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jeudi 31 août 2023

Le public n'a pas peur de la chimie : il ne la comprend pas.

 En ces temps politiquement corrects, commençons par une précaution : j'ai bien du mal à reprocher aux autres leurs ignorances (observez le pluriel, svp), puis je suis moi-même très ignorant. 

Cela étant, on nous dit que le public a peur de la chimie, et c'est un fait que les marchands de peur utilisent cette peur, ou prétendue peur, à leur avantage. Toutefois, le public a peur de la chimie ? 

 

Deux événements récents conduisent à nous interroger. 

 

Premier épisode, lors du Salon de l'agriculture : à la fin de ma présentation de la cuisine note à note, où j'ai fait goûter divers produits (observez le mot, svp), un petit boucher nivernais vient me voir et me demande si les produits que j'ai présentés sont « chimiques ». 

Je lui explique que le terme est ambigu (en général, pas en réalité), et qu'il y a des composés extraits de produits « naturels » (pour faire simple!), tel le saccharose extrait des betteraves, et des produits synthétisés. 

Synthétisés, demande-t-il ? Cherchant un exemple simple, je lui raconte qu'à l'âge de six ans, j'avais mis deux fils reliés une pile dans un verre d'eau afin de produire deux gaz, et de décomposer l'eau. 

Décomposer l'eau ? Oui décomposer l'eau : un après un certain temps, le verre est vide, l'eau a disparu, et l'on a rempli des bonbonnes de gaz que l'on nomme hydrogène et oxygène. Décomposer de l'eau : notre homme n'en revient pas. 

Profitant de son étonnement, je lui dit qu'il est également extrêmement facile de synthétiser de l'eau. Synthétiser de l'eau ? Oui, synthétiser de long, c'est-à-dire la fabriquer. Non pas par une simple condensation de vapeur, mais bien plutôt par la réorganisation de réactifs pour obtenir un produit, littéralement chimique, qui est l'eau. De l'eau en tous points indiscernables de l'eau d'eau du ciel. 

Et notre homme de s'éclairer, et de répéter, émerveillé : « Vous synthétisez de l'eau ! Vous synthétisez de l'eau ! Oui, vraiment, vous avez un beau métier ! ». 

Autrement dit, cet homme n'avait pas peur de la chimie, mais il ignorait tout de cette activité pourtant ancienne. 

 

Second épisode, plus récent encore. Ayant observé qu'en faculté de droit, nos amis juristes n'avaient pas des idées bien claires sur la différence entre un composé et une molécule (par pitié, rappelez vous ma remarque introductive), sachant que le milieu culinaire a le plus grand mal avec la notion de composé, j'enregistrais un podcast pour donner des explications. Des explications simples, à l'aide de balles diversement colorées. J'avais presque honte de délivrer des notions aussi simples (pour un physico-chimiste), mais un vague sentiment que cela devait être fait. Le résultat a été au delà de tous les espoirs... avec des emails de félicitations, de remerciements. 

Comprenons bien que je ne suis pas en train de me taper sur la poitrine, mais simplement d'observer que le public... ne comprend rien à la chimie, ne la connaît pas, et ne refuse pas de la connaître, est reconnaissant quand on lui explique. La conclusion générale de tout cela, c'est que nous nous trompons si nous acceptons l'idée que le public a peur de la chimie. Il n'a pas peur, mais il ignore tout d'un des transformations que certains savent faire. 

 

Généralisons un peu : puisque le public ignore la chimie, comment voulez-vous qu'il sache ce qu'est un OGM ? L'ADN ? La radioactivité ? De ce fait, il est facile, trop facile, d'utiliser cette ignorance pour manipuler des opinions. D'ailleurs, il est probable que cette manipulation se fasse par des personnes qui ignorent également la chimie, et qui sont seulement plus craintifs que les autres... mais c'est là une interprétation charitable, et l'on peut aussi imaginer que les marchands de peur, donc agissant à des fins commerciales, ou des gens de pouvoir, ayant volonté d'orienter les réactions du public à leur guise, se livrent à des manipulations à leur profit. Il y a donc urgence. 

Urgence à ne plus croire fautivement que le fait de vivre au XXIe siècle puisse éviter la présentation de notions élaborées au cours des siècles. Il y a une nécessité urgente d'un d'expliquer la chimie, la biologie, la physique, les sciences de la nature en général. Militons, expliquons !

dimanche 28 février 2021

Les craintes sont fondées sur l'ignorance. Vite, de la chimie à l'Ecole !



Dans les discussions publiques à propos des dangers ou des risques des aliments, ou des bienfaits potentiels d'ailleurs,  il est donc question de "chimie", puisque les aliments sont faits de composés, c'est-à-dire de molécules de diverses catégories : eau, protéines, acides aminés, lipides, sucres...

Aux tissus végétaux ou animaux, qui sont donc des assemblages de molécules, les cuisiniers -à domicile, dans des restaurants ou dans l'industrie- ajoutent des "produits" qui peuvent être des composés (pensons au sucre, par exemple) ou des mélanges de composés (pensons aux additifs, auxiliaires techniques, aromatisants).

Pour les composés, il s'agit donc encore de composés, c'est-à-dire de catégories de molécules, qu'il s'agisse de molécules d'origine naturelle ou artificielle.

Bref, dans tous les cas, il y a des molécules dans l'affaire, qu'il s'agisse d'eau, de protéines, de lipides, de sucre,  et cetera. Et ces molécules sont les mêmes, qu'elles soient d'origine naturelle ou artificielle.

Oui, une molécule ne dépend pas de son origine, parce qu'elle est toujours faite d'atomes, qui sont de différentes sortes (on parle des "éléments"), et qui ont pour nom  : hydrogène, hélium, lithium, béryllium, bore, carbone, azote, oxygène, et ainsi de suite (il y a environ 200 éléments).

Or une molécule, assemblage d'atomes, est la même que les atomes aient été liés en molécule spontanément, dans l'univers, ou bien que l'on ait fait la chose dans un laboratoire : sauf des cas tordus, rarissimes, on ne peut pas distinguer une molécule naturelle d'une molécule synthétisée, qu'elle le soit dans un laboratoire ou dans une casserole, par l'action inconsciente d'un cuisinier (aucun cuisinier ne pense à faire des dianhydrides de fructose quand il fabrique du caramel !).

Ces molécules que nous mangeons se moquent bien de notre santé, et la "nature" se moque de l'être humain, de ce qui est bon ou mauvais pour l'être humain, contrairement à ce que pensent quelques naïfs, quelques ignorants, quelques idéologues, ou quelques personnes délirantes. La nature produit tout aussi bien la girolle que l'ammanite phalloïde, et c'est notre humanité qui nous conduit à sélectionner ce qui nous est utile.

Mais, j'y revient, on voit trop souvent dans les débats publics, l'idée selon laquelles les molécules d'origine naturelle ou artificielle seraient différentes : elle ne le sont pas !
Prenons l'exemple de l'eau. A Paris, l'eau de pluie est loin d'être pure, d'être seulement faite de molécules d'eau : avons-nous oublié les "pluies acides" qui attaquaient les forêts ? Et dans l'eau "minérale", en bouteille, ne savons-nous pas lire, sur l'étiquette, la présence, parmi les molécules d'eau, de nombreuses espèces moléculaires ou ioniques : des ions magnésium, sodium potassium, nitrates, sulfates, etc. ?
En revanche, pour de l'eau qui serait synthétisée à partir de dihydrogène et de dioxygène, la pureté serait quasi parfaite... ce qui ne signifie pas que cette eau serait meilleure pour la santé : il faut craindre les chocs osmotiques quand on boit de la neige fondue !

Il faut arriver au cœur du sujet, à savoir que la molécule d'eau, quelle que soit son origine, naturelle ou artificielle, est faite d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène. Ces atomes d'oxygène et d'hydrogène  viennent tous de la nature, car nous ne faisons que les utiliser, les réarranger, et les réactions qui se font dans les laboratoires ne sont que des réarrangements d'atomes.
Bien sûr,  la physique nucléaire parvient à changer un élément en un autre (très difficilement d'ailleurs), mais, pour ce qui concerne la cuisine, on en est loin.

Allez, j'insiste encore : une molécule d'eau de la pluie, ou une molécule d'eau synthétisée dans un laboratoire, c'est toujours une molécule d'eau.

Cette information serait utile dans les débats publics... où je vois à la fois de l'ignorance des faits et des confusions avec l'idéologie. Pourtant, le créateur du journal Le Monde ne recommandait-il pas, très justement, de ne pas confondre les faits et les interprétation?

Là, c'est fait : vous avez des faits, et j'espère que vous en ferez bon usage, dans les débats publics, surtout si ces débats déterminent des choix collectifs.
Bref, pour être un bon citoyen, il ne faut pas dire n'importe quoi, agiter sa langue de façon incohérente, mais commencer à comprendre de quoi l'on parle : un vaste programme... qui doit commencer dès l'Ecole !

jeudi 23 juillet 2020

N'oublions pas que nous avons ignoré

N'oublions pas que nous avons ignoré

Manifestement, les professeurs doivent prendre garde aux ignorances des étudiants... Mais immédiatement, à ces mots, je prends  une précaution :  quand on utilise ce mot d'"ignorance",  arrive souvent une critique de mépriser ceux à qui on l'applique. C'est là un mauvais procès,  l'emploi d'une connotation et non du sens réel du mot. Oui, on est ignorant de quelque chose que l'on ignore. L'ignorance, c'est le fait d'ignorer,  et ce n'est pas parce qu'on ignore quelque chose que l'on est complètement ignorant de tout ! Et être ignorant n'est pas être imbécile ; c'est seulement être ignorant, ce qui se soigne facilement.

Bref je reviens à mon point qui est de signaler que je m'étonne parfois d'ignorances d'étudiants qui sont par ailleurs studieux, attentif, précis.
C'est ainsi que, récemment, un étudiant m'a confié qu'il ignorait tout du mécanisme de l'olfaction. Bien sûr, était facile de l'éclairer à ce propos mais je m'étonne de cette ignorance particulière, et je dois prendre garde à mon étonnement.

Oui,  cet étudiant particulier s'intéresse à la cuisine, et je vois mal comment il a pu ignorer le mécanisme de l'olfaction. Mais si je suis dans cette incompréhension, d'autres étonnements du même type me menacent, et, surtout, je risque de tenir un discours inadapté aux étudiants. Manifestement, je ne sois pas préjuger des connaissances des étudiants, et il serait bon que je regarde en détails les référentiens, de la maternelle à l'université, sous peine de ne pas être compris, mais, surtout, de ne pas rendre le service de professeur que je veux rendre.

L'olfaction, pour en arriver à ce petit point particulier peut résulter d'échanges entre un corps odorant et notre organisme, mais faut-il expliquer en toute généralité, ou bien sur un exemple ?
Prenons une feuille d'estragon et sentons-là : pas grand chose. Puis frottons là entre les doigts alors que la main et la feuille sont enfermés dans un sac plastique : rien non plus.
Enfin frottons devant le nez bouché, la bouche fermée : toujours rien.
Voilà qui donne l'indication que les doigts modifient la feuille, libèrent des "principes" qui vont dans l'air, et qui ont besoin du nez pour être perçus. Ce que les expériences précédentes ne disent pas, c'est que ces "principes" sont des molécules, et que ces molécules odorantes sont comme des clés qui peuvent aller dans des "récepteurs" (pensons à des serrures) : quand il y a cette liaison, les récepteurs donnent une information au cerveau, sous la forme d'un signal électrique, qui se propage dans des cellules allongées, terminées par des "axones".
Et, merveille de la biologie : il y a des myriades de récepteurs différents, pour détecter des dizaines de milliers de composés odorants particuliers. D'ailleurs, pour aller un peu plus dans les détails, on peut ajouter que c'est le "spectre" de composés odorants perçus (tous ensemble) qui fait une "odeur" ; que l'on change la nature moléculaire d'un de ces composés, ou bien la proportion des composés odorants d'un mélange, et c'est une tout autre odeur qui apparait.

Reste seulement ma question : comment en arrive-t-on à ignorer cela ? Je précise que je ne fais pas de supériorité, mais seulement que je fais état de mon incapacité à me souvenir de quand j'ai moi-même appris cela. Au fond, la question est : de quel référentiel, entre la maternelle et l'université, cela relève-t-il ?

mercredi 15 juillet 2020

Plus que jamais, mettre en garde

1. Lors d'une formation académique, un samedi matin dans un lycée parisien, j'avais montré un oeuf (entier, dans sa coquille, tenu entre deux doigts, le gros bout en bas), & j'avais demandé à plus de 400 professeurs réunis où se trouvait le jaune.
Comme dans n'importe quelle assemblée, environ 80 pour cent de personnes ont répondu qu'il était dans la partie inférieure, 15 pour cent ont répondu qu'il était au centre, & reste ne savait pas.
Puis, j'avais ouvert l'oeuf en décalottant la partie supérieure, & on avait bien vu que le jaune flottait : le jaune d'oeuf est dans la partie supérieure, parce que, constitué de 50 pour cent de lipides, il flotte dans le blanc, lequel est une solution aqueuse de protéines (dix pour cent).

2. Cette présentation me servait à introduire la discussion sur la position du professeur devant sa classe, & nous avions eu un débat : doit-on dire aux élèves que l'on ignore la réponse à une question, quand on l'ignore ? Peut-on faire état de son ignorance, à propos d'une question même simple ? Moi qui répond évidemment que c'est la meilleure des solutions, j'avais été étonné de voir la moitié de l'assistance ne pas adhérer à l'idée. Et je n'ai toujours pas compris les arguments de ceux qui n'étaient pas de mon avis (si vous avez une idée pour m'aider, merci de me la donner).

3. Car se poser en sachant est très téméraire : n'est-ce pas, notamment s'exposer à se faire réfuter ? Et n'est-ce pas mentir, en quelque sorte ? En tout cas avoir une prétention... indue ? Je ne sais pas bien pourquoi (j'y réfléchis), mais je vois le même mécanisme que dans les publications de science & technologie des aliments, quand s'alignent à l'infini ces textes  qui nous disent que tel ou tel composé est bon pour la santé.

4. Tiens, dans une table des matières qui m'arrive aujourd'hui même d'une revue scientifique internationale, je trouve :
- un nouveau mode d'encapsulation : évidemment une révolution dans le contrôle de la faim
- un nouveau pesticide : évidemment bien mieux que tous les précédents
- un nouvel antifongique : excellent (mais...  in vitro ; pour l'in vivo, un voile pudique est jeté)
- encore un système d'encapsulation : "nouveau", meilleur...
- encore un nouveau produit pour traiter le foie
- un nouvel antibactérien qui réglera la question
- et j'arrête là, car à lire cette table des matières, il y a lieu de penser que tous les problèmes de santé sont résolus, n'est-ce pas ?

5. Comment s'expliquer, alors, que nous soyons si démunis face au dernier coronavirus ? Et que des maladies frappent encore ? Puisque tout ou presque est "bon pour la santé" ou "mauvais pour la santé", comment est-il possible, avec nos certitudes, nous ayons encore à explorer ces questions ? C'est évidemment que les publications scientifiques sont bien excessives, dans leurs revendications.

6. Car c'est un fait que nombre de publications scientifiques imposent de "vendre" les manuscrits, au point qu'elles demandent aux auteurs de préparer des résumés qui attirent les lecteurs. Oui, dans les milieux scientifiques ! Et comme pour les professeurs qui hésitaient à se dire ignorants (d'un sujet), certains d'entre nous ne résistent pas à la pression sociale, & acceptent de faire croire qu'ils ont trouvé la panacée.

7. En matière de saveurs, la question du glutamate  est du même type : à en croire certains qui étudient la question, c'est la clé parfaite du goût... mais alors, pourquoi l'industrie alimentaire ne cesse-t-elle d'ajouter d'autres composés à ses bouillons cubes : inositides et autres ? Pourquoi la question n'est-elle pas résolue depuis longtemps ? Le glutamate, finalement, ne serait-il pas non plus un Graal ? On nous aurait donc menti ?

8. La réponse à cette dernière question est évidente : un composé ne fait pas le goût à lui tout seul, fut-il soutenu commercialement et publicitairement par des lobbys industriels puissants. Et mieux encore, c'est une naïveté immense que de croire qu'elle pourrait être résolue : on ne progressera qu'en pensant le contraire.

9. Bref, tout cela est à dire aux étudiants : rien n'est résolu ! La lutte contre les champignons est à peine entamée ; la connaissance des effets biologiques des composés des aliments reste très rudimentaire ; les saveurs sont extrêmement mal connues, &, en tout cas, les théories des quatre ou des cinq saveurs sont fausses ; & ainsi de suite.

10. Bref, il y a de la place pour :
- de la belle recherche scientifique et technologique
- une lutte contre les prétentions, même dans le milieu scientifique
- une recherche didactique de qualité, afin de permettre aux étudiants de mieux apprendre.


vendredi 11 janvier 2019

La validation, un état d'esprit

La validation est un état d'esprit

Je suis étonné a posteriori de ne jamais avoir entendu le mot "validation" lors de mes études de physico-chimie point, car c'est  la chose la plus essentielle de la science.
Et d'ailleurs dire le mot validation et bien insuffisant parce que très abstrait ; avec ce mot, c'est d'un état d'esprit tout entier dont il est question. En effet, ill ne s'agit pas seulement de vérifier un calcul, mais de douter de tout ce que nous produisons. Ou, plus exactement,  de "remettre en cause" tout ce que nous produisons.

Hier, par exemple, lors d'une discussion de laboratoire, j'ai entendu un de mes jeunes collègues dire que il était "sûr" que deux valeurs étaient identiques. Sûr, vraiment ? Rien que prononcer ce mot "sûr" est un symptôme qui révèle que l'état d'esprit de la validation n'est pas suffisamment implanté. En réalité, à l'analyse, il y avait la production de deux valeurs pour une même quantité, et notre notre jeune collègue voyait une égalité de ces deux valeurs obtenues à la suite de  longues expériences qui se répétaient. Or les deux valeurs n'étaient évidemment pas identiques, mais seulement très proches.
Une incise rapide : les deux valeurs ne pouvaient pas être identiques, car à l'aide d'un instrument de mesure très précis, on aurait une infinité de décimales. Or la probabilité que deux mesures tombent sur les mêmes décimales (à l'infini) est nulle, stricto sensu ! C'est là un résultat élémentaire de la théorie de la mesure.
Et la question était donc plutôt, étant données deux valeurs différentes, de savoir si, connaissant les incertitudes expérimentales, on peut considérer raisonnablement qu'elles correspondent à une même grandeur, ou bien à des grandeurs différentes.
C'est  ici que s'introduisent les méthodes statistiques, qui permettent de dire quelle est la probabilité que les deux résultats correspondent à une même grandeur ou, inversement,  que ces deux résultats correspondent à des grandeurs différentes. Il y a une question de probabilité, ce qui exclut absolument la certitude, le "je suis sûr que". Et l'on se référa à d'autres billets qui expliquaient que tout résultat expérimental doit obligatoirement être associée à des incertitude de mesure, à des estimations des incertitudes, à des  déterminations expérimentales de ces  incertitudes,  et l'on retiendra ici que s'impose donc une comparaison statistiques... sans oublier qu'une pièce de monnaie qu'on lance en l'air peut parfaitement tomber 100 fois sur pile.



Mais cette question est bien élémentaire et nous devons revenir à la validation. La validation, cela consiste à répéter les expériences, ce qui conduit donc à comparer les résultats de ces expériences.
Mais, la validation, cela consiste aussi à douter du résultat des comparaisons, à imaginer et mettre en œuvre des façons différentes d'attaquer la question par des méthodes différentes. Dans un autre billet, j'ai évoqué le diable qui est caché derrière tout les calculs, derrière tous les  résultats d'expériences, derrière tous les gestes expérimentaux.
Mais je veux ici évoquer les exemples. Ainsi quelqu'un qui utilise une balance de précision pour peser un objet dont la température n'est pas exactement celle de la pièce s'expose à ce que des échanges de chaleur engendrent des courants d'air par convection, ce qui faussera résultat de la mesure. Plus élaboré, quelqu'un qui enregistre des spectre de résonance magnétique nucléaire en ignorant que le pH a un effet sur la résonance de certains protons s'expose à confondre les protons lors de l'interprétation ;  de même pour la présence d'ions paramagnétique, par exemple.
Notre culture scientifique toujours insuffisante et donc une menace virgule qui justifie que ce soit une bonne pratique d'être très au courant de la science qui se publie chaque jour

Le diable est tapi

Mais cette observation a des conséquences bien plus grave, quand on se souvient que le ou la scientifique moderne  est loin de tout savoir, et que, par conséquent, même si nous savions tout ce qui a été publié, nous serions ignorant de tout ce qui reste à découvrir.
Et c'est cela qui nous menace véritablement !
Les rapporteurs, les pairs à qui nous soumettons nos manuscrits en vue de leur publication sont là pour nous aider à voir les écueils inconnus, mais il y a les autres ! Et c'est une bonne métaphore d'imaginer que les scientifiques sont comme les marins qui naviguent près des côtes, donc ils ignorent tout de la topographie des fonds.


Bien sûr il y a les rochers qui émergent, mais il y a aussi ceux qui sont à une profondeur inférieure au tirant d'eau du navire. C'est cela, le diable qui nous menace à chaque instant. C'est cela qui justifie que nous qu'on servions en tête sans cesse ce mot de "validation".




vendredi 15 août 2014

Quelle est la question à laquelle je ne pense pas ?


Quand  on effectue des travaux scientifiques, la question posée en titre s'impose à nous à chaque instant.

Un exemple récent : un étudiant en stage au laboratoire devait utiliser de l'acétaldéhyde pour une expérience. Il avait prévu de peser une certaine quantité d'acétaldéhyde, de la mêler à une certaine quantité d'eau en vue d'une expérience ultérieure.
Tout cela semble bien anodin, mais quand on manipule des quantités aussi petites que des milligrammes, ce qui est à peine pesable sur des balances de grande précision, tout ce complique. En particulier, notre ami ignorait que l'acétaldéhyde peut s'évaporer,  de sorte que la quantité finalement présente au cours de l'expérience  pouvait différer notablement de  celle qu'il voulait utiliser. 
Je lui ai donc conseillé de faire une expérience préalable, qui consistait à poser un verre de montre sur une balance de précision, à déposer une goutte d'acétaldéhyde, et à peser à intervalles réguliers.

A ce stade, on voit déjà qu'une certaine culture s'impose, pour faire l'expérience : qui ignore que l'acétaldéhyde s'évapore rapidement, surtout en été,  quand il fait chaud dans le laboratoire, n'aurait pas eu l'idée d'aller faire cette expérience préliminaire. Bien sûr, une bonne méthodologie peut nous aider. Par exemple l'emploi de l'acétaldéhyde doit être précédé de la lecture des fiches de sécurité lesquelles ne montrent pas de toxicité particulière, mais signalent les inflammabilités, des pressions de vapeur saturante, etc. Une lecture critique de ces données aurait pu faire penser que l'acétaldéhyde s'évaporait,  et qu'il valait donc mieux en suivre l'évaporation, afin, ultérieurement , de connaître les phénomènes pouvant survenir lors de l'expérience.

L'étudiant fit donc l'expérience, et, consciencieusement, il releva les masses au cours du temps. Pourtant, tout était faux, encore une fois par ignorance (j'insiste : ce n'est pas une faute, seulement une caractéristique universelle que nous pouvons nous efforcer de combatttre) : voulant bien faire, il utilisa une balance placée sous une hotte aspirante, afin d'éviter la toxicité de ce composé organique. Toutefois les balances de précision sont très sensibles aux courants d'air, et celle-ci étant placée dans un courant d'air constant, elle marquait une valeur constamment fausse. Notre ami aurait été alerté si la balance avait divagué... mis elle divaguait de façon invisible.  Il fallait arrêter l'aspiration pendant la mesure, et la réarmer juste après.

Toutes précautions prises, notre ami observa une diminution rapide de la masse, dans un premier temps, avant une diminution plus lente.
Il se mit à imaginer mille phénomènes compliqués... omettant la possibilité que le petit volume enclos dans la balance (il y a des portes en verre que l'on ferme pour éviter les courants d'air) pouvait se saturer de vapeur d'acétaldéhyde. Une fois la pression de vapeur saturante établie, l'évaporation devait ralentir, le liquide étant en équilibre avec la vapeur. Autrement dit, notre ami ne mesurait pas l'évaporation libre de l'acétaldéhyde, mais plutôt l’établissement de l'équilibre entre le liquide et la vapeur. Il aurait fallu garder la balance ouverte, afin que les vapeurs soient éliminées, et, mieux, utiliser un léger courant d'air pour entraîner les vapeurs afin qu'elles ne modifient pas l'évaporation.

Cette fois, notre ami aurait-il pu dénicher le diable caché dans les détails expérimentaux ? Là encore, il fallait connaître la pression de vapeur saturante, et analyser le système. L'analyse n'est pas le plus difficile pour un esprit clair, mais la connaissance de pression de vapeur saturante s'invente difficilement, et, surtout, elle aurait imposé de retracer le chemin de nombreux grands scientifiques du passé. L’enseignement scientifique sert précisément à cela : nous mettre, nains, sur les épaules de géants.

Finalement, la question « quelle est la question à la quelle je ne pense pas », est une question terrible, puisqu'elle nous renvoie à notre culture scientifique, puisqu'elle nous dit que nous ferions bien de ne rien ignorer des travaux de ceux qui nous ont précédés. Nous pouvons avoir confiance dans notre esprit analytique,  mais cela est insuffisant, et nous serions bien avisés de compter sur les forces de la collectivité, celle de notre temps comme celle du passé, celle des différents laboratoires du monde, pour parvenir à des expérimentations fiable.
Dans les publications scientifiques, le rôle des rapporteurs est essentiel, puisqu'il permet parfois de  pointer ainsi les taches aveugles que nous avions. Bien sûr, nous avons intérêt à grandir, mais pourquoi nous priver du bonheur de collaboration  avec des collègues remarquables ?

samedi 20 juillet 2013

Vive la loyauté !


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Je viens de finir la lecture des inscriptions qui figuraient sur un conditionnement de produit alimentaire et je suis bien désolé de vous dire que c'était un immense baratin, encore pire que ce que j'aurais pu attendre. Un énorme mensonge : on y parle de nature, de produits naturels, alors que ce produit a été fabriqué, et que le naturel est ce qui n'a pas fait l'objet d'intervention par l'être humain... Bien peu d'ingrédients alimentaires sont naturels, et aucun aliment n'est naturel. 
 
Oui, aucun aliment n'est naturel, parce que tous les aliments ont été fabriqués. Tous ont fait l'objet de transformations par l'être humain, dans les cuisines domestiques, dans les «laboratoires » des artisans, dans les usines des industriels !
Allons plus loin : j'invite tous mes amis honnêtes à militer très activement contre l'utilisation abusive, déloyale du mot «  naturel » par les industriels ou les artisans de l'alimentaire.
Certes, bien souvent, l'emploi est simplement négligent ou ignorant, mais qui me fera croire que les cabinets de publicité ou de marketing de l'industrie alimentaire ignorent l'usage du mot « naturel » ? D'ailleurs, s'ils utilisaient le mot « naturel » fautivement par ignorance, ce serait encore plus grave ! 
Nous ne devons pas tolérer le mercantilisme déloyal. Luttons, luttons en écrivant aux services consommateurs des sociétés qui produisent ou vendent des aliments, luttons en écrivant aux services de l'État, afin qu'ils sanctionnent les fautifs. Luttons contre la déloyauté, la malhonnêteté !

Sur ce conditionnement, il y avait également une confusion entre goût, saveur, arômes. Cette confusion résultait à vrai dire d'un usage très métaphorique des mots, que leurs auteurs auraient justifié, sans doute, en invoquant le droit à un langage « poétique »... Et il est vrai qu'un marchand disant « Ah mes belles oranges » a le droit pour lui, car le « beau » est personnel. De même, il justifierait son discours « mon produit donne de l'énergie », car tout aliment ou ingrédient alimentaire, stricto sensu, apporte de l'énergie.
Mais on aura compris que, au delà des chicaneries, au delà de la mauvaise foi, je revendique de la loyauté, plus de loyauté qu'il n'est supporté de déloyauté aujourd'hui. 
J'invite tous mes amis honnêtes et loyaux à écrire au législateur pour réclamer plus de sévérité. J'invite tous mes amis des associations de consommateur, tous mes amis des ministères, en charge des produits alimentaires, tous mes amis engagés dans l'action politique, tous mes amis engagés dans l'éducation, à revendiquer, sinon pour nous-mêmes au moins pour nos enfants, à réclamer qu'un grand ménage soit fait. 
 
Même pour les mots qui désignent le goût ? Oui, même pour ces mots ! Il n'est pas nécessaire d'avoir fait de longues études pour être en mesure de dire que le goût est ce que l'on ressent quand on mange un aliment. Par exemple, quand on mange une banane, on a un goût de banane : on ne me fera pas croire que les publicitaires qui travaillent pour l'industrie alimentaire et qui, souvent, sortent des grandes écoles de formation des ingénieurs de commerce, ne sont pas capables de comprendre cela ?
Bref, le goût est une sensation synthétique, qui englobe la perception de la consistance, la perception des saveurs, des odeurs, du piquant et du frais.

Les saveurs ? Elles nous sont données par les cellules réceptrices des papilles, réparties sur la langue. 
C'est un autre combat de lutter contre la théorie fausse des quatre saveurs ; passons aux arômes. Là encore, il y a déloyauté à nommer arôme tout autre chose que ce qu'est un arôme : l'odeur d'une plante aromatique ! Une viande n'a donc pas d'arôme, pas plus qu'un fromage, un vin... Tout simplement, il y a l'odeur de la viande, il y a l'odeur des fromages, mais il y a l'arôme de la ciboulette ou du thym citron... 
Là encore, j'invite le législateur à refuser absolument l'emploi du mot arôme pour toute autre utilisation que l'utilisation juste. 

Il faut faire un grand ménage. Amis, luttons !