisme, cette figure logique identifiée dès l'Antiquité grecque et résumée dans "Si tous les hommes sont mortels et si Socrate est un homme, alors Socrate est mortel".

Il s'agit là de déduction logique, imparable, et non pas d'un vague sentiment. Or, comme je l'ai dit, les affaires humaines sont compliquées et j'ai senti le besoin d'expliquer à des amis pourquoi il fallait se méfier des prémisses manquantes. Au fond, cela s'apparente à reprendre la question du philosophe Alain  : "Quelle est la question à laquelle je ne pense pas ?".

Je viens de trouver  deux exemples pour expliquer ce point.

Tout d'abord, supposons que nous voulions reconnaître des champignons et que nous utilisions une clé de reconnaissance insuffisante. Par exemple, supposons que l'on dise :
- prémisse 1 : j'ai un champignon,
- prémisse 2 : il a un chapeau et un pied,
- prémisse 3 : il est décurrent,
- prémisse 4 : la couleur du chapeau est marron.
Avec cette description - qui est, je m'empresse de le dire- insuffisante,  on peut conclure soit que le champignon considéré est un bolet des bouviers, soit que c'est une girolle, soit que c'est une fausse girolle : ici, la conclusion est impossible à obtenir, parce qu'il manque des informations, des prémisses.
Ce n'est pas grave, dans ce cas précis, parce que les deux champignons sont comestibles, mais on serait fautif de conclure. Il manque, en l'occurrence, l'information de la présence soit de pores, qui dirigeraient vers le bolet des bouviers, soit de lamelles, qui orienteraient vers la girolle ou la fausse girolle.

Et l'exemple précédent n'est pas gravissime comme pourrait l'être une confusion entre un champignon comestible et un champignon vénéneux !

On voit bien que l'absence d'une information, d'une prémisse peut conduire soit à une hésitation, soit à une conclusion fausse.

Considérons maintenant un deuxième exemple,  pour lequel nous allons utiliser la théorie des ensembles.
Soit un ensemble A (par exemple celui des nombres entiers dont l'écriture commence par 1, soit 1, 10, 11, 12...), et un ensemble B (celui des nombres terminant par 3, soit 3, 13, 23...). L'ensemble A⋂B (cela se lit "intersection de A et de B") désigne les nombres qui commencent par 1 et finissent par 3, soit 13, 113, 123, etc.
Mais ajoutons une condition, une prémisse : nous considérons non seulement l'intersection de l'ensemble A et B, mais aussi avec l'ensemble C, qui sera celui des nombres dont le chiffre des dizaines est 2. Alors les nombres concernés sont 123, 1123, 1223, etc.

On voit sur ce second exemple que l'intersection A⋂B⋂C est bien plus restreinte que A⋂B :  l'ajout d'une prémisse a conduit à un résultat bien différent du résultat initial.

Ce second exemple, comme le premier, montre combien il est imprudent de tirer des conclusions avant d'avoir toutes les prémisses, et voilà pourquoi s'imposait la phrase d'Alain :
 combien il est imprudent de tirer des conclusions à partir de prémisses insuffisantes et l'on voit pourquoi la phrase d'Alain s'imposait : l'avatar de son "Quelle est la question à laquelle je ne pense pas ?" est ici "Quelle est la prémisse que j'ai oubliée pour raisonner correctement ?"

C'est une question éminemment politique !

vendredi 16 juillet 2021

Une réponse politique : l'étude



Nous discutions hier du remplacement d'un ouvrier par une machine,  dans une usine de pâtisserie : est-ce "bien" ? est-ce "mal" ? quelle décision prendre ?

D'une part, cette question était sur un exemple, mais elle était générale : n'oublions pas les Canuts, par exemple.
D'autre part, je  me sais parfois politiquement incorrect, mais je ne crois pas que nous devions éviter des graves questions, surtout quand nous les discutons entre amis de bonne volonté.

Bref, faut-il ou non remplacer un être humain par une machine sous prétexte que le geste qu'il effectue répétitivement lui abîme le dos,  en plus du fait qu'il est sans intérêt ?

À cette question, un de mes amis a proposé de faire le remplacement,  ce à quoi  je lui ai fait observer que la personne remplacée serait au chômage.
Et mon ami de m'argumente alors qu'il suffirait de le mettre au poste d'une autre personne qui partirait en retraite.
On voit d'une part que c'était "botter en touche", parce que, d'une part, il n'y avait peut-être pas cette possibilité, dans une petite entreprise, et, d'autre part, c'était omettre que ma question était bien plus générale, et qu'elle invitait à considérer le remplacement général de personnel non qualifié par des machines.

Je suis bien conscient que ma propre réponse n'est pas pas locale, mais globale, à savoir que je propose surtout plus d'instruction.
Bien sûr, c'est une réponse un peu facile, mais, surtout, il n'est pas certain que tous souhaitent plus de formation, qu'ils souhaitent vraiment plus étudier. Je peux témoigner du cas, dans une société où j'ai travaillé, où des secrétaires n'ont pas voulu de formation qu'on leur proposait.

Au fond, la vraie question est celle de l'étude. Et là, le corollaire, c'est de se demander comment attirer vers l'étude des individus qui auront plutôt tendance à aller au bistrot ou dans les stades de foot (panem et circenses).
La réponse me semble être qu'il est de notre devoir
1. de rendre les matières théoriques aussi attrayantes que possible,
2.  de bien les expliquer simplement
3. l faudra aussi se focaliser sur l'utilité de ces matières.

Au total, il y aura lieu certainement de ne pas faire apparaître l'abstraction (la théorie qui fera précisément l'humain difficilement remplaçable) comme quelque chose de difficile.
Je me souviens très bien de ces cours privés de mathématiques où la difficulté, pour mes jeunes élèves, était d'admettre qu'une lettre, x par exemple, puisse représenter n'importe quelle valeur. C'est évidemment cette généralisation qui fait la puissance du formalisme, et c'est simultanément l'abstraction qui rebute certains.

Il faut nous efforcer de faire passer cela, par l'exemple, par les exemples si un seul ne suffit pas.
Oui, nous devons d'abord dire des choses simples, nous devons mettre nos amis en confiance, et nous devons montrer qu'il y a un intérêt quasi immédiat à ces généralisations et à ces théorisations.
Il faut aussi montrer cette petite étincelle intellectuelle qui fait que certains d'entre nous, qui ont bien capté la beauté des matières abstraites, se lancent sans hésiter dans ces études théoriques qui leur seront ensuite profitables.

Mais je me propose de revenir un autre jour sur cette question de la "théorie".

mardi 17 novembre 2020

Guy Ourisson, à propos de Laurent Schwartz, à propos des universités : le dernier morceaux 7/7

 



Le livre de Laurent Schwartz comprend d'autre part de nombreux passages qui ont une importance intrinsèque, indépendante des discussions de 1983, et qui nous livrent des trésors : ceux que recèlent les réflexions de quelqu'un qui a autant fait, autant vu, et autant compris que l'auteur. Souvent, sur les mêmes thèmes, des études précises ont été faites depuis plus de deux ans dans les bureaux du ministère. Très fréquemment les propositions de Laurent Schwartz coïncident avec celles qui ont été envisagées. Malheureusement,  les obstacles révélés par les études des services de la rue Dutot sont souvent les mêmes que ceux qu'il repère, sans d'avantage savoir comment les abattre ou les contourner.
Il en est ainsi de son analyse des dangers du recrutement local, des réformes nécessaires (et souvent en cours) dans les grandes écoles, des dangers extrêmes posés par les recrutements "en accordéon" et par une pyramide des âges catastrophique, des relations entre universités et organismes de recherche, de la nécessité (prévue dans la loi, mais attendue avec scepticisme -après tout la loi de 1968 prévoyait bien des CRESER...) d'une évaluation critique de l'activité des enseignants-chercheurs, des avantages des diplômes d'université, etc., etc.
Tout ceci doit se lire, et devrait rapidement être discuté dans l'ensemble du milieu universitaire et para-universitaire ; je souhaite aussi que quelques-uns de nos parlementaires trouvent le temps de le lire avant de le citer. Mais ce livre mériterait une audience plus large : ce sont là des questions capitales, qui devraient sortir du ghetto universitaire. Pour l'essentiel, cependant, "la suite dépend de nous".
Une seule conclusion s'impose et je l'ai déjà tirée : il faut lire ce livre. Le lire, c'est se préparer à bien analyser, quand elles sera définitive, la loi qui nous régira pendant quelque temps, pour en tirer un mode d'emploi. Espérons, je l'ai aussi déjà dit, que des décrets d'application restrictifs ne viendront pas, comme après 1968, rendre impossibles toutes les expérimentations, toutes les diversités, toutes les prises de responsabilité, toutes les entreprises de qualité.
Encore un mot pour terminer, sur une idée qui m'est chère. Dans ma première phrase, j'ai reproché à Laurent Schwartz son "provincialisme parisien". C'était évidemment une provocation puérile, mais elle me sert de prétexte pour regretter que Laurent Schwartz, en de nombreux passages de son texte, méconnaisse superbement la situation réelle de nombreuses universités non-parisiennes. Je pense ne pas être le seul ancien responsable des enseignements supérieurs à avoir parfois souhaité ne pas avoir à "sauver" aussi  les universités parisiennes et à avoir rêvé aux délices d'une Direction générale n'ayant à résoudre que des problèmes réels et mesurables, comme ceux de beaucoup d'université de province. Un exemple seulement d'affirmation qui fera sourire nos universités éloignées : "Paris était autrefois l'aboutissement d'une carrière. On cherche aujourd'hui à tout prix à y débuter, alors que d'excellentes équipes existent en province...". Merci pour elles, mais je tiens à la disposition de l'auteur des lignes de jeunes gens éminents qui ont tout fait, et font tout, avec succès, pour éviter de tomber dans le "piège parisien", lequel était bien plus efficace (en tout cas dans les sciences expérimentales) il y a 20 ou 30 ans ! Ceci, bien que d'"excellentes équipes existent" aussi à Paris.


lundi 16 novembre 2020

Guy Ourisson, à propos de Laurent Schwartz, à propos des universités 6/X

 "La suite dépend de nous"

 Comme on le voit par les exemples précédents, Laurent Schwartz a souvent plutôt tiré ses flèches contre les défauts d'un milieu qu'il connaît bien, que contre le texte de la loi. Mais  dans certains cas, rares, sa cible est précise, et il la rate.
C'est le cas, je crois, pour l'important passage relatif à la recherche. il souligne : "La recherche est presque totalement absente de la loi Savary". C'est incroyable ! Nous trouvons dans la loi, au 2e alinéa de l'art. 1, "la recherche, support nécessaire des formations dispensées", puis au paragraphe 3 du même article, "la participation au développement des connaissances et à l'évolution des technologies", puis les 6 paragraphes de l'art. 4 et le premier de l'art. 5 ; puis le 1er de l'art . 6, puis l'article 14 sur le troisième cycle, puis des indications diverses aux articles 16, 17, 18, 28, 30, 31, 33, 39, 43, 53, 56, 64 (sauf erreur ou omission). Ce n'est certes pas la recherche qui est absente de la loi, c'est son organisation qui n'est qu'esquissée, et c'est fort heureux ! Visiblement, c'est à d'autres sources de la loi Savary que Laurent Schwartz alimente ses craintes de "Menaces contre la recherche" (c'est le titre d'un de ses chapitres). Et je partage certaines de ses craintes, mais pas toutes (ainsi, je ne crois pas que son analyse des inconvénients de la "nouvelle thèse" et de l'habilitation soient justifiées) - mais je n'en parlerai pas ici. Je voudrais aborder un autre point.
Laurent Schwartz  pose une question à caractère général : "Quel sera le pouvoir du président d'une université élu par (des) conseils fortement syndicalisés ?" Il compare ce pouvoir faible, limité par des engagements pré-électoraux, à celui, incontestable, d'un directeur d'école, nommé par le ministre. Je défends depuis 15 ans que c'est le type même du faux problème. Ayant été président élu aussi bien que directeur (général) nommé, je prétends pouvoir donner un avis. Le pouvoir d'un président élu est considérable -ou peut l'être- lorsqu'il  est président de l'université, pas seulement de son conseil ; ce dernier, à moins d'être suicidaire, ne petu rester indifférent au courant de soutien dont peut bénéficier un président compétent (acceptez l'hypothèse) et actif. En outre, dès que les durées des mandats ne coïncident pas, la marge de manoeuvre devient considérable. Quand enfin le président n'est pas immédiatement rééligible, comme il est à nouveau prévu, son pouvoir réel devient immense, à condition bien sûr qu'il souhaite faire face à ses responsabilités. Quand au directeur nommé, Laurent Schwartz est évidemment trop profondément  démocrate pour suggérer qu'il soit nommé  par le ministre, comme au Chili ou à Novosibirsk, sans consultation du conseil qu'il aura à présider. Et je maintiens que si le roi de France ne devenait indiscutable qu'après avoir été sacré à Reims, la nomination par le ministre sur proposition des conseils  n'est qu'une variante de l'élection, et que la bénédiction du ministre ne transformera pas un directeur faible en homme de caractère. Je regrette donc que Laurent Schwartz  ait alimenté la discussion sur ce point. L'important est que la personne élue ou nommée ne soit pas imposée contre une volonté exprimée et expliquée dans des futurs dirigés, et que l'administration, dans ses rapports  avec l'institution, ne scie pas la branche sur laquelle est assis le président ou le directeur, en entretenant des rapports privilégiés avec ses opposants, ou simplement avec certains de ses collègues. Figurez-vous que cela s'est vu...

dimanche 15 novembre 2020

Guy Ourisson, à propos de Laurent Schwartz, à propos d'universités : ici, à propos de sélection 5/X

 La démocratisation grâce à la sélection

Abordons donc ce point-clé : la sélection. Alors que le projet de loi dit exclure "toute sélection", Laurent Schwartz intitule deux de ses chapitres "Pour la sélection" et "Comment organiser la sélection". Le divorce est patent.
De fait, il me semble catastrophique que certains amendements de l'Assemblée, par dogmatisme ou par démagogie, aient émasculé les propositions initiales du ministère. Pour la première fois, il était courageusement proposé de distinguer le droit à l'orientation sans sélection, en premier cycle, et la capacité à poursuivre des études longues, ou spécialisées, en second cycle, en fondant cette sélection sur un concours ou un examen de dossier, et en tenant compte des capacités d'accueil et des perspectives d'emploi. Cette possibilité susbiste, sans doute, mais elle exige, dans le texte actuel, un décret "après avis du CNESER". Certes, le CNESER a l'habitude, depuis 15 ans, que ses avis ne soient pas toujours suivis, et heureusement Laurent Schwartz  a fait erreur en lisant "après approbation par le CNESER", là où seul un avis est prévu. Mais enfin, au lieu d'une régulation normale, on aura une procédure lourde, qui restera sans doute exceptionnelle. C'est un point important et concret de désaccord. Mais il est curieux de constater que les suggestions de Laurent Schwartz peut "organiser la sélection" sont dans une très large mesure celles-là que prévoit la loi, ou plutôt qu'elle autorisera si elle n'est pas bridée dans les textes d'application. En particulier, sa formule, en italique dans son texte : "Tout élève qui a passé son baccalauréat dans l'académie X (doit avoir) le droit d'entrer dans au moins une des universités de cette académie" ressemble comme une soeur (fluette) aux dispositions de la loi. Laurent Schwartz lit d'autre part dans la loi une pression pour que l'étudiant s'inscrive dans son académie, sans mobilité. Je lis et relis l'article 12 : je crois que Laurent Schwartz y a lu ce qui n'y est pas dit mais qu'il sait : que de toute façon il sera difficile de faire se déplacer des étudiants de premier cycle (c'est de ceux-là qu'il s'agit) à moins que ne deviennent disponibles des bourses suffisantes ! Quant à la formule de Laurent Schwartz, pour insister sur la liberté de sélectionner leurs étudiants qu'il souhaite voir accorder aux établissements,  ("il faut que tout élève ait le droit  de choisir son université pourvu qu'elle l'accepte") j'avais cru comprendre ce que cela veut dire, mais une amie chère m'a convaincu que dans la vie de tous les jours c'était une évidence, ou un non-sens ; pour vous en assurer, transposez, p.ex. en termes, disons d'affection. Redevenons sérieux pour un sujet qui l'est fort. Je pense que, si des dispositions réglementaires ne viennent pas introduire des rigidités supplémentaires, même le texte actuel relatif au premier cycle permettra aux établissements qui le voudront d'introduire une forme efficace de sélection ; par exemple, l'université X pourra parfaitement accepter d'inscrire tous les candidats à un cycle d'orientation, mais n'en inscrire que 50 dans un premier cycle voisin exigeant des moyens matériels précis (que ce soient des ordinateurs, ou des places d'atelier, ou des caméras de télévision), et exigeant des qualités précises (comme un certain niveau de mathématiques, ou un minimum de connaissances artistiques, ou certaines aptitudes physiques, etc.). Bref, je crois que le texte actuel de la loi, en voulait "exclure la sélection", mais sans oser la définir, devrait permettre bien des expériences. Je le crois et je le souhaite. Mais au fond, je crains, comme Laurent Schwartz, que ce ne soit pas le cas, et je sais que la méthode qui sera utilisée pour le rendre impossible sera tout simplement d'introduire la rigidité nécessaire dans les décrets d'application. J'espère donc, connaissant le profond libéralisme du ministre actuel, que les décrets ne rendront pas encore plus difficiles de faire les quelques expériences qui, réussies, démontreraient qu'il est possible sans brimer les étudiants, mais au contraire pour les aider, d'organiser une "sélection-orientation" efficace. Ce concept, que développe Laurent Schwartz, avait été largement utilisé dans les documents de la Commission Jeantet, préparatoires à la loi.
L'objectif ne doit pas être seulement de permettre que nos collègues chargés des premiers cycles assurent un enseignement efficace (encore que ce soit là un but louable), mais surtout, comme le dit Laurent Schwartz, la sélection est une condition de la démocratisation réelle, si elle permet d' "aller chercher les gens" pour leur rendre possible de faire mieux que ce qu'ils auraient fait sans incitation : c'est la démocratisation qu'ont réussi, en gros, les IUT grâce à la sélection.

vendredi 13 novembre 2020

Guy Ourisson à propos de Laurent Schwartz, à propos de l'université 3/x

 Comme on le voit, la substance est riche et variée, et encore n'ai-je pas même évoqué d'un mot une foule d'autres points auxquels il est possible d'ailleurs que Laurent Schwartz tienne davantage qu'à certains autres mentionnés ici.
J'analyserai d'abord, pour leur valeur exemplaire, deux problèmes fort différents : la notion de concurrence entre universités et celle de "collège unique".
Sur le collège unique, je serai bref : c'est une disposition regrettable en tout cas pour le conseil scientifique, ressentie par les uns comme une brimade et une erreur dangereuse, et par les autres comme une insuffisante compensation au maintien de deux corps séparés. Parfois, le collège électoral unifié élira les professeurs que leurs pairs auraient élus, et tout ira bien ; mais là une majorité de maîtres-assistants imposera ses favoris contre la majorité des professeurs, on aura créé une cause supplémentaire de faiblesse des Conseils, et favorisé l'éclatement de la communauté universitaire. Et, là où ce sont les professeurs qui sont majoritaires, le risque inverse sera fréquent, avec les mêmes conséquences. Je ne sais pas s'il est encore temps d'éviter la fusion des collèges électoraux, et, si elle est maintenue, je ne vois pas par quelle astuce nous pourrons la rendre inoffensive.
Par contre, je n'arrive pas à trouver condamnable la disposition, contestée non seulement par Laurent Schwartz, mais par la plupart de mes collègues, prévoyant un scrutin de liste. Nous avons toujours, je le sais, élu au scrutin uninominal nos représentants aux divers conseils locaux et nationaux. Nous avons voté pour des collègues à qui nous faisions confiance. Mais, pour mon compte, en près de 30 ans, je ne crois pas avoir participé à un seul scrutin sans avoir été informé, par écrit ou par téléphone, que Messieurs X, Y et Z avaient l'appui du Syndicat Autonome ou du SNESup, ou l'appui de M. A.,  ou que Messieurs M et N, et Madame P s'engageaient à défendre en équipe les dossiers de Strasbourg, ou la qualité de la recherche, ou les enseignants les plus anciens, etc. Tous ces scrutins uninominaux étaient, en fait, des scrutins de liste clandestins. Un scrutin de liste avoué (bien sûr avec panachage et listes éventuellement incomplètes) me semble plus moral. Si l'on veut éviter que seules les listes en présence ne soient des listes syndicales, il suffira d'apprendre à constituer à temps des listes équilibrées et convaincantes, mais il faudra le faire. C'est d'ailleurs ce que, contrainte et forcée, l'Association "Qualité de la science française", présidée par Laurent Schwartz, a finalement bien compris.

mercredi 11 novembre 2020

Un merveilleux texte de Guy Ourisson 1/x

 Nous n'oublions pas ce merveilleux Guy Ourisson, chimiste de talent, professeur extraordinaire, Alsacien remarquable... 


Je retrouve un de ses textes, d'une parfaite intelligence, et je ne résiste pas au plaisir de vous le livre par morceaux. Un peu chaque jour. 


Et voici le début : 

Pour sauver l'université

C'est un grand privilège que d'avoir à présenter ici le dernier livre de Laurent Schwartz : « Pour sauver l'université ». Quel titre courageux ! Et quel livre important, utile, irritant et enthousiasmant, étriqué dans son provincialisme parisien et grand ouvert sur le monde - mais qui va permettre toutes les interprétations partisanes et contradictoires, toutes les déformations, toutes les citations tronquées, toutes les attaques, toutes les utilisations abusives.
Il y a plus d'un an que j'ai quitté la Direction générale des enseignements supérieurs et de la recherche, et mon titre actuel de « conseiller scientifique" du ministre, s'il marque que mon départ n'a pas été dû à des désaccords, ne me le lie ni au cabinet, ni à l'administration. Je me sens donc libre de mes propos, et je sais qu'ils engagent que moi.
« Pourquoi ce livre, et pourquoi aujourd'hui ? », telle est la première phrase de Laurent Schwartz. J'y ai d'abord répondu comme vous : « parce que le débat sur la loi Savary va bientôt reprendre ». Comme vous, je me suis trompé. J'ai lu ces 120 pages comme une réplique au 68 articles du projet de loi en discussion, et rédigé d'un jet 10 pages manuscrites dans cette perspective. Mais, peu à un peu, il s'est dégagé trop d'incohérences : trop de critiques de Laurent Schwartz s'appliquent visiblement mal à ce projet de loi et il semblait impossible que cet auteur fasse de telles confusions -bref, j'avais fait une mauvaise interprétation  : ce livre sort maintenant parce que son auteur pense qu'il y a urgence, mais pas seulement pour amender la la loi. Il est vrai que Laurent Schwartz, par ses très fréquentes références à une loi qu'il ne peut lui-même « absolument pas soutenir », entretient une confusion que d'autre que moi feront certainement. J'ai refait mon texte, mais j'ai tenu à commencer par cette mise en garde.

Une critique de gauche
 

Ce petit livre n'est donc pas un appel aux sénateurs et aux députés pour qu'ils apporte au projet de loi des améliorations ultimes, ou plutôt il n'est pas que cela : c'est une analyse plus permanente, et qui cherche à nous aider à utiliser, au mieux des intérêts du service public, tout texte de loi ou de décret sur les enseignements supérieurs.
Laurent Schwartz précise à plusieurs reprises son attitude : « je suis de gauche et je souhaite le succès de l'expérience socialiste actuelle. Je veux aider le gouvernement, et c'est pour cela que je le critique. »


La suite demain...

jeudi 1 août 2019

Heureux de vous transmettre une lettre importante, à propos de contenu nutritif des aliments

 Je suis heureux de publier ici un texte de Léon Guéguen, qui figure d'ailleurs aussi sur le site de l'Académie d'agriculture de France à :
https://www.academie-agriculture.fr/publications/articles/retour-sur-cash-investigation-fruits-et-legumes-france-2-18-juin-2019


Retour sur Cash Investigation « fruits et légumes »
(France 2, 18 juin 2019)

Avant l’émission


En automne 2016, j’avais été scandalisé par un documentaire diffusé sur France 5 déclarant que « Au cours des 50 dernières années les aliments ont perdu jusqu’à 75 % de leur valeur nutritive…et il faut 100 pommes actuelles pour le même apport de vitamine C qu’une seule pomme ancienne, et 20 oranges au lieu d’une pour l’apport de vitamine A ».D’autres exemples étaient cités montrant que la plupart des aliments s’étaient « vidés de leurs micronutriments ». Largement reprise par les médias, cette déclaration était un véritable cri d’alarme en faveur du  « c’était mieux avant ».

J’ai donc eu l’idée de comparer, pour les aliments les plus courants, les valeurs des tables récentes de composition (Ciqual-Anses, 2016) avec celles des tables anciennes de Randoin et al. L’édition de 1947 existait dans les archives de l’Académie d’agriculture et celle, plus complète et actualisée, de 1981 m’a été vendue (sur Amazon) par une librairie de vieux livres. J’avais donc procédé à cette comparaison qui avait fait l’objet d’une tribune publiée en 2017 dans la Revue de l’Académie d’Agriculture puis, sous un format plus condensé, dans Sciences et pseudo-sciences.

Plus tard (date non mémorisée), j’ai été sollicité par une personne ayant lu mon article et qui, semblant de bonne foi, se déclarait intéressée par des comparaisons sur des espèces ne figurant pas dans mon tableau et me demandant de lui prêter les tables de 1981. J’ai perdu le souvenir de cette transaction (demande téléphonique sans trace écrite), mais je lui ai expédié ce document par courrier postal. J’ignorais totalement que cette personne travaillait pour la société de production de Cash Investigation. L’aurais-je su que, par souci de transparence (ou naïveté ?), j’aurais quand même prêté ces tables (qui ne m’ont toujours pas été restituées). Les ayant déjà exploitées pour mon article, je les avais perdues de vue et je ne me suis pas ensuite inquiété de leur « disparition ».

L’émission

Dès le début du documentaire, trois affirmations sont fausses, mensongères ou déloyales :

1) Dans une courte séquence d’une minute en début d’émission, sur trois heures d’un tournage-prétexte dans la bibliothèque de l’Académie d’agriculture, la réalisatrice faisait semblant de découvrir une « pépite », alors qu’il s’agissait de mon exemplaire de 1981 des tables de composition…qu’elle possédait déjà depuis longtemps et qui lui avait servi à établir son grand tableau comparatif sur 70 espèces de fruits et légumes. La présence des tables de 1947 dans les archives de l’Académie avait été signalée à la fin de ma tribune, mais pas celles de 1981 qui on servi à faire les comparaisons.

2) Il est dit qu’ils auraient eu « l’idée simple » de comparer les tables anciennes et récentes de composition des aliments…alors que j’avais eu cette idée près de 3 ans plus tôt et qu’il s’agissait de l’objet de mon article publié en 2017 et connu de la réalisatrice.

3) Il est déclaré que «En France, nous n’avons trouvé aucun scientifique pour nous parler de cette baisse des teneurs… », alors qu’elle connaissait au moins un ! Il faut surtout comprendre que mes conclusions, plus critiques et nuancées, ne lui convenaient pas…

Pourquoi l’origine de ce prêt de document ancien et ma tribune sur ce sujet n’ont-elles pas été évoquées dans le documentaire ? Selon la réalisatrice, mon article ne portait que sur un nombre limité de fruits et légumes (ce qui est exact), concernait aussi des céréales, le lait et l’œuf et ne visait pas que les minéraux et vitamines, mais aussi les protéines, les lipides et les glucides. Curieux motif de rejet ! De plus, contrairement à leur étude, j’ai présenté des données par espèce végétale, tandis qu’ils ont fait des moyennes de 70 espèces dans le but de montrer des « tendances » d’évolution des teneurs. Pour cette raison, mes conclusions seraient « biaisées », voire « partisanes » (?). En revanche, leur méthode aurait été « validée » par David Davis, de l’université du Texas, auteur d’une revue de synthèse sur ce sujet que j’avais citée dans mon article. A noter que « l’effet de dilution » qu’il constate ne conduit qu’à des diminutions de 10 à 20 % des teneurs en quelques micronutriments, avec d’énormes écarts-types limitant leur signification statistique, ce qui est bien loin du « grave déclin » proclamé ! Ces baisses de teneurs sont bien plus faibles que celles constatées sur les 70 espèces traitées dans le reportage, dont seulement trois sont annoncées à l’antenne : baisses moyennes de 16 % pour le calcium, de 26 % pour la vitamine C et de 48 % pour le fer. Et les autres micro-nutriments ? Pourquoi ne sont-ils pas évoqués !

En fait, dans l’émission, il n’est pas seulement question de moyennes mais aussi d’exemples précis et répétés destinés à frapper l’opinion : perte de 26 % du calcium et de 31 % de la vitamine C du haricot vert, perte de 59 % de la vitamine C de la tomate…mais, évidemment, aucun exemple d’augmentation des teneurs n’a été cité. Et pourtant, en ne considérant que les espèces végétales de mon tableau, si plusieurs diminutions de teneurs ont aussi été constatées (sans que cela soulève un cri d’alarme pour notre nutrition), de nombreux cas de gains de nutriments ont aussi été constatés. En voici des exemples :

Pomme de terre : +27 % de vitamine C
Poireau : +50 % de fer et +70 % de beta-carotène
Chou : +38 % de calcium et +40 % de fer (intéressant car le chou est l’une des principales sources végétales de calcium)
Haricot vert : +67 % de zinc
Carotte : +38 % de beta-carotène
Pomme : +30 % de magnésium et +50 % de zinc

De tels exemples existent certainement aussi dans le grand tableau furtivement présenté dans l’émission (que je n’ai pas pu me procurer malgré ma demande réitérée) et Elise Lucet aurait aussi pu le dire (n’est-ce pas du cherry-picking ?). Quant à la “déconfiture” observée pour le fer dans certains fruits, elle est simplement due au fait qu’ils ne contiennent pratiquement pas de fer et que ces très faibles valeurs, même avec des pertes apparentes pouvant atteindre 75 %, sont sans signification pratique.

Selon la réalisatrice, le plus important n’est pas de constater des variations pour les espèces individuellement, mais de montrer des tendances sur des moyennes de 70 fruits et légumes, tous dans le même panier. Or cette méthode est pour le moins critiquable et trompeuse quand on raisonne, sans aucune pondération en fonction des teneurs absolues, sur des moyennes de pourcentages de diminutions dont certaines sont énormes, peu fiables et sans intérêt nutritionnel lorsque les teneurs absolues sont très faibles (cas du calcium de la pomme, du fer des fruits…). Les pourcentages moyens de variations sont alors artificiellement gonflés, sans que cela présente un quelconque intérêt pour le nutritionniste. En effet, ce qui importe pour la nutrition c’est l’évolution des teneurs dans les aliments qui sont des sources significatives de micronutriments, par exemple le chou pour le calcium ou la pomme de terre pour la vitamine C, mais pas celle du fer dans des fruits qui n’en contiennent pratiquement pas. De même, il importe peu au producteur de chou ou de pomme de terre de savoir que les teneurs moyennes pour les 70 espèces ont baissé de 16 % pour le calcium et de 26 % pour la vitamine C, mais que ces teneurs ont augmenté de 38 % pour le calcium dans le chou et de 27 % pour la vitamine C dans la pomme de terre.
Alors, quelles sont les conclusions « biaisées » ?

Quoi qu’il en soit, et comme j’ai pris la précaution de le préciser dans mon article, ces comparaisons des tables doivent être faites avec un bon sens critique et beaucoup de réserves. Toutes les valeurs fournies sont affectées d’un gros écart-type, même si celui-ci n’est pas indiqué dans les tables anciennes dont les valeurs sont souvent sujettes à caution. Mettre l’accent sur quelques différences qui semblent importantes (surtout quand elles sont exprimées en pourcentages) n’a pas grande signification.

Conclusion


Non, nos fruits et légumes n’ont pas été au fil du temps « vidés d’une bonne partie de leurs nutriments » ! Quelle que soit la méthode utilisée pour évaluer cette évolution depuis 60 ans, la bonne (celle de Cash, bien sûr !) ou la plus mauvaise (la mienne !), on peut constater une tendance moyenne à la baisse des teneurs en quelques micronutriments dans certains fruits ou légumes, probablement due à un certain effet de dilution pour des variétés à plus gros rendement et à plus forte vitesse de croissance, parfois pour des fruits récoltés avant maturité complète. Cependant, non seulement ces baisses moyennes ne sont pas dramatiques mais elles ne traduisent pas le fait que certaines espèces sont maintenant plus riches en certains minéraux, oligoéléments ou vitamines, ce que le reportage se garde bien de signaler.

Une très bonne synthèse des connaissances sur ce sujet, plus complète que la revue de D. Davis, a été rédigée en 2017 dans le mémoire de master de l’université libre de Bruxelles par Emilie de Riollet de Morteuil sous le titre : « Analyse de la réalité du déclin de la valeur micronutritionnelle de nos aliments de base depuis la Révolution Verte et recherche de ses causes». Ce mémoire, qui cite mon article, n’est pas connu de l’équipe de Cash. Ses conclusions sont en bon accord avec les nôtres, ce qui est réconfortant…

Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas d’un « grave déclin » des teneurs en micronutriments des fruits et légumes dont l’impact nutritionnel, dans le cadre d’un régime alimentaire global, serait significatif.

 Et halte à la course à l’audimat par des émissions anxiogènes sur la nutrition, alors que notre alimentation n’a jamais été aussi diversifiée, aussi saine et aussi accessible au plus grand nombre !

Léon Guéguen
Directeur de recherches honoraire INRA et membre émérite de l'Académie d’Agriculture de France



On aura compris que Cash Investigation est pris en flagrant délit de malhonnêteté ! Quelle honte pour le service public.

vendredi 14 juin 2019

Méfions-nous !


Nous sommes bien d'accord que :
1.  l'expérience est intransmissible
2. il faut être très positif
3. critiquer un livre, c'est lui faire de la publicité, ce qui va à l'encontre du but visé.

Pour autant, surtout en ces temps d'écologisme idéologique, je m'en voudrais de ne pas tendre à mes amis quelques idées qu'ils pourront ruminer à leur guise.
Tout d'abord, je vous ai extrait d'un livre de Robert M. Pirsig, le Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes, cette phrase :

"J'en profite pour continuer à poursuivre [...] la rationalité, ce fantôme ennuyeux, complexe et classique de la structure interne".

Oui, le livre est un roman, une fiction, ce qui est commode pour l'auteur, qui pourra toujours dire qu'il n'a pas lui-même dit ce qui est dans la bouche d'un personnage inventé; mais quand même, le roman fait l'apologie de l'anti-rationalité, avec mille arguments qui sont dans le même sens que celui que je dénonce ici.
D'où ma question : à vous de vous déterminer sur cette idée ! Et j'élargis cela à Thoreau, dont le Walden (encore une fiction) a eu pour effet que des individus sont allés vivre dans les bois. Et je ne peux m'empêcher d'évoquer ici Rousseau, personnage que je déteste, parce que le trouve faux (alors que je trouve Diderot si merveilleux !)

Mais encore, à vous de vous faire votre idée ! Pour en revenir à Pirsig, on lit plus loin :
"Le véritable but de la méthode scientifique est de s'assurer qu'on ne s'imagine pas savoir ce qu'en fait on ignore".
Il confond science et analyse ! D'ailleurs, ce passage n'est pas le seul où la confusion est faite.
Décidément, je n'avais pas aimé ce livre, lors d'une première lecture, et je le déteste, lors d'une seconde lecture, parce que, en réalité, il fait partie de ces apologies d'idéologies que je crois très néfastes.

Mais, j'insiste, je vous invite à le lire pour que vous vous fassiez une idée, car je ne suis pas un gourou que l'on doive croire. Et vous m'en direz des nouvelles.


mardi 28 mai 2019

Vient de paraître

Aujourd'hui, je vous présente le livre
La viande, de l'élevage à l'assiette, par Alain Kondjoyan et Brigitte Picard, Editions de la Maison des sciences de l'homme de Clermont-Ferrand


Par ces temps d'activisme anti-spécisme ou d'extrémisme vegan, on en vient à douter de ses propres comportements, en matière d'alimentation. Faut-il vraiment manger de la viande, ou bien est-ce criminel, comme on nous le dit? Et serait-elle cancérogène, comme le prétendent des idéologues toujours à l’affût de faits à détourner?
Le livre dont il est question ici est salutaire, parce qu'il examine la question. N'est-ce pas ce que nous devrions régulièrement faire : nous interroger sur nos comportements, nos pratiques, nos coutumes, nos habitudes, nos traditions ? Oui, faut-il continuer à cuire des pot-au-feu, à sauter des steaks, à rotir des poulets ?
Pour répondre aux questions que nous nous posons, il faut évidemment des faits avérés, sur lesquels nous exercerons notre jugement, à savoir que nous obtiendrons des conclusions par un exercice de logique. Où trouver ces faits ? Certainement pas chez les partisans ou les idéologues, mais certainement à l'Inra, où travaillent des femmes et des hommes engagés au service des Français. Ce sont des "experts", et non, ils ne sont pas "vendus"... car s'ils étaient des gens d'argent, ils travailleraient dans l'industrie, au lieu de supporter les salaires de la fonction publique. Ce sont des femmes et des hommes qui explorent, colligent, analysent... et l'on sait combien les questions complexes imposent de données variées.
Pour la question de la viande, il y a des questions de sécurité sanitaire, d'une part, mais aussi de sécurité alimentaire : composés nous-memes de protéines, il nous en faut pour vivre, et la question est aujourd'hui, avec une population mondiale qui augmente encore, de savoir s'il y aura des protéines (disons de la viande) pour tous. Mais il y a aussi des question de qualité : produire de la "carne" n'est pas une solution. Et des questions de nutrition... car la viande apporte non seulement le fer nécessaire à notre hémoglobine, mais aussi d'innombrables composés (vitamines, par exemple) qui sont mieux absorbés que quand ils sont dans des végétaux... car notre espèce a évolué avec la consommation de viande. Des questions d'environnement, de durabilité, d'économie, d'aménagement rural, de climat, d'énergie...

Où trouver ces données ? Paradoxalement, alors que le livre présenté ici est petit (seulement 48 pages), il apporte de très nombreuses réponses. Quand je l'ai reçu, je l'ai trouvé bien mince, mais maintenant que je l'ai lu, je le vois riche d'informations utiles. Après tout, inutile de gaver les non spécialistes avec des discours somnifères. Il fallait etre efficace, et je vous invite à découvrir ce livre avant de prendre un parti.

mercredi 5 septembre 2018

Ce que dit ce blog

Ceux qui consulte parfois ce blog se sentent peut-être "bousculés" par son hétérogénéité apparente, mais cela n'est qu'apparent, et ceux qui sont plus réguliers ont compris, je suppose, qu'il  y a environ quatre grands courants.


1. Il y a tout d'abord des billets de cuisine,  où j'analyse des techniques culinaires, où je réponds à des questions techniques, où, parfois, je présente des réflexions esthétiques, sachant que,  de ce dernier point de vue, je me suis quand même beaucoup exprimé dans mon livre La cuisine, c'est de l'amour, de la technique.

2. Il y a aussi une série de réflexions scientifiques. Non pas des informations, comme le ferait une revue de vulgarisation, mais surtout des notions, des concepts, et plus encore des méthodes.

C'est ainsi que j'ai produit une longue salve de billet consacré aux bonnes pratiques en recherche scientifique, mais il y a aussi des réflexions épistémologique fréquentes, et, surtout, des réflexions de stratégie scientifique, ce grand champ oublié des "enseignements", disons des études scientifiques.

3. Troisième grand groupe  : les réflexions didactiques, et on voit ici pourquoi j'ai utilisé des guillemets autour de ce mot "enseignement" que je déteste : dans les temps récents, j'ai largement évoqué le fait que les professeurs ne peuvent pas enseigner, mais seulement "professer" ; et puis, les professeurs ne sont rien, car ce sont les étudiants qui comptent, et ceux-là doivent étudier, apprendre... Les professeurs ne peuvent que donner de l'enthousiasme, de l'énergie pour que les étudiants obtiennent efficacement  des connaissances, des compétences et des savoirs être. C'est là une synthèse de beaucoup de billets des dernières

4. Enfin, il y a des billets que je qualifie de politiques, même si la terminologie est un peu inappropriée. En réalité, il s'agit de réflexions différentes des trois précédentes, et je laisse mes amis les caractériser mieux en allant consulter les billets successifs.


 Y a-t-il un ordre dans l'émission de ces billets ? Non, j'essaie seulement, au gré des circonstances, de l'actualité, et, surtout, de mes avancées personnelles, de  proposer des réflexions à mes amis. Tout doit être très positif, très enthousiaste,  et je n'ai d'ailleurs pas beaucoup d'efforts à faire pour y parvenir tant il est vrai que l'enthousiasme et l'optimisme peuvent être communicatifs, et que, en tout cas, c'est mon espoir qu'ils le soient.







dimanche 15 juillet 2018

Comment militer pour une cause juste quand on n'a pas la compétence pour établir publiquement que cette cause est juste ?



Ma récente décision de me focaliser sur mon domaine de compétence et de ne plus parler de toxicologie ou de nutrition, qui sont en dehors de ce domaine, me pose un problème important : il y a des causes que mes amis scientifiques compétents connaissent bien et à propos desquelles je leur fais confiance, d'une part parce que mes amis sont compétents, et d'autre part, parce que je sais que ces mêmes amis n'ont pas d'intérêts qui les conduiraient à prendre des positions opposées aux faits. Je cite en vrac la composition nutritionnelle des aliments bio, les dangers éventuels (j'insiste : éventuels) du glyphosate, les risques éventuels  (j'insiste : éventuels) associés à la consommation de résidus de pesticides, la question des perturbateurs endocriniens, etc.
Quand un de ces amis, qui a fait une longue étude bibliographique, une longue étude d'expertise, me donne ses conclusions, et que ces dernières vont à l'encontre de rumeurs propagées par des individus dont je sais qu'ils sont malhonnêtes, qu'ils agissent par lucre ou par idéologie, même moi qui suis un peu en dehors du monde, j'ai envie de diffuser  la bonne parole contre la mauvaise. Et cela me conduit à vouloir prendre parti.
De ce fait je suis mis en position de donner des avis sur des questions qui sont en dehors de ma compétence, ce qui pourrait me conduire à devoir justifier ces avis auprès de mes interlocuteurs. Je ne veux en aucun cas me déguiser en toxicologue ou en nutritionniste, moi qui ne cesse de répéter que, comme le disait les Jésuites,  on ne soit pas se comporter en tant que chrétien mais en chrétien : ce qui, dans mon cas, signifie que je dois seulement me comporter en physico-chimiste qui connaît la structure chimique et physique des aliments, et leurs modifications lors des transformations culinaires.
L'analyse de la question apporte sa réponse : je pourrais commencer chaque diffusion d'information hors de mon domaine de compétence par une phrase telle que « Je suis incompétent dans ce domaine, mais j'ai confiance dans l'information suivante, qui me vient d'amis compétents et honnêtes ».

Car, quand même, contre les fanatismes, il y a absolument lieu d'émettre des voix audibles qui montreront à nos amis que le chant des sirènes est mortifères.

samedi 27 janvier 2018

Les études, une faveur de l'état ?

Ce n'est pas souvent que je m'insurge politiquement, mais je crois que les "études" ne font pas l'objet d'un traitement juste.
Bien sur, je m'étonne toujours du  brouhaha politique, des déclarations de type bistrot du commerce. Et, en l'occurrence, j'ai été entrepris à propose  de cette question des années de travail qui permettent à certains de prendre leur retraite.

Je comprends que, pour des métiers pénibles, il y ait lieu de s'arrêter plus tôt... mais je questionne la "pénibilité" : un étudiant qui passe des nuits à travailler est-il vraiment un nanti, un paresseux, quelqu'un qui ne ferait rien ? Je ne le crois pas. Et je propose de ne pas oublier que ses parents, par leurs impôtes, ont payé ses études, et que, pendant ce temps où il ne gagne pas d'argent (pendant que d'autres en gagnent), il faut même payer son entretien.
Mais, surtout, je veux témoigner que l'acquisition de certaines connaissances impose des efforts aussi considérables que des épaulés jetés. Pas de télé, pas de bistrot, pas de copains, pas de loisirs quand on se lance dans certains calculs, dans l'apprentissage de certaines connaissances ou compétences universitaires. 
Bref, je propose que les études soient considérées, comme les autres métiers, comme du temps de travail  !

(à noter que les étudiants qui travaillent bien sont payés par l'état, au Danemark)

D'ailleurs, plus particulièrement, je suis tombé sur une observation d'un internaute qui disait que les étudiants en médecine devraient quelque chose à l'état, et que, en conséquence, ils devraient s'installer là où on leur dit. C'est une déclaration scandaleuse : les études de médecine sont très longues, et les salaires des externes sont minables, ceux des internes sont misérables, eu égard aux gardes, astreintes, etc.
Assez de cette critique d'un corps qui est hors la loi (des 35 heures) tant il travaille. S'il y a lieu de réformer cela, c'est bien en faveur des internes !

samedi 16 décembre 2017

Neutralité de la science

Dans les débats politiques (au sens large, ceux qui concernent les citoyens), il est parfois question de "neutralité de la science".

Je maintiens absolument que la science est neutre... mais que les scientifiques ont (et c'est leur droit) des points de vue, en plus des connaissances qu'ils s'échinent à avoir.



Commençons par la science : c'est une activité humaine, tout comme respirer, ou bien se promener en forêt. Et, de ce point de vue, la science n'a pas de point de vue, puisque ce sont les humains qui ont des points de vue, des a priori, des idéologies.
Donc la science est neutre.

Bien sûr, j'aurais dû commencer par discuter ce "neutre" : de quoi s'agit-il ? Veut-on dire qu'elle serait ni de gauche ni de droite ? Qu'elle n'aurait aucun parti ? Evidemment oui, puisque c'est une activité, et non pas une personne.
Et, ipso facto, les scientifiques, eux, ne sont pas neutres, puisque certains font cas du mérite, du travail, d'autres (pourquoi pas les mêmes?) de la solidarité, d'autres militent pour plus d'équité, etc.
Mais cela concerne les individus dans leur vie, et  la question est aussi de savoir si ces points de vue, ces "valeurs" retentissent dans l'activité scientifique ?

Là, il faut expliquer que l'activité scientifique cherche les mécanismes des phénomènes par une méthode qui est la suivante :
- identification d'un phénomènes : cette fois, il y a bien une question de choix
- caractérisation quantitative du phénomène : j'y vois la plus grande "neutralité"
- réunion des données quantitatives en équations nommées "lois" : là encore, c'est vraiment très neutre
- recherche des mécanismes, collections cohérentes de lois
- recherche d'une conséquence théorique
- test expérimental de la conséquence théorique.
On le voit, il n'y a que la première pierre de l'édifice qui peut être d'un bord. Par exemple, s'interroger sur la prévalence d'une maladie génétique dans un groupe humain particulier, c'est déjà isoler ce groupe humain... dont on verra bientôt que ses frontières sont floues. Mais quand même, ce n'est pas parfaitement neutre.
En revanche s'interroger sur l'existence du boson de Higgs, ou sur les interactions de solutés dans un gel, ou dans les mécanismes des frottements, là franchement, je vois mal l'écart à la neutralité, et il faut sans doute être un peu tordu pour l'y chercher.

L'Inra ? Cet institut de recherche, on l'oublie, a contribuer à donner à manger à la France après la guerre, et nous oublions trop souvent que notre système alimentaire est fragile, précaire, et qu'il y aura 10 milliards de bouches à nourrir en 2050. Que feront nos beaux parleurs pour y parvenir ? Et n'oublions-nous pas trop souvent, dans les gesticulations à propos du gluten ou des sucres ajoutés, que nous sommes la première génération à ne pas avoir connu de famine... DANS TOUTE L'HISTOIRE DE L'HUMANITE ?
Mais au delà de ces questions de "sécurité alimentaire", il y a des questions de sécurité sanitaire des aliments : il faut dire et redire que nos aliments n'ont jamais été si sains... au point que les normes réglementaires deviennent très difficile à tenir... et que les citoyens, eux, s'en écartent allègrement : par exemple, alors que les réfrigérateurs devraient être à la température de  4 °C, nos concitoyens sont très peu à avoir cette température... et ils font la plupart des mauvais gestes, conserver les cartons d'emballages, mettre des aliments chauds, nettoyer avec des éponges douteuses...

Mais je ne jette pas la pierre : je me contente d'observer que les dénonciations sont faciles, et que l'être humain est humain, avec ses forces et ses faiblesses.
Les scientifiques ont la volonté d'agrandir le domaine du connu, et je ne suis pas là pour dire que c'est mieux ou moins bien que de réparer des plomberies, de vendre des chaussures ou de faire du pain (on observe que je ne prends que des exemples de l'activité privée, pas du service public). Ils sont femmes et hommes, avec leur culture, leurs envies, leurs forces et leurs faiblesses, leurs opinions... même si leur métier les conduit à sans cesse s'interroger sur leur propre conduite. Certains sont de gauche, d'autres de droite, d'autre macronistes, d'autres sont peut-être écologistes, etc.


Mais cela ne concerne pas "la science". Cette dernière est parfaitement neutre... parce que ce n'est pas une personne !

samedi 2 septembre 2017

Militantisme

Alors que l'on me propose de signer une pétition (pour une cause juste) et que je refuse, en raison d'une décision que j'ai prise il y a de nombreuses années, je vois que je me suis rarement exprimé "politiquement" : on n'a pas vu ma signature dans des pétitions, on ne m'a pas vu dans des manifestations, on ne m'a pas vu porter des causes... autres que les très nombreuses que je porte déjà  (au point que je crains chaque seconde que la collectivité ne finisse par me faire boire la ciguë ; -)) ! Pourquoi ?

D'abord, parce que je ne cesse de militer, donc, mais pour des causes que j'ai décidé d'avoir : la promotion de la connaissance (les sciences, les arts, les lettres, la culture...), la rénovation des études en vue d'aider les jeunes citoyens à devenir compétents, dans le respect de valeurs humanistes... C'est pour cette raison que, pendant vingt ans, j'ai utilisé mon temps à faire la revue Pour la Science, avec autant d'énergie que possible, dans l'hypothèse que la connaissance est le meilleur des remparts contre l'obscurantisme et l'intolérance.
Et c'est pour cette raison que j'utilise une bonne partie de mon temps (que le contribuable se rassure : c'est une litote que de dire que je ne me limite pas à 35 heures et que la recherche n'y perd pas) pour réfléchir (efficacement, surtout efficacement) aux questions de transmission. C'est pour cette raison que j'ai ces blogs trop nombreux, à AgroParisTech, sur Google, dans Scilogs, sur le site national de l'Inra...

Mais il y a aussi le refus d'être un "gourou" ; d'ailleurs, on a souvent lu sous ma plume cette réponse de Frère Jean des Entommeures, à qui l'on proposait de diriger une abbaye : comment dirigerais autruy moi qui ne me gouverne pas moi-même ? Pour diriger, il faut une sagesse particulière, mais comment prétendre l'avoir ?
Surtout, quand une personne est "reconnue", elle l'est pour une compétence particulière. Autrement dit, pour tout champ extérieur à cette compétence, cette personne n'a pas a priori de compétence, et c'est un usage abusif de sa notoriété qu'elle ferait si elle prétendait intervenir dans ce champ extérieur.  D'autre part, le nombre de causes (possiblement) justes est immense, et je crois que l'on n'intervient bien que si l'on intervient en connaissance de cause, de façon focalisée.
Signer une pétition ? A condition d'être certain d'être parfaitement d'accord avec tous les faits recouverts par les mots qui figurent dans la pétition : cela impose une connaissance du monde que je n'ai pas... puisque j'ai décidé il y a maintenant presque quarante ans que je ne suivrai aucune actualité, connaissant trop bien les biais des medias, et me doutant évidemment de l'état de ce monde, qui n'a guère changé depuis des siècles (le panem et circenses n'est pas périmé, par exemple). Manifester ? Je n'ai pas l'esprit revanchard, et je veux de l'enthousiasme, de la proposition positive, de l'action !
On aurait tort de croire que je reste confortablement dans ma tour d'ivoire : mon engagement est constant, de chaque seconde, pour des causes que je crois justes et pour lesquelles je milite chaque seconde, comme je l'ai dit. Là, j'essaie d'être vraiment efficace, socialement et politiquement utile.

 Oui, militons pour des causes justes, mais militons efficacement : au lieu de se débarrasser d'un problème à l'aide d'une signature vite faite en bas d'une lettre, cherchons des moyens efficaces de résoudre les problèmes que nous avons décidé de nous poser.
Mais je me reprends : là, j'ai des phrases de tribun, moralisatrices. Je sais ce que je fais, moi, et je n'ai pas vocation ni compétence à dire aux autres ce qu'ils doivent faire, eux : chacun ses choix.
Pour moi, c'est clair : il s'agit de promouvoir la Connaissance, bien produite et bien partagée, puisque c'est notre meilleur rempart contre l'obscurantisme et l'intolérance !

lundi 7 novembre 2016

Encore une alerte pour rien : quel est le motif inavoué ?

L'AFIS vient de publier un communiqué à propos des l' "étude" de Générations Futures largement médiatisée et portant sur des prétendus "mueslis bourrés de pesticides"..
Le texte du communiqué se trouve ici en PJ, ci-dessous, et en ligne sur le site Internet : http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2726



Pesticides dans les mueslis : encore une alerte pour rien...

L'Association Générations futures a publié le 11 octobre  2016 les résultats d'une étude sur la présence de résidus de pesticides potentiellement perturbateurs endocriniens dans des mélanges de céréales et de fruits secs type muesli. L'étude portait sur quinze échantillons issus de l'agriculture conventionnelle, tous concernés par les résidus, et sur cinq échantillons de muesli bio, tous trouvés exempts de ces mêmes résidus. Il s'agit du septième volet d'une série appelée EXPPERT, pour EXposition aux Pesticides PERTurbateurs endocriniens (1). Comme les précédents, celui-ci a donné lieu à des comptes rendus alarmistes largement médiatisés (2).

À de très rares exceptions près (3,4), les médias ont passé sous silence des éléments contenus dans l'étude elle-même, ou dans les communiqués de Générations futures, qui en relativisent sérieusement la portée :

1 - Cette étude de Générations futures n'apporte aucune information nouvelle.
"L’omniprésence des cocktails de perturbateurs endocriniens dans notre environnement est confirmée par ce rapport", écrit en toute transparence le dirigeant de l'association, François Veillerette. Il n’y a donc pas matière pour un tel battage médiatique de toute évidence.

2 - Cette étude n'a rien trouvé d'anormal.
« Aucune Dose journalière admissible (DJA) n’apparaît pouvoir être dépassée pour les résidus retrouvés dans les échantillons analysés, et ce pour une consommation de 50 à 100 g par jour de produit » est-il précisé. La présence de résidus n’est pas une surprise. Les produits détectés sont autorisés, dans des limites d'emploi bien définies. Les résultats de Générations futures suggèrent qu'elles ont été respectées. C’est donc rassurant.
Un calcul rapide montre qu’il faudrait manger, même pour le produit trouvé en quantité la plus élevée, plusieurs dizaines de bols de céréales avant d’atteindre la DJA. Pour d’autres substances mises en exergue, ce sont même des milliers de bols !

3 - Générations futures n’évoque pas de résidus de pesticides homologués en agriculture biologique dans les mueslis bio.
Elle n'a pas vocation à le faire. Comme indiqué sur son site et conformément à l’objet déclaré de l’association, Générations futures assure la promotion de l’agriculture biologique. L'association ne l'a jamais caché. Elle précise en toute transparence sur son site qu'elle se félicite de la perception de financements de la part d’entreprises de la filière agrobiologique : Biocoop, Bjorg, Bonneterre, Léa Nature, Ecocert, etc. (5). Cependant, rares sont les rédactions qui ont mentionné ces éléments qui, pour d’autres communications par d’autres communicants, auraient immédiatement été signalés comme une marque de possible si ce n’est probable « conflit d’intérêt ».
D’ailleurs, au paragraphe « Où trouve-t-on les perturbateurs endocriniens ? » (p16) de son rapport, Générations futures pointe les produits d’origine chimique, mais omet totalement de préciser qu’il existe des perturbateurs endocriniens naturellement présents dans des aliments tels que le soja et le raisin ou dans le vin (6), ni qu’il y en a aussi parmi les substances autorisées comme pesticides en agriculture « bio ».

Et s’il est question de surveiller le risque sanitaire, il est difficile d’ignorer que deux semaines avant la publication de cette étude, une marque française de produits bios a dû lancer un rappel sur sa gamme de mueslis bio, contaminés, non par des résidus, mais par des salmonelles (7). Générations futures n'a pas davantage vocation à en parler non plus.

Conclusion
L’Association française pour l’information scientifique (AFIS) œuvre à la promotion de la méthode scientifique et refuse l’instrumentalisation de la science et la déformation des données scientifiques, quelle que soit la cause que l’on souhaite faire avancer ou le commerce que l’on souhaite promouvoir (8).
Elle constate qu’avec ce septième volet aux allures d’étude scientifique, Générations futures poursuit une opération tout à fait transparente de promotion du bio, par dénigrement du conventionnel, sans contenu scientifique et sans révélation, et sans que ses liens avec le commerce du bio ne lui soit opposés comme la source d’un possible conflit d’intérêt.
Faudra-t-il attendre le huitième, le quatorzième ou le vingtième volet, pour que les médias en prennent conscience ?

1 - Enquête EXPPERT 7 : des pesticides perturbateurs endocriniens dans des mueslis http://www.generationsfutures.
fr/2011generations/wp-content/uploads/2016/10/Enquete_7_final.pdf
2 - http://www.generations-futures.fr/exppert/exppert7-ras-le-bol/
3 - http://chevrepensante.fr/2016/10/11/generations-futures-denonce-100-mueslis-non-bio-respectentnormes-
niveau-pesticides/
4 - https://theierecosmique.com/2016/10/12/muesli-du-matin-pas-bourre-pesticides/
5 - http://www.generations-futures.fr/generations-futures/nos-partenaires/
6 - https://www.anses.fr/fr/content/perturbateurs-endocriniens-1
7 - http://www.rappelsproduits.fr/retour-securite/liste-produits.php
8 - http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article65
 

vendredi 22 juillet 2016

Certaines idées très fausses ne cessent de courir, polluant nos discussions, contaminant notre vie en collectivité, faussant les décisions de nos communautés. Il y a des fantasmes, des croyances, des opinions, des lubies…, mais les plus fausses de ces idées fausses sont celles sur lesquelles on érige des raisonnements.

Par exemple, les « carrés ronds » : sont-ils rouges ? Bleus ? Graves ? Aigus ? Sucrés ? Salés ? Bien sûr, on a le droit de s'amuser à imaginer des choses, mais il semble essentiel de bien se rappeler alors que ce sont des imaginations, des fictions. La question, d'ailleurs, n'est pas neuve, puisque l'on se moque depuis le Moyen Âge de théologiens qui discutaient à l'infini pour savoir combien d'anges pouvaient tenir sur la pointe d'une épingle. Si les anges n'existent pas, ce n'est pas la peine de faire de tels calculs idiots, d'y passer tant de temps.
En sciences de la nature, l'une de ces idées fausses est celle des « technosciences », selon laquelle il n'y aurait pas de différence entre les sciences de la nature et… on ne sais pas très bien (ça dépend des auteurs, qui agitent parfois leur plume de façon bien inconsidérée) si « techno » se rapporte à la technique ou à la technologie.
En gros, l'idée est essentiellement politique (au mauvais sens du terme, celui de la politique politicienne, le pouvoir avant le bien collectif), et elle tend à faire croire (ce qui n'est pas juste, ni vrai) que les sciences de la nature se sont alliées à l'industrie, se détournant de leur objet qui est la découverte de connaissances « pures »,  pour se mettre à la solde de ladite industrie. Évidemment, dans un tel discours, l'industrie est toujours quelque chose d'affreux par principe, et la notion (je le redis : c'est un fantasme, pas un objet qui existe) de  technoscience est une notion qui relève d'une pensée politicienne… mais je me reprends, car je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'une pensée, mais plutôt  d'une compulsion insuffisamment questionnée.

Tout cela étant dit, cette idée fausse de la prétendue technoscience (rien qu'écrire le mot m'arrache la plume) a des avatars, qui sont parfois portés par des amis qui n'y voient pas grand mal, puisque le déguisement qui habille alors ces erreurs (pour ne pas dire « des fautes ») ne permet plus de les reconnaître aussi facilement.
Un de ces avatars est le suivant : « la science est politique : on trouve ce que l'on cherche ».
Il y a là deux phrases qui méritent d'être discutées, avant que nous fassions la synthèse.


La science serait politique ? Bien sûr !

La science est politique ? Il y a deux mots essentiels : « science »,  « politique ». Précisons tout d'abord que nous ne considérerons ici que les sciences de la nature, et je renvoie vers de nombreux billets précédents pour voir ce que c'est, car l'expérience me prouve que beaucoup de ceux qui prononcent le mot « science », même dans l'acception sciences de la nature, ne savent souvent pas de quoi ils parlent. Pour faire simple, rappelons seulement que les sciences  de la nature cherchent les mécanismes des phénomènes à l'aide d'une méthode très codifiée, que nous nommerons, pour faire court, méthode scientifique, ou méthode quantitative.
Les sciences de la nature seraient politiques ? Il y a le mot « politique », qui est ambigu, puisqu'il s'applique aussi bien aux activités au sein de la cité, du grec polis, la communauté humaine, ou s'il s'agit  de diriger ladite cité. On comprend que, dans la critique faite à la technoscience, une notion de pouvoir est considérée… ou plutôt déconsidérée, car il est supposé que la moindre tête qui dépasse soit à couper, idée bien naïve pour mille raisons, et qui conduit à des utopies idiotes, et surtout réfutées par les faits : dans un groupe d'êtres humains, mêmes éclairés, il est plus efficace que quelques uns d'entre eux puissent orchestrer. Il y a de la place pour tous, on doit le respect à tous, mais il est bon d'éviter les cacophonies, et d'instituer des règles (oui, des règles!) pour que le fonctionnement collectif soit harmonieux.
Oui, la science est politique, au sens de son inscription dans la cité : les scientifiques n'oublient pas qu'ils sont payés par les citoyens pour aller agrandir le royaume du connu. C'est à ce titre qu'ils ne font pas n'importe quoi, et qu'ils ont l'obligation d'être très « efficaces », au point que certains sont même malheureux quand ils ne font pas de découverte. J'ai discuté la chose mille fois et je n'y reviens pas : oui, les scientifiques sont des gens responsables, dont l'activité est parfaitement politique, au sens de sa place dans la communauté humaine. On observera, pour terminer sur ce point, que je fais une  différence entre la science et les scientifiques. La science est une activité que font les scientifique, de sorte que ce n'est pas la science qui est politique, mais les scientifiques eux-mêmes, et je crois que toute discussion qui partirait de mots fautifs serait condamnée, minée, sapée. Faisons donc bien la différence, soyons un peu précis, même si l'exposition semble compliquer un peu : en réalité, c'est de la clarté pour tous.


La science trouverait ce qu'elle cherche ? Ce ne serait pas de la science !


Mais passons à la deuxième moitié de la phrase : on ne trouverait que ce que l'on cherche ? Cette fois, l'erreur est flagrante.
Il y a tout d'abord cet a priori qu'il suffit de chercher pour trouver. Un exemple s'impose, outré, avant d'arriver à une exemple moins évident. L'exemple outré, donc : si un  ou une scientifique cherche une clé sous un lampadaire où il n'y a pas de clé, il aura beau chercher, mais il ne trouvera pas. Autrement dit, ce n'est pas parce que la science cherche qu'elle trouve... ce qu'elle cherche.
L'exemple plus élaboré, maintenant, m'a été donné par un ami, dans une discussion récente, et l'on ne peut donc pas le repousser d'un revers de main aussi rapidement que le premier. C'est celui de la « recherche de gènes de l'homosexualité ». Il y aurait des individus qui chercheraient les gènes de l'homosexualité ? Pourquoi pas. D'une part, pourquoi n'y aurait-il pas de tels individus, et, d'autre part, pourquoi n'y aurait-il pas de tels gènes ? Pour la première question, on trouve de  tout dans le monde des êtres humains. Pour la seconde question, c'est plus épineux, car, même sans que je prenne parti,  je sais que le simple fait d'envisager la possibilité de l'existence de gènes de l'homosexualité est quelque chose de terrible, que certains reprocheront. J'insiste : je n'ai pas dit, pourtant, que je crois à cette existence, mais surtout, il y a deux réponses à donner à cette critique.
La première, c'est que la science n'est pas la morale. Bien sûr, les scientifiques doivent, eux, se livrer à une activité moralement digne, mais il n'est pas indigne de poser des questions, et, d'ailleurs, les scientifiques ne font que cela... ce qui a toujours gêné beaucoup de nos concitoyens. Que l'on pense au système copernicien, qui s'opposait à la Bible en mettant la Terre autour du Soleil plutôt que l'inverse : à l'époque, c'était considéré comme terrible, alors que nous le supportons facilement aujourd'hui. Que l'on pense à la mécanique quantique,  dont une interprétation entièrement probabiliste suscitait la fureur de certains,  qui auraient voulu plus de déterminisme. Que l'on pense à la possibilité du clonage humain (je n'ai pas dit que j'y étais favorable), qui fait trembler aujourd'hui. 
Je maintiens qu'une activité scientifique de bon aloi doit pouvoir poser des questions, discuter ! Je ne dis pas que nous pouvons faire n'importe quelle recherche, mais je dis que la discussion est possible, sans quoi on tombe dans le dogmatisme le plus étriqué.
Bref, continuons la discussion sur ces gènes prétendus de l'homosexualité, en supposant pour les besoins de la discussion que l'homosexualité existe, soit un "phénomène" suffisamment circonscrit pour pouvoir être étudié ; je ne sais pas s'il y  a de tels gènes, je ne sais pas s'il n'y en a pas, mais, de toute façon, la science n'est pas là pour espérer les trouver ou espérer ne pas les trouver (on a compris que le mot "espérer" ne s'applique pas à la science, mais aux scientifiques).
Surtout, pour bien comprendre pourquoi, sur cet exemple, il y a une confusion entre science et technologie, ou une méconnaissance de la science, c'est maintenant le moment de rappeler la méthode des sciences de la nature. On identifie d'abord un phénomène, puis on le quantifie ; on réunit les mesures en lois quantitatives, c'est-à-dire en équations, puis on cherche des mécanismes nouveaux, assortis de notions nouvelles, quantitativement compatibles avec les équations, et l'on cherche ensuite à réfuter ce groupe de mécanismes et de notions, cette "théorie", par des expériences toujours quantitatives.
Revenons donc aux différentes étapes à propos de ces prétendus gènes de l'homosexualité. La première étape consiste donc à identifier un phénomène. Comme dit précédemment, ce phénomène doit exister, sans quoi on tombe la mauvaise scolastiques des anges sur les épingles. Les gènes ? Ce sont des objets biologiques apparus anciennement (il y a plusieurs décennies), et la connaissance de la biologie moléculaire montre que les choses se sont considérablement compliqué depuis, de sorte que le mot « gènes » semble déjà un peu hâtif. L'homosexualité, d'autre  part ? De quoi s'agit-il ? Entre l'effleurement et la pénétration, il y a une  gamme de comportements sexuels considérables, et, sans être spécialiste de la chose, je vois que la notion est bien trop large pour être explorée simplement, et je sais aussi que les comportements humains ont une relation extraordinairement compliquée avec les gènes. De sorte qu'un bon scientifique ne posera pas la question initiale, mais une question bien plus réduite.. au point que l'on a critiqué la science pour son réductionnisme  (mais les critiques contre "la science" sont comme les aboiements des chiens : la caravane passe).
Passons rapidement sur la mesure quantitative du phénomène exploré, dans ce cas particulier, et arrivons à la modélisation. Supposons que les mesures effectuées aient conduit à un groupe d'équations. La vraie science ne se limite pas à une telle caractérisation (sinon, ce n'est que de la mesure, pas de la science), et elle cherche des notions nouvelles. Il ne s'agit pas de rester sur le phénomène initial, mais de trouver des mécanismes nouveaux, des notions nouvelles, et cela est quelque chose d'imprévu.
Je le répète : la science n'est pas la vérification ! Elle est la découverte de « montagnes » complètement imprévues… Oui, imprévues, sans quoi il n'y aurait pas  de "découverte", et l'on n'aurait pas agrandi le royaume du savoir ! Autrement dit, si l'on part de l'exploration d'un phénomène, on ne sait absolument pas ce que l'on va découvrir, et, à la limite, on pourrait dire que le phénomène initial n'est qu'une excuse pour arriver à quelque chose de nouveau.

Dans nombre de discussions à propos de la science, et notamment dans les discussions à propos de cette prétendue technoscience (qui n'existe pas, je le répète de façon lancinante), il y a  cette confusion néfaste, qu'il faut dénoncer entre la science et la technologie. Quand je dis "confusion", je ne dis pas que la science se confond avec la technologie, mais bien plutôt que des individus ne sont pas capables de voir la  différence. C'est une confusion terrible, pour nos choix collectifs, parce qu'elle mine également bien des discussions à propos des sciences de la nature.
On sait qu'il y a une volonté industrielle, politique, etc., que la science « serve à quelque chose », mais Louis Pasteur, qui fut pourtant l'un des plus remarquables scientifiques capables de trouver des applications,  avait bien dit que l'arbre n'est pas le fruit.  La science n'est pas la technologie, et il n'y a pas ce que certains "science appliquée" en raison d'une réflexion insuffisante : il y a la science, et les applications de la science. "Science appliquée" est aussi chimérique que "carré rond", et l'on ne doit pas s'étonner de retrouver ce type  d'erreur dans cette discussion, car, une fois de plus, elle est fondée sur une méconnaissance de ce qu'est la science. Oui, la science  n'est pas la recherche de solutions, d'applications, et il faut dire avec beaucoup de force que c'est seulement la recherche de découvertes : il s'agit d'agrandir le royaume du connu.
Et voilà pourquoi je peux maintenant conclure à propos de la seconde idée énoncée, selon laquelle on trouverait ce que l'on cherche : non, mille fois non ! Les scientifiques "ne trouvent jamais ce qu'ils cherchent", parce qu'ils n'ont pas cet espoir ce "trouver ce qu'ils cherchent". Au contraire, ils ne cherchent que ce dont ils n'ont pas idée ! Leur espoir, c'est de faire des découvertes, c'est-à-dire de trouver des choses dont ils n'ont pas idée a priori, et qui bouleverseront nos connaissances.
Un bon exemple est la découverte de la théorie de la relativité, où l'on s'interrogeait simplement sur la notion d'inertie : comment l'état de mouvement d'un objet peut-il changer ? Qu'est-ce que le "mouvement" ? Il n'y avait absolument aucune idée d'application, et il a fallu des décennies avant que l'on ne trouve ces applications…  qui sont partout maintenant : par exemple, la géolocalisation par satellites ! Autrement dit, c'est une grande ignorance de la nature de la science que cette phrase dont  nous sommes partis.
J'ajoute, pour bien faire comprendre ce  qu'est la science, que cette dernière veut "réfuter" les théories : il s'agit principalement de montrer en quoi les  théories que l'on a sont fausses (disons "insuffisantes"), afin de les améliorer. Autrement dit, une "vérification", au sens d'une confirmation, serait exactement l'inverse du travail scientifique !


Vive la connaissance !


Concluons, en discutant  sur les explications que l'on peut  donner de la science. Pendant longtemps, j'ai eu la stratégie de donner les arguments précédents (et d'autres) en les assortissant d'hésitations (feintes), de questionnements, afin que mes amis ne reçoivent pas ces arguments de façon péremptoire, ce qui les aurait conduit à les rejeter. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que ça suffit, et je crois qu'il est temps de dénoncer très  vigoureusement, sans ménagement, les fantasmes, les lubies qui pénalisent notre bon fonctionnement collectif. Il faut combattre les idées fausses.
Toutefois il ne faut pas être "défensif", mais bien plutôt très positif, enthousiastes, et c'est pourquoi je maintiens très énergétiquement  l'idée suivante :  les scientifiques sont politiquement très responsables ; il sont politiquement engagés, non  pas dans la gestion des groupes humains, mais dans leur activité de recherche scientifique, et les découvertes, les vraies, sont toujours imprévues.

Vive la connaissance !