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lundi 26 septembre 2022

La virtuosité ? Ne confondons pas avec la musicalité


Pour ce qui concerne la musique, il y a la question très débattue de la virtuosité.

Bien sûr, pour bien exécuter certaines pièces de Ludwig van Beethoven, qui était lui-même un virtuose du piano, il faut avoir une dextérité au moins égale à la sienne.

En revanche, en général, les œuvres ont été composées en vue d'être exécutées d'une certaine façon, et cette façon est imposée par l'oeuvre elle-même. Son phrasé, son tempo, la puissance sonore des parties...

Or  l'édition musicale ancienne n'a pas toujours inclu des descriptions suffisantes des œuvres, et c'est là l'intérêt du travail musicologique, notamment, que de comprendre à quel tempo une oeuvre doit être jouée.
Jouer une œuvre un tempo différent de celui pour lequel elle est conçue, c'est faire une espèce d'affreux monstre... que font trop souvent certains virtuoses, pour lesquels on a l'impression que seule la rapidité d'exécution compte.

La virtuosité contient sa propre faiblesse à savoir que le virtuose riesque toujours de jouer de façon virtuose, et non pas de façon musicale.

Pourtant, si l'écriture de l'oeuvre impose une respiration à un endroit particulier, c'est que la phrase musicale dit quelque chose de particulier ; ne pas respecter cette respiration c'est faire une sorte de contresens affreux.
Comme si  au lieu de dire : "Je suis parti en voiture, hier", on disait "Je suis, parti en voiture hier".

Jouer vite, de même, ce n'est pas jouer bien et, d'ailleurs, certains virtuoses au sens de la dextérité nous font des œuvres si rapide que l'on n'en peux plus respirer.

C'est manifestement une grave erreur et, au fond, une certaine prétention de jouer vite.
Et, d'ailleurs,  cette virtuosité est condamnée par l'ordinateur qui peut bouger les doigts en quelque sorte beaucoup plus vite qu'un humain.

D'ailleurs,  pourquoi nous extasirions-nous devant quelqu'un qui bouge les doigts très vite ? La musique, c'est l'émotion qui nous étreint ;  certains parlent de "pulsation cosmique", d'autres  de révéler l'humanité en nous, etc. Il y a évidemment aussi la question du beau c'est-à-dire du beau à entendre pas du rapide : on n'est pas dans une course de formule 1.

Oui, la musique est une forme de communication et cette communication doit être compréhensible par celui à laquelle on la tend.

Le talent du compositeur, c'est précisément d'avoir trouvé des innovations en matière de rythme, d'harmonie, de mélodie, de respiration, de communication...

Bref on aura finalement compris que bouger les doigts n'était rien... même si certains les bougent mieux que moi. Je ne suis pas vexé que des professionnels jouent mieux que moi, je n'y vois pas d'ego, et je suis prêt à les admirer... mais seulement si nous parlons bien de musique, cette musique qui nous rassemble, cette musique qui nous fait humain.

Pour cela, il faut penser intelligemment, pas comme un âne savant qui a pris par cœur à poser les doigts à toute vitesse sur son instrument.

D'ailleurs j'insiste un peu mais on voit des classes de maîtres où, quand on dit à l'élève de faire différemment de ce qu'il a appris par cœur, il ou elle est incapable de faire autrement ce que ce qu'il a appris par cœur.
On lui demande de changer le phrasé, et il ou elle ne le peut pas puisque tout s'effondre dans la mesure où ce n'est pas ce qu'il ou elle a appris.
De même pour une respiration à la flûte, pour un coup d'archet...

Inversement, il y a de jeunes musiciens talentueux qui s'adaptent très bien, qui essaient des nouvelles expressions et qui finalement font encore plus beau qu'il ne faisait initialement : ceux-là ont bien compris que la musique n'est pas de la virtuosité mais de la musicalité.

lundi 24 août 2020

Aucun bruit dans un laboratoire

1. Dans les laboratoires de chimie, cela est une règle  : il ne doit pas y avoir de bruit. Et, de surcroît, il doit pas y avoir non plus de musique, car celle-ci empêcherait d'entendre les bruits éventuels. Pourquoi ces règles ?

2. Parce que la chimie, qui est une science des transformations moléculaires, comporte une composante expérimentale & une composante théorique.

3. Pour la composante théorique, on comprend qu'il faille du calme, pour se concentrer sur les équations, les idées, sans que des bruits, c'est-à-dire des alertes, ne viennent nous déranger.

4. Pour la composante expérimentale, il faut rappeler qu'elle comporte des dangers, de sorte que nous devons éviter les risques.

5. Oui, les composés que nous manipulons présentent parfois des dangers : certains sont explosifs,  d'autres sont inflammables & beaucoup sont toxiques. Il y a donc lieu d'éviter les explosions, les incendies, les intoxications, par exemple.

6. Je me répète un peu,  mais la différence entre dangers et risques et essentielle : traverser une rue est dangereux, mais si l'on regarde bien avant de traverser, à gauche & à droite, alors on réduit les risques.

7. Le problème, dans les laboratoires de chimie, c'est que les dangers sont parfois invisibles, & l'on se reportera au billet où je discute une expérience avec de l'iode qui a fait apparaître trois tâches minuscules, alors que la pratique était aussi parfaite que possible.

8. Les bruits dans toute cette affaire ? En général, un bruit résulte du choc, fût-il léger, de deux solides l'un contre l'autre ; en pratique il s'en fait entendre quand on pose un récipient sur la paillasse, dont les carreaux sont souvent en faïence ou en matériau vitrifié. D'ailleurs, au bistrot, vous vous entendrez beaucoup de bruit sur le zinc.

9. Cependant, ces bruits signalent des heurts, & des possibilités de bris ! Or si un récipient se brise,  son contenu peut se répandre...  c'est là que des risques peuvent apparaître. Imaginez un composé très toxique sorti de son flacon ! D'ailleurs, pour un composé qui peut exploser quand il y a des chocs, le bruit révèle un choc & donc une possibilité d'explosion.

10. Mais même sans tout cela, un choc indique possibilité de bris, pour des matériels coûteux, & l'on comprend que manipuler avec soin s'imposent.

11. Finalement, ceux qui manipulent avec des matériaux fragiles doivent apprendre à éviter ces  possibilités de bris, ce qui impose qu'ils s'entraînent à éviter les bruits. Manipuler sans bruit n'est pas facile ;  même poser un récipient sur la paillasse se fait difficilement sans bruit, & il y a une façon de faire qu'il faut apprendre.

12. J'ajoute qu'il y a lieu d'apprendre à manipuler dans le plus grand calme, sans précipitation, car cette dernière serait la possibilité de faire des gestes inconsidérés. La tête doit certainement précéder la main, à savoir que chaque geste doit être mesurée, anticipé, prévu, de sorte qu'on ne laisse pas de place à l'improvisation, à la hâte...

13. On comprend ainsi, finalement, que les bruits soient des signes de danger, non seulement pour soi-même mais pour les autres : entendre un bruit dans un laboratoire où quelqu'un manipule doit être signal d'alerte, qui nous conduit aller voir ce qui se passe, & notamment à nous assurer que le collègue n'a pas de problème.

14. En corollaire, on comprend qu'une musique dans le laboratoire, même si elle "égaye" un peu la pièce, supprime cette possibilité d'alerte. D'autant la musique risque de nous distraire, alors que nous devons être concentrés sur les gestes que nous faisons.

15. On le voit : nos règles ne sont pas arbitraires, mais logiques, ancrées sur l'analyse des travaux que nous faisons.
Des visiteurs qui s'étonneraient de tant de silence mériteraient d'être éclairés sur les raisons de ce dernier : il ne s'agit pas d'inactivité, mais au contraire d'activité parfaitement réglée, contrôlée.

16. J'en viens  maintenant à ce panneau qui figure sur la porte d'une de nos pièces expérimentales, dans notre laboratoire : "que nul n'entre ici si sa tête est troublée". Ce panneau a été mis après qu'un de nos amis  -qui manipule généralement très bien- avait cassé une verrerie. Il n'y avait pas prêté attention, & avait continué son travail.  Mais quelques minutes plus tard,  il avait cassé ensuite une autre verrerie ! Là, nous avons tout arrêté et nous avons cherché les causes de ce comportement étonnant. A vrai dire, la  cause était évidente : il y avait des manifestations sous nos fenêtres, avec des cris, des batailles... Comment ne pas être troublé par tout cela ?

17. La suite de l'histoire est encore mieux : notre ami avait finalement décidé d'arrêter ses manipulations pour faire de la rédaction et du calcul... mais ce jour-là, tous ces calculs ont été faux.



18. Oui, véritablement, pour bien travailler, Il faut éviter que la tête soit troublée. Le peintre Shitao, dans un livre, explique que, pour faire des traits de pinceaux parfaits, il faut vider sa tête de tout, éviter les "poussières du monde".
Dans plusieurs billets précédents, j'ai discuté cette question, & notamment l'idée de la poussière du monde, que je ne crois moins donnée par le monde que produite par nous-mêmes.

19. De même, on voit bien comment nos expériences & nos calculs sont perturbées par une foule d'idées que nous avons dans la tête. Ce n'est pas le monde qui nous donne ces idées, mais nous-mêmes qui les avons, qui les laissons tourner & gêner nos activités.
Bien sûr, nous pouvons avoir des ennuis d'argent, de coeur, d'administration, ou même des questions de travail que nous ne parvenons pas à résoudre...  mais pourquoi ne pas poser tout cela de côté, le temps du travail ? Ou bien résoudre les choses au lieu de les laisser traîner, de procrastiner ? D'ailleurs, même des sentiments plus positifs nous empêchent  de nous focaliser complètement sur ce que nous faisons.

20. Se focaliser, oui, se focaliser, là est la clé des expérimentations & des travaux bien faits. Dans le silence le plus complet. D'expérience, c'est toujours un manque de focalisation qui cause les erreurs, de calcul, de manipulation, d'incompréhension...

19. D'où cette merveilleuse "méthode  du soliloque", que j'ai exposée par ailleurs.

samedi 19 janvier 2019

Les notes, les mesures, les phrases, les carrures

On se souvient que les jésuites recommandent de se comporter en chrétien plutôt qu'en tant que chrétien : il ne s'agit pas de paraître, mais d'être.
# De même, en science, Louis Pasteur recommandait d'y penser toujours... mais peut-on se forcer à y penser toujours ? En réalité, un ou une scientifique véritable se comporte évidemment en scientifique, et il n'a pas besoin du conseil : il y  pense toujours !

Toute cette introduction pour observer que le "complémentaire de la science dans le monde", à savoir tout ce qui n'est pas la science (de la nature, bien sûr), est pour les véritables scientifiques une occasion de penser à la science.
# La musique, par exemple, dont des naïfs amateurs de musique diront sans doute qu'il y a une relation "évidente" entre musique et science (tandis que des amateurs de peinture diraient qu'il y a une relation évidente entre science et peinture, etc.). Observons que la musique est faite de notes, organisées en mesures, ces dernières étant groupées en phrases musicales.  Une notion importante, de surcroît, pour un tendance musicale particulière, classique (pour l'Occident), est celle des "carrures" : les phrases musicales sont très souvent organisées de la manière suivante : de durées équivalentes, elles sont en nombre divisible par deux, ou mieux, par quatre. Ce mode de répartition périodique est appelé carrure, par référence aux quatre côtés égaux d'un carré, s'opposant deux par deux.

La question est : l'on voit une belle organisation des travaux des musiciens (classiques occidentaux, je le répète), mais quelle serait l'analogue, en science ? 



 

lundi 22 octobre 2018

A propos de Helmholtz


Au sortir de la lecture du dernier numéro d'Alliage, où figure un dossier un peu ésotérique sur Helmholtz, je retiens qu'il y a, à propos de la musique, la même confusion qu'à propos de la cuisine : entre la technique et l'art.


Helmholtz et d'autres (Cornu, Mercadier) ? Ils se sont intéressés au "tempérament", à la musicalité, à savoir cette possibilité d'associer une note avec une autre, par exemple un do avec un do une octave plus haut, ou bien un do avec un sol. Derrière cela, il y avait Pythagore, et l'importance de nombres pour régir le monde : en effet, l'octave est à une fréquence double, et elle s'harmonise bien, car cette fréquence double s'entend dans les "harmoniques" du son le plus bas de l'accord. La quinte ? Les fréquences fondamentales sont dans le rapport de deux à trois, le plus simple, et l'accord est considéré comme consonant... par la musique occidentale.
Et les musiciens de débattre à l'infini de ces questions des musicologues ou des acousticiens, car le beau, en réalité, ne connaît pas la gamme, ni le tempérament, sauf quand il s'est déjà imposé culturellement.

De même pour la cuisine, où le beau à manger est le bon ! On ne répétera pas assez que ce n'est pas une question technique, mais une question de culture, d'habitude. Ceux qui sont habitués à manger du munster mangerons du munster, et les autres rejetteront ce fromage comme détestable, car hors de leur culture. Les appariements ? Des objets de culture !
Bien sûr, il y a des cas particuliers, comme quand on boit un vin astringent en mangeant de la viande, qui apporte les protéines qui se lient au tannins, au lieu que ces derniers fassent précipiter les protéines salivaires, ou le sucre qui permet de supporter l'acidité, comme dans les framboises, dont le pH peut être aussi bas que deux, par exemple, mais c'est quand même un détail !

La leçon est simple : ne confondons pas les questions artistiques et les questions techniques !

jeudi 30 novembre 2017

La question du souffle, en musique

Qui suis-je pour parler de musique ? Seulement un "enfant" qui entend ce qui se dit. Et j'ai entendu que la phrase, c'est tout... mais j'ai aussi entendu qu'il faut danser. La phrase, avec sa respiration, c'est... la phrase. Mais la danse a un rythme que la phrase n'a pas... et je comprends que l'un n'est pas l'autre.
De même, j'entends parfois que la musique est "communication", avec une rhétorique, de la grammaire (Couperin), mais j'entends aussi qu'il y a d'abord le mouvement "allant" : c'est ce que dit notamment Pedro de Alcantavar, qui propage la "méthode Alexander", à l'aide, d'ailleurs, de termes dont je récuse l'aspect métaphorique qui ratisse trop large.

Mais... Et s'il y avait des musiciens qui chantent, et d'autres qui dansent ? Et d'autres qui, évidemment, font tout autre chose. Vouloir dire au compositeur ce qu'il fait, c'est d'une "critique" assez minable, qui oublie que l'artiste échappe aux règles, en musique comme en cuisine !

vendredi 17 novembre 2017

Le pallier suivant

Je suis reconnaissant à Benjamin Zander, chef d'orchestre à Boston, d'avoir accepté que soit sur internet (à l'adresse https://www.youtube.com/watch?v=6ScCGTLNbPo) la merveilleuse master class qu'il a donnée à Boston. Ce cours public est plein d'enseignements utiles pour la musique, mais aussi plus généralement. Ainsi, à un instrumentiste qui avait beaucoup travaillé, il demande : "Avez-vous pensé au pallier suivant ?". Et comme c'est un homme bienveillant, pour ces jeunes musiciens qu'il encadre, il se hâte de dire que chacun peut penser à la question, même le Dalai Lama ou le pape !

Oui, il a raison : quand nous avons fait un bel effort, que nous avons atteint un objectif, c'est une bonne chose que de s'interroger sur le "pallier suivant".

jeudi 13 juillet 2017

La musique dépasse les notes et les mesures, en cuisine comme en peinture !

Quelques films montrent des cours par de vrais musiciens artistes qui expliquent que la musique n'est pas l'exécution de notes, ni la réalisation de mesures, mais la production de phrases musicales. Ici, je me propose d'observer que cette idée, un peu insuffisante, vaut pour tout !

 Commençons par la musique. Quand un compositeur veut transcrire cette musique qu'il a en lui, comme le mathématicien Poincaré avait en lui des idées mathématiques, il identifie un rythme, et il divise donc sa musique en mesures, selon un rythme donné : valse à deux temps, trois temps..., par exemple. On comprend que, lors de l'exécution, une note isolée ne vaut rien, puisqu'elle doit être inscrite dans un groupe de plusieurs notes, mais on comprends surtout qu'une mesure ne vaut rien non plus, et c'est la phrase musicale qui commence à prendre du sens, s'étendant sur plusieurs mesures. C'est que l'on trouve bien expliqué dans quelques cours ("master class") de quelques beaux artistes : je vous recommande le film de Jean-Louis Comolly, avec Michel Portal, ou les cours publics de Paul Tortelier, également en ligne. Voir par exemple https://www.youtube.com/watch?v=rrspe5ntGfI ou encore https://www.youtube.com/watch?v=DkEYHxpmgSM.
Mais on ne dit pas assez, et pas assez clairement, que la phrase elle-même est insuffisante, parce que l'oeuvre est faite de plusieurs phrases, qui ne sont pas indépendantes et dont l'assemblage forme l'oeuvre. Chaque phrase ne peut donc être jouée que par rapport aux autres, et il ne peut y avoir d'hétéroclite : si quatre accords sont funèbres, à un moment donné du concerto de Mozart pour clarinette, alors il ne peut y avoir ailleurs, dans la pièce, de parties interprétées selon une autre idée que celle qui prendrait en compte ces quatre accords.

Et plus généralement ?

En cuisine, par exemple, il y a bien sûr les vieux plats, qui sont en réalité assez sommairement faits, et des cuisines plus artistiques. Les vieux plats ? Un cassoulet, c'est la totalité des ingrédients qui est mise dans la "cassole", laquelle est placée sur le feu. La part d'interprétation se résume au choix des ingrédients.
En revanche, pour des mets plus modernes, composés de parties qu'il faut réunir, on comprend que leur préparation ne puisse se comprendre, ni donc se faire, sans considération pour les autres parties, et, surtout, sans compréhension de l'idée générale du plat.
En littérature, Flaubert a tout dit, et il suffit de comparer la dixième et la onzième versions de sa Tentation de Saint Antoine pour observer, admirer, comprendre la transposition de l'idée musicale : le changement d'un mot, en un point d'une phrase, fait basculer le sens, la coloration, la tonalité de tout un paragraphe, de toute l'oeuvre. Tout est nécessaire, tout se tient, telle une toile d'araignée qui vibre entièrement quand on agite l'une de ses parties.
En sculpture, en cinéma, en danse, en... Et en science ?
Certes, un autre de mes billets évoque le style en science, mais quand même, nous sommes sur les rails du calcul, des phénomènes saillants du monde, et la question est autre. A part la cohérence de l'Homme et de ses travaux, je vois mal, et j'ai besoin de l'intelligence de mes amis pour y voir plus clair.

vendredi 25 novembre 2016

A propos de CV

Je ne sais pas bien comment les directeurs de ressources humaines conseillent nos étudiants, mais  je viens de recevoir cinq CV, et j'y trouve notamment :
- Word, ou Powerpoint dans la liste des compétences informatiques
 - pour les centres d'intérêt, cinq fois (oui !) les mêmes, à savoir cinéma, musique, voyager, lire.
N'y a-t-il pas lieu de s'étonner ? Tout d'abord, au vingt-et-unième siècle, comment imaginer  qu'un étudiant puisse ne pas maîtriser word ou powerpoint, s'il brigue une carrière dans la science ou la technologie ? Indiquer ces compétences comme des compétences, c'est un aveu de faiblesse.
> Mais il y a surtout cette question de "cinéma, musique, voyager, lire"... Que cela signifie-t-il ? Que le postulant va au cinéma ? C'est bien passif. Autant dire qu'il regarde des séries ou qu'il passe son temps devant les plus minables des divertissements télévisuels : on n'a (généralement) pas besoin de ces "compétences" pour les travaux de technique, de technologie ou de science.
> Le postulant écoute de la musique ? N'importe quel imbécile peut mettre un casque sur les oreilles et se trémousser un peu. Voyager ? C'est une banalité terrible, et la preuve en est que cinq sur cinq veulent voyager. Lire ? Bravo, mais quoi ?

Je ne crois pas avoir besoin d'être beaucoup plus cruel, et, comme je ne le suis pas, en réalité, je veux surtout faire ici oeuvre utile.
Les "centres d'intérêts", dans les CV, sont (doivent être) une façon de montrer que l'on a des qualités utiles pour le travail que l'on vise. D'autre part, quand on a un entretien avec un responsable des relations humaines qui ne connaît pas le contexte technique, c'est un point d'accroche pour tester les capacités linguistiques, la vivacité, que sais-je... Mais alors, il faut avoir de la réserve. Si l'on a écrit "musique" parce que l'on écoute de la musique, c'est bien faible, mais si l'on joue de la musique, alors c'est tout autre chose, et "musique" mériterait d'être remplacé par "Dix ans de clarinette au conservatoire", par exemple. Cinéma ? N'importe quel idiot va se gaver au cinéma... mais un passionné de Jacques Tati, ce serait bien différent (à condition que ce ne soit pas une collection de papillons, mais le socle d'une pensée positive et active). Voyager ? Lire ? Même réponse.

Sur Twitter, alors que je faisais état de ces questions, un de mes amis a écrit avec humour "@Herve_This compétences transverses! J'ai connu 1 étudiant de sciences qui s'est inscrit en parallèle en fac de lettres pr être éditeur ;-)", et il faisait référence au fait que, alors que j'étudiais la physico-chimie à l'ESPCI Paris, j'étais également inscrit en Faculté des lettres (Censier), où je me passionnais pour la littérature médiévale, Rabelais, la mythologie populaire, l'ethnologie et le folklore. Pourquoi ? Parce que Antoine Laurent de Lavoisier, reprenant Condillac, disait que l'on ne pouvait pas améliorer la pensée sans perfectionner les mots, et vice versa.
Oui, j'allais le soir à des cours en plus de ceux de la journée, mais il s'agissait d'apprendre activement, pas de faire une sorte de dilettantisme pour meubler des loisirs. Et, de surcroît, mon objectif n'était pas d'être éditeur, mais, bien au contraire, c'est parce que j'avais une double compétence que la revue Pour la Science m'a embauché ! Et, mieux encore, c'était la science qui me passionnait, et pas l'édition ni le journalisme, disons l'écriture. D'ailleurs, j'ai toujours rechigné à être considéré comme "écrivain", ce qui, hélas, est apparu parfois sur Wikipedia et d'autres sites du même tabac.

Mais passons, car mon ami faisait de l'humour. Ce que je sais, c'est que les chasseurs de têtes veulent surtout dépister des compétences un peu exceptionnelles, parce que quelqu'un qui aura réussi dans un champ aura en réalité fait preuve d'opiniatreté, et qu'il sera donc apte à recommencer, dans d'autres circonstances.

Dans toute cette affaire, il y a  donc la question de la compétence, pas d'un goût un peu mou pour des activités somme toute immensément banales : la preuve, cinq sur cinq.

dimanche 26 août 2012

Pas d'accord !

On m'a offert il y a quelque temps un livre sur les mathématiques et la musique, mais il commence mal !
Dans l' avant propos (deuxième phrase seulement), l'auteur écrit que "mathématiques et musique sont les seules disciplines à avoir développé pour elles-mêmes une écriture qui leur soit propre, toutes deux demandent une grande rigueur, et les nombres y sont d'un usage important."

Et la chimie ? Son écriture est propre ; elle se fait avec rigueur (sinon, ce n'est pas de la science) ; et, comme c'est de la science, les nombres y sont d'un usage important.

Alors ?