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mardi 19 septembre 2023

Oeufs de cent ans et œufs d'anti-cent ans

Certaines populations d'Asie préparent des œufs de 100 ans, encore nommés œufs de longévité. 

Ce sont des œufs que l'on obtient en plaçant des œufs frais, entiers, dans leur coquille, dans un emplâtre fait d'argile, de paille, et de chaux ou de cendres. Après plusieurs semaines, la « base » (l'hydroxyde de calcium, pour la chaux, ou l'hydroxyde de potassium pour les cendres de bois) a diffusé dans l'intérieur de la coquille, et les protéines du blanc ont coagulé, formant un gel transparent et coloré. 

 

Pourquoi cette coagulation ? 

 

Pensons tout d'abord que le blanc de l'oeuf est fait de 90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines. Les protéines sont comme des colliers de perles repliés sur eux-mêmes, et qui évoluent au milieu des molécules d'eau. Les « perles » ont pour nom « résidu d'acide aminé », et chacun de ces résidus porte un « groupe latéral », qui sont : H, CH3, CH(CH3)2, CH2CH(CH3)2, CH2OH, CH(OH)CH3, CH2SH, CH2CH2SONHCH3, CH2COOH, CH2CH2COOH, CH2CH2CH2CH2NH2, CH2CH2CH2NHC(=NH)NH2, CH2C6H5, CH2C6H4OH, CH2-CONH2, CH2CH2CONH2. 

Dans cette liste, C représente l'atome de carbone, O l'atome d'oxygène, N l'atome d'azote, S l'atome de soufre et H l'atome d'hydrogène. 

Surtout, ce qu'il est important de savoir, c'est que certains de ces groupes latéraux se chargent électriquement, quand le milieu est basique (pH supérieur à 7). De ce fait, les protéines sont plus stables quand elles sont déroulées, de sorte que, quand elles contiennent des résidus de cystéine, des ponts disulfure peuvent s'établir entre des protéines voisines (pour ceux qui veulent mieux voir le phénomène, un podcast : http://www.agroparistech.fr/podcast/Why-do-eggs-coagulate.html. Un réseau se forme : l'oeuf gélifie. 

Inversement, aussi, l'acidification provoque la coagulation : je vous invite à mettre sans tarder un oeuf dans du vinaigre pour obtenir un “oeuf d'anti-cent-ans”.

vendredi 15 septembre 2023

Les fameux émulsifiants



Les oeufs serviraient d'émulsifiants pour suspendre les corps gras ce qui donnerait une texture plus moelleuse aux sablés ou aux pâtes à foncer  ?

Les œufs contiennent des protéines, et ces protéines peuvent enrober des gouttelettes de matière grasse et contribuer à leur dispersion, notamment dans des émulsions. Elles peuvent  également contribuer à disperser des bulles d'air.

Dans les deux cas, il faut une phase aqueuse pour accueillir les structures dispersées,  puisque une émulsion est -au moins dans les cas qui nous concernent- une dispersion de gouttelettes d'huile dans  une solution aqueuse, tandis qu'une mousse est une dispersion de bulles d'air dans une solution aqueuse.

la texture est-elle alors plus moelleuse ? Le mot moelleux est ambigu car on comprend bien que le moelleux d'une mousse, avec des bulles d'air dispersées n'est pas le moelleux d'une émulsion, avec des gouttelettes des matières grasses dispersées.

samedi 20 mai 2023

Du n'importe quoi

Décidément, le talent artistique ne donne pas de compétences en physico-chimie. Ainsi, ce matin, je retrouve dans Paul Bocuse, La cuisine du marché, p. 104 :

« Comme dans la sauce hollandaise, l’huile, corps gras et fluide, se fixe aux jaunes d’oeufs qui servent de liaison et de support, mais à la condition que cette association s’effectue lentement sous l’action d’un brassage vigoureux qui développe la température de la masse et l’aère ». 

Et non : dans une mayonnaise ou dans une hollandaise, l'huile ne se "fixe" pas aux jaunes d'oeufs, et ces derniers ne servent pas de liaison ni de support. Ils se limitent à apporter des composés tensioactifs, pour la mayonnaise, et des protéines qui coagulent dans la béarnaise. 

Le "brassage" n'a pas de sens : il faut surtout diviser l'huile en gouttelettes, et il n'est pas question ni de température ni de foisonnement. 


lundi 21 février 2022

Le beurre et l'oeuf


Un enfant m'interroge : pourquoi l'œuf durcit au feu alors que le beurre fond ?
La question est posée, donc, par un enfant, mais elle a de quoi intriguer n'importe quel adulte ! Puisse cet enfant rester assez émerveillé, pour devenir un adulte qui posera des questions analogues.

Pour le beurre, c'est essentiellement de la matière grasse, mais avec un peu d'eau dispersée dedans... comme on le voit en chauffant doucement du beurre : de l'eau trouble se dépose en bas du récipient, et la graisse pure surnage ; cette dernière est ce que l'on nomme le beurre clarifié.
Mais restons à la graisse pure : elle fige à froid, mais fond à chaud. Pourquoi ? Parce que la matière grasse est fait de tout petits objets, que l'on nomme des molécules de triglycérides, et qui sont comme des peignes à trois dent souples. Ces objets sont faits d'atomes (pensons à des boules, pour simplifier) de trois sortes : des atomes de carbone, des atomes d'oxygène et des atomes d'hydrogènes. Et, aux températures assez douces où l'on chauffe du beurre pour le fondre (moins de 60 degrés), les molécules ne sont pas modifiées, et l'énergie que l'on donne sert seulement à faire bouger assez les molécules pour que, au lieu de rester empilées, elles puissent se déplacer, et faire un liquide. Car un liquide, c'est de la matière où les molécules peuvent bouger, au lieu que, dans un solide, les molécules sont immobiles, même si elles peuvent encore vibrer autour de leur position fixe.

Pour l'oeuf, considérons le blanc, qui est plus simple que le jaune (mais le principe est le même) : ce blanc d'oeuf est fait majoritairement (90 pour cent) d'eau, et de 10 pour cent de "protéines", dont les molécules sont comme des colliers de perles repliés sur eux-mêmes (pour ces protéines là). Quand on chauffe du blanc d'oeuf, les molécules d'eau et les molécules de protéines s'agitent plus rapidement, et les colliers de perle sont déroulés (on dit "dénaturés"). Mais il se trouve que des atomes particuliers qui se trouvaient dans les molécules des protéines de l'oeuf, et plus précisément des atomes de soufre, peuvent s'attacher. Les protéines déroulées s'attachent donc, formant un réseau à trois dimensions (imaginons une toiles d'araignée dans toutes les directions), où les molécules d'eau sont piégées. Cette "coagulation" forme ce que l'on nomme un gel, un solide mou, qui ne coule plus.

mardi 24 août 2021

Quelle différence entre un blanc et un jaune d' œuf ?


Quelle différence entre un blanc et un jaune d' œuf ?
La question semble évidente : le blanc est blanc, et le jaune est jaune. Mais déjà cette réponse est mauvaise, car le blanc d'oeuf est en réalité transparent, et légèrement jaune verdâtre, alors que le jaune est plutôt jaune orangé (on dit qu'il peut même être vert quand les poules ont mangé des scarabées, ce que je n'ai pas encore réussi à vérifier).
Et puis, il y a une différence de consistance : le blanc est plus collant que le jaune, plus gélifié en quelques sorte. Et une différence considérable de goût  : alors que le jaune a beaucoup de goût, le blanc n'en a presque pas, quand il n'est pas cuit.

Mais, en réalité, ce n'est pas bien répondre à la question qui m'était personnellement posée : mon interlocuteur voulait que je réponde de façon "chimique". Et là, il y a des différences essentielles.
Au premier ordre, disons que le blanc est composé de  90 % d'eau et de 10 % de protéines (dont les molécules sont comme des pelotes repliées sur elle-même et dispersés parmi les molécules d'eau). Le jaune, lui, est fait de 50 % d'eau seulement, de 15 % de protéines et de 35 % de lipides. Les lipides ? Une immense catégorie de composés, qui contient aussi bien les "phospholipides", que certains nomment de façon erronée des lécithines, que des triglycérides, les composés que l'on trouve par exemple dans l'huile.

Il faut assortir cette description de précisions. Par exemple, l'eau est  toujours l'eau, composée d'une seule sorte de molécules qui sont toutes identiques : n'importe quelle molécule d'eau, est un assemblage d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène.
En revanche, le terme de "protéines", au pluriel, indique qu'il y a des sortes de protéines très  différentes, et mêmes si celles qui sont dans l'eau sont souvent repliées sur elles-mêmes (on parle de protéines globulaires),  elles ont des caractéristiques parfois très disparates. Il en va ainsi de la température de coagulation, par exemple  : certaines protéines coagulent dès 61 degrés et d'autres seulement à 80 degrés. Certaines transportent des atomes de fer, et d'autres pas. Certaines, tel  "lysozyme", ont des effets bactériostatiques, et d'autres pas.
Tiens, et puis je vous invite à observer un oeuf frais que l'on casse dans une assiette : le blanc forme des "marches" autour du jaune, qui montrent que le blanc est "gélifié", avec des compositions différentes selon les parties. D'ailleurs, cela ne se voit pas à l'oeil nu, mais le jaune, aussi, est structuré, avec des couches concentriques, de compositions différentes, que l'on jaune clair et jaune profond, lesquelles sont déposées le jour ou la nuit.
Et il en va de même pour les "lipides" :  nous avons vu plus haut qu'il y a donc des phospholipides et des triglycérides, mais il y a en réalité bien d'autres possibilités de variation,  et, surtout, je n'ai pas expliqué que, dans le jaune, les lipides peuvent-être dans une sorte de sérum, en solution dans l'eau,  ou bien réunis en granules, visibles au microscope.

Bref,  il y a beaucoup de différences entre le jaune et le blanc... sans compter que la couleur et le goût ne sont pas rien. Les protéines, les phospholipides et les triglycérides n'ont ni couleur ni goût. Pour la couleur, celle du jaune est due à de nombreux composés de la famille chimique des xanthophilles, et cette couleur change d'ailleurs selon l'alimentation des poules, tout comme change la couleur des saumons d'élevage, quand on leur ajoute du carotène bêta (un composé qui donne la couleur aux carottes) dans leur alimentation.
Pour le goût, il y a dans le jaune un très grand nombre de composés odorants, mais là il faut rentrer dans plus de détails et donner des listes de noms indigestes. J'ai peur que cela ne dépasse le cadre de ces billets, et je préfère dire à mes amis que je tiens de la bibliographie à leur disposition !
 

lundi 5 octobre 2020

A propos de transitions en cuisine

science/études/cuisine/politique/Alsace/émerveillement/gratitude

 

 

 

1. On m'interroge pour savoir si l'on parviendrait à cuire des spaghettis en les stockant longtemps dans l'eau froide, et cette question m'arrive alors je reçois une autre question sur la cuisson des oeufs, où mon interlocuteur cherche (pourquoi ?) à optimiser l'énergie dépensée pour la cuisson, en faisant séjourner également les oeufs dans l'eau froide après avoir stoppé la cuisson plus tôt.

2. Bon, pourquoi ne pas répondre... mais pour moi qui ne cesse de réclamer un objectif avant d'emprunter un chemin, j'hésite quand même:
1. car pourquoi vouloir mettre des spaghettis dans l'eau froide, alors qu'il suffit de quelques minutes dans l'eau chaude pour les cuire ?
2. et pourquoi gagner des quantités d'énergies minimes, quand les mêmes roulent dans de grosses voitures, et gaspillent l'énergie à qui mieux mieux ?

3. Pour sûr, l'innovation ne vient pas de la répétition, et c'est quand on fait "autrement" que l'on peut trouver d'autres manières de faire.

4. Mais il ne s'agit pas de faire tout et n'importe quoi  au hasard, sans quoi on fait de l'empirisme.

5. Or on sait combien la cuisine a peu progressé de cette manière : la mayonnaise n'a été découverte que vers le début du 19e siècle, et des préparations comme le "chocolat chantilly" n'ont été inventées (par moi, en l'occurrence) qu'en 1995. Oui, l'empirisme a été balayé par la physico-chimie, et, plus précisément, par la science de la nature nommée "gastronomie moléculaire".

6. Pour les spaghettis et l'oeuf, il y a quelque chose en commun, à savoir des phénomènes qui découlent d'échauffements.  

7. Or les chimistes savent bien  qu'il y a des réactions qui se font plus ou moins rapidement, selon la température. Et une règle approximative dont ils usent est que la même réaction double de vitesse tous les 10 degrés supplémentaires.

8. C'est  hélas le cas des réaction de glycation (entre des sucres et des protéines), qui sont responsables de l'opacification du cristallin des personnes qui souffrent de diabète : c'est qui explique que réaction de glycation, fautivement nommée réaction de Maillard par ceux qui ne savent pas assez de chimie, se font en 10 minutes à 200 degrés mais en une vie à la température du corps c'est-à-dire de 37 degrés.

9. Mais je propose de ne pas oublier qu'il existe aussi des transitions qui, elles, ne doivent rien au temps, mais tout à la température Par exemple, si on prend de la glace à moins 10 degrés Celsius, on aura beau attendre des millions d'années, elle ne fondra pas, parce qu'on n'a pas atteint la température de zéro degré. De même, si on prend de l'eau liquide, il n'y aura pas d'ébullition tant qu'on aura pas atteint 100 degrés. Certes, il y aura de l'évaporation,  mais pas d'ébullition, laquelle est caractérisée par une transition brusque.

10. La physique est intéressée depuis longtemps à cette question des transitions : transitions de phase par exemple.

11. Pour la coagulation, heureusement qu'il y a une température de transition ! Car sinon, nous cuirions à ce feux doux qu'est la température de 37 degrés Celsius. En effet notre corps contient des protéines qui coagulent, et il y a une température à laquelle cela se produit.  La coagulation est, heureusement, un phénomène qui dépend de la température, non du temps.

12. Comme pour le blanc d'oeuf : on peut le chauffer aussi longtemps que l'on veut ; il ne coagulera que si l'on dépasse 62 degrés Celsius.

13. Pour les spaghettis, il y a deux questions : l'hydratation des spaghettis, et l'hydratation des grains d'amidon. Voici ce que l'on obtient si l'on fait tremper quelques jours des spaghettis dans l'eau froide (20 degrés Celsius). 

 


 

 


 

D'une part, les spaghettis s'hydratent, mais la question n'est pas là : dans la mesure où les spaghettis sont faits de grains d'amidon, la question est de savoir si ces grains sont, eux, empesés... sans oublier que la cuisson rend l'amidon digeste en le dissociant chimiquement (et cela m'étonnerait bien qu'il le soit dans l'eau froide).


mercredi 15 juillet 2020

Plus que jamais, mettre en garde

1. Lors d'une formation académique, un samedi matin dans un lycée parisien, j'avais montré un oeuf (entier, dans sa coquille, tenu entre deux doigts, le gros bout en bas), & j'avais demandé à plus de 400 professeurs réunis où se trouvait le jaune.
Comme dans n'importe quelle assemblée, environ 80 pour cent de personnes ont répondu qu'il était dans la partie inférieure, 15 pour cent ont répondu qu'il était au centre, & reste ne savait pas.
Puis, j'avais ouvert l'oeuf en décalottant la partie supérieure, & on avait bien vu que le jaune flottait : le jaune d'oeuf est dans la partie supérieure, parce que, constitué de 50 pour cent de lipides, il flotte dans le blanc, lequel est une solution aqueuse de protéines (dix pour cent).

2. Cette présentation me servait à introduire la discussion sur la position du professeur devant sa classe, & nous avions eu un débat : doit-on dire aux élèves que l'on ignore la réponse à une question, quand on l'ignore ? Peut-on faire état de son ignorance, à propos d'une question même simple ? Moi qui répond évidemment que c'est la meilleure des solutions, j'avais été étonné de voir la moitié de l'assistance ne pas adhérer à l'idée. Et je n'ai toujours pas compris les arguments de ceux qui n'étaient pas de mon avis (si vous avez une idée pour m'aider, merci de me la donner).

3. Car se poser en sachant est très téméraire : n'est-ce pas, notamment s'exposer à se faire réfuter ? Et n'est-ce pas mentir, en quelque sorte ? En tout cas avoir une prétention... indue ? Je ne sais pas bien pourquoi (j'y réfléchis), mais je vois le même mécanisme que dans les publications de science & technologie des aliments, quand s'alignent à l'infini ces textes  qui nous disent que tel ou tel composé est bon pour la santé.

4. Tiens, dans une table des matières qui m'arrive aujourd'hui même d'une revue scientifique internationale, je trouve :
- un nouveau mode d'encapsulation : évidemment une révolution dans le contrôle de la faim
- un nouveau pesticide : évidemment bien mieux que tous les précédents
- un nouvel antifongique : excellent (mais...  in vitro ; pour l'in vivo, un voile pudique est jeté)
- encore un système d'encapsulation : "nouveau", meilleur...
- encore un nouveau produit pour traiter le foie
- un nouvel antibactérien qui réglera la question
- et j'arrête là, car à lire cette table des matières, il y a lieu de penser que tous les problèmes de santé sont résolus, n'est-ce pas ?

5. Comment s'expliquer, alors, que nous soyons si démunis face au dernier coronavirus ? Et que des maladies frappent encore ? Puisque tout ou presque est "bon pour la santé" ou "mauvais pour la santé", comment est-il possible, avec nos certitudes, nous ayons encore à explorer ces questions ? C'est évidemment que les publications scientifiques sont bien excessives, dans leurs revendications.

6. Car c'est un fait que nombre de publications scientifiques imposent de "vendre" les manuscrits, au point qu'elles demandent aux auteurs de préparer des résumés qui attirent les lecteurs. Oui, dans les milieux scientifiques ! Et comme pour les professeurs qui hésitaient à se dire ignorants (d'un sujet), certains d'entre nous ne résistent pas à la pression sociale, & acceptent de faire croire qu'ils ont trouvé la panacée.

7. En matière de saveurs, la question du glutamate  est du même type : à en croire certains qui étudient la question, c'est la clé parfaite du goût... mais alors, pourquoi l'industrie alimentaire ne cesse-t-elle d'ajouter d'autres composés à ses bouillons cubes : inositides et autres ? Pourquoi la question n'est-elle pas résolue depuis longtemps ? Le glutamate, finalement, ne serait-il pas non plus un Graal ? On nous aurait donc menti ?

8. La réponse à cette dernière question est évidente : un composé ne fait pas le goût à lui tout seul, fut-il soutenu commercialement et publicitairement par des lobbys industriels puissants. Et mieux encore, c'est une naïveté immense que de croire qu'elle pourrait être résolue : on ne progressera qu'en pensant le contraire.

9. Bref, tout cela est à dire aux étudiants : rien n'est résolu ! La lutte contre les champignons est à peine entamée ; la connaissance des effets biologiques des composés des aliments reste très rudimentaire ; les saveurs sont extrêmement mal connues, &, en tout cas, les théories des quatre ou des cinq saveurs sont fausses ; & ainsi de suite.

10. Bref, il y a de la place pour :
- de la belle recherche scientifique et technologique
- une lutte contre les prétentions, même dans le milieu scientifique
- une recherche didactique de qualité, afin de permettre aux étudiants de mieux apprendre.


lundi 25 mai 2020

À propos de changement de couleur et d'acidité



Je comprends mieux, ce matin, qu'il y a lieu de ne jamais oublier de s'émerveiller de ce qui est effectivement merveilleux, et, notamment,  de toujours être à l'affût des bizarreries de notre monde, parce que ce sont elles qui sont la clé des découvertes, mais aussi des émerveillements !


Commençons par une observation, en cuisine : nous étions avec mon ami Pierre Gagnaire en train de préparer une sauce wöhler pour je ne sais plus quelle télévision, et, alors que Pierre pochait un oeuf dans cette sauce qui s'apparente à une meurette, nous avons vu la couleur de la sauce passer d'un beau pourpre à  un vert brunâtre.

Là, le charme de la meurette était perdu... mais j'y voyais une merveilleuse opportunité de me souvenir que les polyphénols sont -et depuis longtemps- d'excellents "indicateurs" colorés.
Oui, dès le 18e siècle, les chymistes (quand la chimie se dégageait lentement de l'alchimie), puis les chimistes ont utilisé des "sirops de violette" pour détecter les acides et les bases. Car les fleurs, mais aussi nombre de fruits, contiennent des polyphénols, qui ont effectivement la capacité de changer de couleur en fonction de l'acidité du milieu ! Or les polyphénols qui avaient été utilisés étaient des polyphénols de raisins, et, autant ils sont rouges en milieu acide, autant ils virent quand le milieu devient moins acide, plus basique.

Mais là, il faut absolument que j'aille plus lentement pour mes amis qui ne sont pas chimistes. Oui, un récent webinaire que j'ai fait, suivi d'un séminaire que j'ai fait pour mon propre laboratoire, m'ont bien démontré que je devais toujours être très explicite, très clair, pour tous.

Allons y donc doucement : l'eau n'est ni acide ni basique, mais "neutre". Et on mesure cela avec une échelle qui va de 0 à 14 : 0 pour les acides très acides, et 14 pour les bases  -ou alcalis- très alcalines, très basiques ; et 7 pour l'eau, neutre, ni acide ni basique. Cette échelle est nommée l'échelle des pH.
La soude, la potasse, le bicarbonate de sodium, dissous dans l'eau, font une solution basique, avec un pH compris entre 7 et ~14, mais la plupart des ingrédients alimentaires sont plutôt acides, avec un pH entre à et 7. Par exemple, les framboises ont -étonnamment- un pH très faibles, et c'est seulement le sucre qu'elles contiennent qui ne nous permet pas de bien apprécier gustativement que ces fruits sont très acides. Idem pour le jus de citron... mais là, on perçoit l'acidité. Ou pour le jus d'orange.
L'oeuf ? C'est une de ces merveilleuses exceptions : son pH est élevé, et il n'en fallait pas plus pour que je comprenne que la présence de l'oeuf que l'on pochait, dans une petite quantité d'eau et de polyphénols, avait fait augmenter le pH est fait virer les polyphénols.

Comment retrouver une belle couleur pourpre ? Tout simplement en ajoutant un acide : par exemple, l'acide tartrique, puisqu'il est dans le vin. Et aussitôt la couleur a retrouvé son pourpre/rouge initial. D'ailleurs, je dois ajouter que, pour m'amuser, j'ai alors ajouté du bicarbonate de sodium... pour obtenir une effervescence, et de nouveau la couleur verte. Et j'ai encore ajouté de l'acide tartrique pour revenir au rouge, et à un goût plus intéressant.

jeudi 7 mai 2020

Si vous testez des précisions culinaires à la maison...

Quand on teste des précisions culinaires, il y a lieu de le faire avec la plus grande rigueur.

Prenons, par exemple,  cette précision qui stipule que l'on observa un gonflement quand on met du jaune d'œuf avec de l'ail cru.
Voilà qui m'a été dit il y a peu, et cela mérite vérification.

On pourrait imaginer qu'il suffit de mettre du jaune d' œuf cru avec de l'ail, pour tester cette précision culinaire, mais l'ail doit-il être broyé ou pas ? Première chose à faire, donc : tester les deux possibilités.

Mais, il faudra un contrôle,  pour être en mesure d'apprécier le gonflement éventuel, si bien que l'on aura du jaune avec de l'ail broyé, du jaune avec de l'ail non broyé, du jaune d' œuf seul, de l'ail cru entier seul, et de l'ail broyé seul, soit 5 coupelles que nous allons devoir surveiller.
Pour les premiers tests, il n'est sans doute pas nécessaire de faire des mesures précises de volume, et on pourra se contenter d'observer des changements d'éventuels,  car si la précision a été donné par un cuisinier dans des conditions culinaires -et si elle correspond à un phénomène éventuel (j'insiste bien sur le si)-, alors nous devrions pouvoir l'effet sans technique particulière.

Voilà donc une expérience lancée, pour ce premier  temps de la démarche scientifique, qui consiste d'abord à observer les phénomènes, à mieux les cerner, avant de passer à la deuxième étape, qui serait leur quantification... à condition que le phénomène soit avéré !





samedi 16 novembre 2019

Des questions


Ce matin, des questions techniques :

1. Comment incorporer des oeufs dans du beurre pommade afin d'obtenir une masse homogène, sans grumeaux de beurre ?
2. Est-ce que le fait de clarifier le beurre avant de l'émulsionner avec du sucre, permet d'obtenir un mélange qui ne se sépare pas au frigidaire par la suite ?


Pour la première question, il y donc lieu de disperser des oeufs, à savoir une solution aqueuse, dans du beurre, lequel a une structure qui change avec la température. Certes, si la température est basse, la proportion de matière grasse sous la forme solide est élevée, et il y a peu de graisse en phase liquide. Dans la structure solide, l'eau du beurre (un peu moins de 20 pour cent) est dispersées, et le malaxage du beurre avec l'oeuf ajoute des "poches" aqueuses dans le solide.
Mais quand  la température augmente, alors la fraction de solide est réduite, et l'on s'approche d'une phase huile, où l'"eau" de l'oeuf se disperse facilement. Et plus on bat, plus les poches d'eau sont petites et dispersées, comme dans une émulsion de bon aloi (ici, une dispersion d'eau dans la matière grasse, contrairement à une mayonnaise, qui est une émulsion de matière grasse dans l'eau).
Bref, j'aurais tendance à réponse qu'il suffit de battre suffisamment, dans un beurre pas trop froid.

Pour la seconde question, je ne sais vraiment pas, car l'oeuf apporte de l'eau, en plus de l'eau présente dans le beurre... et, d'autre part, je n'ai jamais observé  la séparation du mélange au réfrigérateur, comme cela est indiqué.

samedi 2 novembre 2019

Comment rater des crêpes

Crêpes ? Galettes ? Les Bretons font bien la différence, à savoir que les crêpes sont de froment, avec du lait et de l’œuf, tandis que les galettes sont de blé noir, avec de l'eau et du lait, sans œuf.
On a supposé que ces préparations étaient nées de la cuisson prolongée de farine et d'eau, comme quand on fait une bouillie. L'évaporation aurait laissé une mince couche qui se tenait : la crêpe était née.
Puis, bien sûr, il y eut des ajouts, tel l’œuf, qui fait tenir parce que ses protéines coagulent, mais donne aussi du goût. Mais c'était déjà une préparation de  riche. Puis, dans certaines régions, il y eut la bière, qui apportait du moelleux ; ou du blanc d’œuf battu en neige, pour augmenter le volume et changer la consistance. Bref, mille crêpes différentes sont nées.

Ce qui reste, c'est que la crêpe est une mince couche, avec de l'amidon empesé dans un liquide (eau, lait, bière), et, parfois, de l’œuf qui donne de la consistance à l'ensemble.

Rater une crêpe ? Il y a les crêpes qui cassent quand on les tourne, ou encore les crêpes qui brûlent par endroits et restent  insuffisamment cuite ailleurs... Pour les crêpes qui cassent, c'est que leur tenue n'est pas suffisante, évidemment, ou, autrement dit, que leur tenue n'est pas suffisante par rapport à leur poids. Ainsi, quand l'instrument de cuisson n'est pas parfaitement plat, il peut y avoir un centre épais et des bords trop minces, ou un centre trop mince et des bords épais. Dans le premier cas, les bords seront brûlés quand le centre restera insuffisamment cuits, et la crêpe cassera quand on voudra la retourner. Dans le second cas, le centre ne tiendra pas la couronne épaisse autour, à moins que celle ci ne se soutienne seule... mais comme on aura retourné pour éviter que le centre ne soit brûlé, il y a fort à parier que la crêpe ne se tiendra pas.
Cela étant, la maîtrise du feu s'impose même quand l'ustensile est plat, parce que... Avez vous observé que les crêpes ne sont pas identiques sur les deux faces, quand elles sont un peu épaisses? En effet, la première face est est très liquide, et il y a évaporation de l'eau, tandis que l'amidon s'empèse, que l’œuf coagule éventuellement. Puis vient un moment où la coagulation est faite dans toute la masse, et la crêpe commence à gonfler par endroits, malgré des cheminées. Si l'on retourne, alors la face qui arrive contre l'outil de cuisson est déjà cuite, de sorte que cette fois, l'eau sous la forme de vapeur ne peut plus s'échapper, et c'est là que de grosses cloques se fond, avec la crèpe qui n'est plus au contact de l'ustensile, par endroits, alors qu'elle y reste ailleurs... et brunit parfois trop fort. Là, ce serait bon de pouvoir réduire le feu, n'est-ce pas ?

Bref, bien des façons de rater une crêpe. Les réussir ? Avec des crêpes très minces, bien des écueils précédents disparaîtront, parce que la vapeur d'eau peut s'échapper mieux !


mercredi 30 octobre 2019

Comment rater un soufflé


Comment rater un soufflé ? Pour savoir comment réussir à souffler, il faut peut-être savoir comment le rater. Et pour cela, il faut analyser l'objectif.
D'abord se demander ce que c'est qu'un soufflé : c'est une préparation qui doit avoir bon goût et qui gonfle à la cuisson, reste stable jusqu'au moment où on l'apporte sur la table, et qui peut retomber pendant qu'on le sert.

Analysons ces caractéristiques.

Tout d'abord, le bon goût  : là, on se souvient que le bon, c'est le beau à manger et que les règles n'existent guère pour parvenir à ce résultat. Évidemment, il y a des limites physiologiques  : le trop salé, le trop piquant.  Mais, en matière artistique, les règles sont de peu d'utilité à part peut-être pour les novices qui découvrent la question technique. Et pour ceux-là, je donne ici la règle que m'a transmise mon ami Émile Jung, cuisinier alsacien étoilé :  dans un plat, il doit y avoir  une partie de violence, trois parties de force et neuf  parties de douceur.
Pour un soufflé fait d'une béchamel au fromage, par exemple,  la douceur est acquise.  La force vient peut-être du fromage que l'on peut renforcer avec de la noix de muscade. La violence ? Je ne suis pas cuisinier mais j'aurais tendance à ne pas oublier le piment de Cayenne.

Le gonflement maintenant ? 

On comprend que si l'on fait en début de cuisson un chapeau qui bloquera le gonflement, alors ce dernier n'aura pas lieu. A contrario, si l'on s'arrange pour que la partie supérieure puisse se détacher des parois, alors ce chapeau pourra se soulever. Et c'est d'ailleurs une des "trois règles de Hervé" : avant la cuisson, faire une croûte en passant la préparation sous le gril, afin que le gonflement se fasse joliment. A la pointe du couteau, une fois la croûte faite, détachons cette croûte des bords.
On comprend aussi qu'un soufflé qui ne gonfle pas est raté, de sorte qu'il faut s'intéresser à ce gonflement. Si l'on chauffe par le haut, de l'eau évaporée part vers le haut. A contrario, si l'on chauffe par le fond (règle 2 de Hervé), alors l'eau s'évapore, et l'on obtiendra le gonflement puisque un gramme d'eau seulement suffit à faire environ un litre de vapeur.
Dans cette analyse, j'oublie qu'il faut que le soufflé puisse gonfler, c'est-à-dire que la préparation ne colle pas aux parois, ce qui justifie qu'on aura amplement beurré les parois. Peut-être aussi fariné et sucré selon qu'on a  un soufflé salé ou sucré.
Le gonflement n'est pas tout, et il faut que notre souffle et se maintienne un peu,  ce que l'on obtient précisément avec la croûte, laquelle s'obtient par une température du four d'environ 180 degrés, mais on peut aussi penser à faire figer l e soufflé, ce qui s'obtient à l'aide de protéines qui coagulent. Ici, on comprend l'intérêt de l’œuf, et l'on devra se souvenir d'ordres de grandeur  : le blanc d’œuf contient environ 10 % de protéines susceptibles de coaguler, alors que le jaune en contient 15 %.
Avec tout ça, il faut préciser que si l'on a des blancs bien battus en neige (troisième règle de Hervé), cela permet d'avoir un soufflé plus gonflé,  avec des protéines mieux réparties dans la masse. La fermeté de la mousse contribue à empêcher les bulles de vapeur de s'échapper par le haut, tout comme la croûte qu'on aura fait en tout début.

Et voila comment éviter de rater permet de réussir !

vendredi 18 janvier 2019

Je vous présente l'actine et la myosine

Cela fait longtemps que j'aurais dû évoquer ces protéines que sont l'actine et la myosine ; d'ailleurs, je devrais dire "les actines et les  myosines", ce qui serait plus juste.


Examinons tout cela dans une perspective historique. 

Il y a environ trois siècles, les chimistes ont identifié l'albumine, principe coagulant du blanc d'oeuf, ou albumen. Cette "matière", cette "substance",  avait des particularités, par rapport aux composés végétaux, à savoir que, comme elle contenait de l'azote (on l'ignorait à l'époque), sa putréfaction engendrait de l'ammoniac, composé basique qui fait virer la couleur d'indicateurs colorés, à savoir, à l'époque, les sirops de violette (on broie des fleurs dans l'eau et l'on filtre).
Puis, progressivement, les chimistes comprirent que les viandes, aussi, avaient cette même propriété, et l'on se mit à parler d'albumine pour l'oeuf, la viande, les poissons.
Soudain, vers 1800, les chimistes découvrirent, dans des plantes des composés qui avaient les mêmes propriétés : des "albumines végétales" ! Ce fut un bouleversement, car la division établie par la religion entre le règne animal et le règne végétal tombait !
Mais, bientôt, les progrès de l'analyse chimique révélèrent l'existence d'entités plus précises que l'albumine, et plus diverses aussi, et l'on identifia les "protéines", mais aussi les acides aminés.
Aujourd'hui, on nomme "albumines" une catégorie très particulière de protéines : de petites protéines solubles dans l'eau et capables de coaguler à la chaleur, notamment.
Et c'est ainsi que, dans le blanc d'oeuf, il y a une vingtaine de sortes de protéines différentes, dont seulement certaines sont des albumines. Pour les viandes ou poissons, il y a aussi des albumines, telle l'albumine sérique, dans le sang.


Aujourd'hui, parlons de protéines

Il y a donc des protéines très différentes, et, notamment, certaines coagulent et d'autres non. Ainsi les viandes sont des assemblages de "fibres musculaires" (des sortes de tuyaux très fins), en faisceaux regroupés eux-mêmes en super-faisceaux. Les fibres musculaires sont comme de tuyaux,  comme dit précédemment, qui contiennent une matière qui a des ressemblances avec le blanc d'oeuf. La "peau" de ces fibres, c'est du "tissu collagénique", une matière faite d'une protéine qui est nommée collagène. Et cette protéine ne coagule pas, mais elle peut former des gels : ce sont les gels de gélatine, qui se forment d'ailleurs spontanément quand on laisse refroidir le bouillon formé par la cuisson d'une viande dans une petite quantité d'eau (ou de vin).
L'intérieur des fibres musculaires, ce sont de l'eau et deux sortes de protéines, qui sont nommées actines et myosines. Ces protéines permettent aux fibres de se raccourcir quand elles reçoivent un ordre du cerveau (un signal électrique transmis par les "nerfs"), et c'est cela qui conduit à la contraction entière du muscle. Et ces protéines, contrairement au collagène, peuvent coaguler : la preuve, c'est que quand on broie une viande, puis que l'on chauffe, on obtient... des terrines, où les protéines que sont actines ou myosines ont coagulé.


lundi 14 janvier 2019

Sauces à l'oeuf dur

Un ami italien me fait observer que la sauce au thon du vitello tonnato (cette sauce sur des lamelles de veau cuit) ne comporte pas de jaune d'oeuf, mais de l'oeuf dur, et de me dire que c'est quelque chose de tout à faire unique au monde. Sourions, en nous souvenant que chaque pays ou presque a cette naïveté de penser que ses ingrédients (les produits, pour l'élevage, l'agriculture ou la pêche, mais des ingrédients pour la cuisine) sont les "meilleurs".
Quant à la présence d'oeuf dur, il faut d'abord rappeler que le blanc d'oeuf a peu de goût, sauf quand on lui en donne en le chauffant excessivement, auquel cas il se charge de ce gaz toxique qu'est l'hydrogène sulfuré. Et c'est le jaune qui est connu des cuisiniers pour apporter des goûts somptueux.
Cela étant, je trouve aussi en 1887, sous la plume d'Emmeline Raymond, Le nouveau livre de cuisine (3e édition), Paris, Firmin-Didot, 1887, p. 96, la recette de sauce suivant  :

« Sauce crevette. Mettez dans une casserole un bon morceau de beurre, avec une cuillerée de farine ; tournez sur le feu ; ajoutez un verre de vin blanc, deux verres de jus de viande, poivre, sel ; laissez mijoter pendant une heure. Faites cuire trois oeufs durs ; enlevez le jaune, maniez- le avec du beurre ; épluchez des crevettes cuites, ajoutez-les aux oeufs durs, passez le tout au tamis de fil de fer ; au moment de servir la sauce, mettez y cette pâte ; veillez à ce ue la sauce ne fasse aucun bouillon ; ajoutez encore des queues de crevettes entières épluchées ».

Ici, ce n'est pas thon et oeuf dur, mais crevettes et oeuf dur. Et ce n'est pas une innovation récente, puisque l'on a fait ce type de choses depuis la Renaissance. Observons d'ailleurs que, même au tamis de fil de fer, on a une sauce qui n'est pas parfaitement lisse, donc une sauce "rustique".

mardi 4 décembre 2018

Du sel ou du jus de citron dans les blancs en neige ?

C'est amusant de voir comment, bien souvent, nous nous focalisons sur des détails, au lieu de considérer le "premier ordre", le plus important.
Ainsi, à propos de blanc que l'on bat en neige.

Un ami me demande si le sel ou le jus de citron sont utiles "pour le blanc en neige". Pour le blanc en neige : que veut-il dire ? Pour la bonne réalisation d'un blanc en neige ? Pour l'obtention de plus de mousse ? Pour la tenue ? Pour éviter le grainage ?

Renseignement pris, je m'aperçois qu'il n'avait guère d'idée claire, à ce propos, et il me répond "pour le volume". Là, je suis en mesure de lui dire que nos expériences n'ont pas montré de différence de volume, ni avec le sel ni avec le jus de citron... et pour cause : au premier ordre, la question de faire un blanc en neige revient à celle d'accumuler des bulles d'air dans un liquide. Le volume final est limité par la quantité d'eau présente... et c'est cette analyse qui m'a permis de battre le record du monde du plus gros volume de blanc en neige à partir d'un seul blanc, soit plus de 40 litres, parce que j'ajoutais de l'eau chaque fois que le blanc était bien ferme.
Avec le sel, la quantité d'eau ne change pas. Avec le jus de citron, elle ne change notablement que si l'on ajoute beaucoup de jus de citron. Dans les deux cas, on se moque en réalité un peu de l'état des protéines, car ce n'est pas le facteur limitant.

Mon ami, à cette réponse, change de questionnement, et m'interroge sur la tenue des blancs en neige. Et je lui demande pourquoi, sachant que la tenue est en réalité assez bonne. Il me cite alors la confection de meringues... mais il ignore alors l'expérience qui consiste à diviser un blanc en neige en deux moitiés, à ajouter du sucre dans une seule des moitiés, et à battre autant, à nouveau, les deux moitiés : on voit que les bulles du blanc sucré sont bien plus petites que les bulles de l'autre moitié, non sucrée, et donc la tenue est bien supérieure avec du sucre, sans qu'il soit besoin d'invoquer l'effet du sel, ou du jus de citron, ou du cuivre.

A nouveau, la leçon est : regardons les choses au premier ordre !

vendredi 2 novembre 2018

A propos d'oeuf, à nouveau

Des questions, des réponses.  En l'occurrence, il s'agit d'une étudiante qui fait un travail personnel encadré. Je l'avais renvoyé sur mon site... où figurent mille informations. D'ailleurs, elle écrit : 

Que d’informations ! Mille mercis.

Les liens sont super et votre espace sur les TPE m’a effectivement bien éclairée. J’ai pu aussi trouver énormément de livres à la bibliothèque. Dommage, la tome 1 de gastronomie moléculaire n’est pas empruntable, seulement à consulter sur place !


 Mon commentaire : on peut sans doute acheter le livre chez Quae ou chez Belin.


Finalement, après réflexion et tous les conseils que vous donnez pour le TPE, je pense donc me focaliser sur la gélification de l’œuf , et l’explication de la modification de la structure protéique ainsi que la réalisation de l’œuf parfait. C’est mieux, non ?

 Oui, c'est bien mieux... à cela près que je n'utilise plus la terminologie d'oeuf parfait, mais d'oeuf à XX°C, parce que la perfection n'est pas de ce monde.


Aujourd’hui, j’ai voulu tester « à l’aveugle » votre cuisson de l’œuf parfait avec la boite d’œufs mise directement dans le four (sans mes 2 camarades car c’est les vacances !). Cependant, le four de ma mère n’étant pas précis, la température a oscillé entre 61 et 72°C, et disons que le blanc était encore gluant et translucide, et le jaune liquide !

 Apparemment, l'oeuf obtenu est un oeuf à 65°C, car si le blanc est opaque et qu'il se tient bien, avec un jaune liquide, c'est le critère, comme on le voit sur l'image suivante :



Aussi, je vais tenter la réalisation au lave-vaisselle, j’ai regardé la notice de mon lave-vaisselle, qui a bien un programme à 65°C mais de 58mn seulement !

Il faudra faire attention à ne certainement pas croire ce qui est indiqué dans la notice : pour connaître la température, il faut un thermocouple dans la machine... ou un oeuf ;-)



Comment avez-vous déterminé la durée de 60mn ? est-ce par un calcul ou en expérimentant par tâtonnement ?

Les deux. D'une part, l'application de la seconde loi de Fourier, et, d'autre part, la mesure avec un thermocouple planté dans le jaune.



Du coup, je vais peut-être lancer 2 fois de suite le prg et arrêter le deuxième lavage au bout de 20mn… Sachant que je compte mettre 2 œufs, un qui aura subi un cycle, et l’autre 1cycle et ½. Pensez-vous que c’est ainsi que je dois expérimenter ?

 Tout dépend de l'objectif. Mais surtout, dans mon groupe de recherche, je ne réponds pas aux étudiants, sans quoi je leur vole le plaisir d'avoir fait eux-mêmes, et je leur demande de construire leur propre chemin à partir d'un objectif clair. Pour les aider, toutefois, à trouver la réponse à leurs questions, je leur enseigne la méthode du "soliloque (que l'on trouvera dans certains de mes "cours en ligne", notamment sur https://tice.agroparistech.fr/coursenligne/main/document/document.php?cidReq=PHYSICOCHIMIEPOURLAF&curdirpath=/Des%20elements%20de%20cours/Methodes%20-en%20francais-)

Sinon, j’ai trouvé un article sur internet, qui explique comment faire facilement un œuf à 65°C, disant la chose suivante :
« Nous savons que la température au centre d'un œuf mis dans de l'eau à 100°C a besoin d'une dizaine de minutes pour dépasser 60°C, qui est la température à laquelle le jaune devient solide. Par un petit calcul que les lecteurs intéressés trouveront en annexe, nous en concluons qu'il faut environ ¾ d'heure pour atteindre au centre de l'œuf le 95% de la température de l'eau dans laquelle il est plongé. D'autre part si la température de 65°C doit être tenue de manière assez précise pour obtenir le jaune malléable typique, le blanc d'œuf supporte sans dommage quelques degrés supplémentaires. Nous voyons donc que nous pouvons obtenir un œuf presque parfait en le plongeant environ 1 heure dans une eau dont la température est légèrement plus élevée que 65C. Comme nous ne disposons pas d'eau à température parfaitement constante, nous pouvons démarrer un peu plus chaud et laisser refroidir, pourvu que la température ne diminue pas trop vite… »…
Ensuite, cet article donne le protocole pas à pas afin de réaliser facilement l’œuf parfait.

Cependant, je ne sais pas comment a été calculé le temps de «  ¾ d'heure pour atteindre au centre de l'œuf le 95% de la température de l'eau dans laquelle il est plongé ». (il n’y a pas d’annexe).

Oui, c'est un article bizarre. Que signifie que "le blanc d'oeuf supporte quelques degrés supplémentaires", par exemple ? Et puis, il y a des tas d'erreurs dans ce texte. Et puis, pourquoi n'ont-ils pas une température constante ? Après tout, ce n'est pas difficile d'avoir une grande quantité d'eau (pour avoir plus d'inertie) que l'on chauffe par moments pour la garder à 65, à un ou deux degrés près ? Evidemment, si l'on a un thermoplongeur, c'est quand même plus simple !

lundi 26 mars 2018

Mousses...

Ce matin, un groupe d'étudiants m'interroge, à propos d'un travail qu'ils font dans le cadre des TIPE (Travaux d’Initiatives Pratique Encadrés), à propos de mousses en cuisine.
Leur travail est louable : ils se préoccupent d'alimentation des personnes âgées, et veulent faire -je schématise- une mousse à paratir de viande et de d'une mousse de blanc en neige.
Amusant que cela m'arrive précisément alors que je viens de finir un texte (pour la revue Charcuterie et gastronomie) où je discute précisément le fait que les quenelles peuvent être des systèmes foisonnés comme les soufflés, comme je l'ai compris après notre avant dernier séminaire.

Bref, nos jeunes amis me disent  :

 
Après avoir réalisé de nombreux tests afin de trouver la composition idéale de la mousse, nous avons pu déterminer qu'il fallait 6 blancs d’œufs (pour un œuf d'un poids moyen de 60 grammes) et 30 g de blancs de poulets cuits préalablement afin d’avoir une mousse consistante.
Cependant, cette composition est très riche en œuf, et la tenue de notre mousse n'est pas idéale. C'est pourquoi nous voudrions vous poser les questions suivantes :
-  Quels nutriments artificiels seraient-ils judicieux d'ajouter à la composition de notre mousse afin de diminuer la teneur importante en blanc d’œuf ?
-  Est-il possible de diminuer la teneur en blanc d’œuf sans altérer l'aspect et le maintien de la mousse ?

-  Existe-il des agents stabilisants ou des techniques permettant de garder une tenue suffisante de la mousse afin de la conserver ?






Quarante litre de blancs en neige à partir d'un oeuf

Dès le début de leur message, je butte sur le mot "idéale", parce que c'est un adjectif, et que l'objectif qui permettrait de mesurer cette idéalité n'est pas donné.
Bref, nos amis ont produit une préparation de 30 grammes de poulet broyé (je suppose) et de six blancs d'oeufs, sans doute battus en neige. J'imagine donc  une mousse très volumineuse (environ deux litres de mousse), dont nos amis me disent qu'elle est riche en oeuf... ce qui est une évidence, puisque l'oeuf, c'est de l'oeuf.
Mais pourquoi ne parlent-ils pas plutôt de protéines et d'eau ? La viande, c'est environ 25 pour cent de protéines et 75 pour cent d'eau, tandis que le blanc, c'est 10 pour cent de protéines et 90 pour cent d'eau.
D'autre part, veulent-il  réduire la proportion de protéines d'oeuf ? C'est alors facile, quand on prépare un "geoffroy", c'est-à-dire un oeuf très foisonné... et je rappelle que nous avons obtenu plus de 40 litres de mousse à partir d'un seul blanc d'oeuf, soit environ 3 grammes de protéines.
Comment ? En réfléchissant que de l'oeuf en neige, c'est une solution aqueuse de protéines que l'on a foisonné. Combien de mousse peut-on obtenir avec un blanc ? Puisque le blanc d'oeuf est fait de protéines et d'eau, et que, classiquement, l'ajout d'air ne procure qu'un petit tiers de litre de mousse, c'est que manquent soit l'eau, soit les protéines, soit l'air.
Or l'air ne manque pas... et l'expérience qui consiste à ajouter de l'eau montre que c'est l'eau qui manque... ce qui a constitué la base d'un "atelier" des "Ateliers expérimentaux du goût", à l'attention de l'Education nationale (école, collèges, lycées, lycées professionnels, centres de formation des apprentis) :
http://www2.agroparistech.fr/Les-Ateliers-experimentaux-du-gout.html
Bref, il est facile de réduire la quantité de protéines dans une mousse !

Mais il y a d'autres solutions à... foison ;-)

Cette question des oeufs n'est pas le fin mot de l'histoire, car nos amis pourraient faire foisonner le poulet sans ajouter des oeufs, mais ils pourraient également produire une de mes inventions que j'avis nommé "würtz" : l'idée est de dissoudre un peu de gélatine dans un liquide, puis de fouetter pour faire foisonner. Ensuite, on statilise la mousse en la mettant au froid. Evidemment, le liquide mérite d'avoir du goût, comme je le dis ici, notamment :
http://hervethis.blogspot.fr/2017/12/les-wurtz.html
Ou encore ici :
http://www.pierre-gagnaire.com/pierre_gagnaire/travaux_detail/48

Bref, plein de solution pour des mousses de protéines.
Mais, au fait, savez-vous qu'il y d'autres agents foisonnants que les protéines ? C'est une autre histoire, qui sera contée une autre fois.






jeudi 22 mars 2018

Des sablés à l'oeuf cuit

Un sablé, c'est... sablé

Certaines recettes de sablés peuvent se faire avec jaune d’œuf cuit, sucre, beurre et farine. Quelle différence par rapport à des recettes qui utilisent du  jaune d’œuf cru ?

 Un sablé, c'est un petit gâteau qui doit être sablé, c'est-à-dire friable. Si l'on n'utilisait que de la farine et de l'eau pour le faire, alors, en travaillant, on produirait un réseau protéique (de "gluten"), qui ferait un produit plus ou moin dur ou mou selon la quantité d'eau. Car, en présence d'eau, la farine chauffée s'empèse, puis l'empois qui sèche fait un matériau cohésif, dur.  Le sucre que l'on ajoute, lui, dégrade le réseau protéique du gluten, par l'effet sucre, que j'ai déjà expliqué ailleurs. Il contribue à faire une croûte, en même temps qu'il réagit.  L'oeuf ? Il apporte à la fois de la matière grasse, de l'eau, et des protéines qui coagulent, et font un second réseau, en plus du premier. Mais un réseau assez mou : pensons à un oeuf sur le plat.  Enfin le beurre se disperse sous la forme de gouttelettes, qui donnent du moelleux... mais, en outre, il forme une sorte de ciment entre les grains de farine, quand sa quantité est suffisante.

Il y a mille recettes différentes, et le système final dépend des proportions des divers ingrédients... mais connaissez vous ma recette de sablés à la farine torréfiée ? On fait griller de la farine, dans une poêle ou sous la salamandre, puis on ajoute oeuf, beurre, et sucre. C'est prêt... mais on peut aussi recuire un peu pour faire une croûte.

Au fait, et l'oeuf cuit ? Il libère un peu plus d'hydrogène sulfuré (goût), mais il ne forme mas ce réseau mou qui pourrait s'ajouter.

samedi 27 janvier 2018

Le jaune est-il protégé ?

On m'interroge :


Le jaune d'oeuf est-il mieux protégé de l'air dans la sauce mayonnaise que dans la coquille de son oeuf ?

Et la réponse est non !

Pour comprendre, je propose donc de comparer le jaune d'oeuf dans l'oeuf, et le jaune d'oeuf dans la mayonnaise.

Dans l'oeuf, le jaune se trouve limité par une membrane, qui le protège ; et l'ensemble est entouré du blanc d'oeuf, lequel contient du lysozyme, une protéine très efficace contre les bactéries... au point que l'on conservait naguère encore les blancs d'oeufs à température ambiante, dans les cuisine. Ce même lysozyme, découvert par Alexander Fleming, se trouve aussi dans les yeux, ce qui nous protège contre les infections.

Puis, autour du blanc, il y a encore une membrane, et la coquille. Finalement, cela fait beaucoup de protections !

Dans la sauce mayonnaise, en revanche, on a des gouttelettes dispersées dans le jaune : le jaune est donc au contact direct de l'air, et il n'est protégé... que par l'acidité du vinaigre que l'on a mêlé au jaune, avant d'ajouter l'huile :


Bref, les bactéries, levures, et autres micro-organismes ont un accès direct au jaune, et c'est plutôt l'huile, qui serait protégée.

De toute façon, la question n'est pas de protéger le jaune de l'air... mais des micro-organismes qui sont dans l'air.





















Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

vendredi 29 décembre 2017

Rien de plus facile que des financiers, s'il vous reste des blancs d'oeufs

On n'a pas le temps de faire un dessert ? Alors il y a l’œuf avec son jaune, d'un côté, et son blanc de l'autre. Des fruits dans un joli bol, un sabayon avec le jaune, un financier avec le blanc… et voilà qui est fait.



Le fruit, cela peut être des fraises en saison, ou bien des pommes cuites au beurre (avec du gingembre, du poivre, le jus d'un citron, du sucre…). Pour le sabayon, nous verrons cela une autre fois, et il suffit de dire ici que nous utiliserons les jaunes d'oeufs.  Il reste donc les blancs, dont on peut faire bien sûr des macarons, si à la mode aujourd'hui.  Mais les macarons sont longs à préparer, alors que les financiers se font en un petit quart d'heure.

Pour les financiers, c'est la simplicité et la rapidité même : dans une jatte, on met du beurre fondu, du sucre, de la poudre d'amandes, un peu de farine, une pincée de sel et du blanc d’œuf. On cuit pendant environ dix minutes  à four assez chaud, c'est-à-dire environ 200 degrés. C'est tout, c'est fait, c'est délicieux. Pourquoi s'en priver ?

Évidemment, il y a lieu d'en faire une rapide théorie, afin de produire des variations à volonté. La théorie est simple : quand on cuit la masse décrite précédemment, les protéines du blanc d’œuf coagulent, formant une structure qui se tient, où sont dispersés les autres ingrédients. En surface, on a formé une mince croûte qui s'oppose au tendre de l'intérieur :  comme il y a de l'eau dans la préparation, celle-ci s'est évaporée partiellement, ce qui a légèrement alvéolé les financiers.

Pour la modélisation, il y a donc lieu de considérer les différents ingrédients. 

Un peu plus de farine fera un financier qui tendra plus vers le quatre quarts, le gâteau. Si le beurre n'est pas du beurre fondu, mais du beurre noisette, alors le goût sera augmenté, évidemment. Et je dois avouer que pour mes financiers personnels, j'utilise du beurre noisette, ce qui n'est pas difficile à faire, puisqu'il suffit de chauffer du beurre jusqu'à ce qu'il prenne une  légère couleur marron. Le sucre ? Rien à en dire, sauf que sa proportion  change le goût des financiers, mais aussi leurs consistance, et le croustillant externe.
L’œuf mérite un commentaire spécial. Certaines recettes proposent d'utiliser directement les œufs, sans les battre. D'autres recettes proposent de mettre la moité des blancs d’œuf directement et l'autre moitié battus en neige. Évidemment un esprit versé dans l'expérimentation voudra tester des blancs tous battus en neige… et il s’apercevra alors qu'il obtient des préparations qui gonflent beaucoup, un peu comme des soufflés, de sorte que les gâteaux débordent des moules et qu'ils n'ont peut-être pas cette densité appropriée  des financiers. A ce jour, pour ce qui me concerne, je me suis résolu à ne pas abuser des blancs battus en neige (pas plus d'un tiers des blancs).


La question des merveilleuses préparations fautivement nommées "arômes"

Qu’ajouter ? On pourrait allonger ce billet en décrivant la composition de la poudre d'amandes, faite de lipides, de fibres, de sucres… mais cela n'éclairerait pas davantage nos amis, et je propose  plutôt de considérer que la poudre d'amandes est une sorte de charge inerte, un peu comme des cailloux dans un béton.
C'est surtout son goût, qui est extraordinaire… et le fait que les amandes     aient un goût… d'amandes m'a immédiatement incité à tester l'ajout d'une composition aromatique amandes. Je vous laisse juge du résultat (il est très bien, selon moi !), et j'ajoute seulement que ces compositions aromatiques amandes sont principalement faites d'un composé nommé benzaldéhyde, dont je me souviens avoir fait la synthèse chimique alors que j'étais adolescent, preuve qu'elle est évidemment facile à faire. Oui, une synthèse chimique permet de fabriquer, de synthétiser, ce composé qui est présent dans l'odeur d'amandes naturelle, qui en est la caractéristique principale. Le benzaldéhyde est un composé  à l'odeur d'amande, ce qui explique que les parfumeurs et aromaticiens vendent des préparations de benzaldéhyde pour donner le goût d'amandes. On pourra mêler ce composé à d'autres, mais peu importe.
Est-ce mal ? Le produit, en lui-même, n'est pas critiquable, puisqu'il donne d'excellents résultats. Ce qui est en jeu, une fois de plus, c'est la  loyauté du commerce.  Il est vrai que le benzaldéhyde est le composé essentiel de l'odeur d'amandes, et des professionnels verront mal la différence entre une solution de benzaldéhyde et une odeur d'amandes.  Pour autant, le benzaldéhyde n'est pas de l'amande, tout comme la vanilline n'est pas le seul composé odorant de la vanille. Se pose donc la question d’étiqueter les préparations à base de benzaldéhyde, et qui sont vendues pour donner l'odeur d'amandes.
Comment les nommer ?
Préparations aromatisantes à l'amande ? Ce serait déloyal, car sans amandes,  elles ne méritent pas le « à l'amande ». Arôme amande ? C'est quand même trompeur, d'autant que les amandes ne sont pas des aromates, et qu'elles n'ont donc pas d'"arôme", mais seulement une odeur. D'ailleurs, j'ai expliqué souvent que je crois que le gauchissement du mot « arôme » est une cause de l'opposition des « consommateurs » aux préparations odoriférantes, parfois merveilleuses par ailleurs.
La question est générale et lancinante : si l'on utilise le mot « amande » (ou vanille, ou fraise…) dans la dénomination d'un produit, il y a un risque de confusion, une ambiguïté. Mais comment, alors, dire simplement que l'odeur ressemble à celle de l'amande ? Bien sur, la question est discutée depuis longtemps, notamment par mes amis des syndicats professionnels, mais je vois mal la solution loyale, sauf  à dire « composition odoriférante de type amande ». Faut-il utiliser cette solution ? En tout cas, je suis bien certain qu'il y a lieu de faire évoluer la réglementation pour plus de loyauté.







Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)