Affichage des articles dont le libellé est composés phénoliques. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est composés phénoliques. Afficher tous les articles

jeudi 13 avril 2023

Des polyphénols ? Disons simplement « phénols des végétaux »

Cela fait des années que je conseille à mes amis des métiers du goût de parler  de "polyphénols", pour de nombreux composés des vins, plutôt que de "tanins", qui ne sont que les composés qui tannent. 

Dans la même veine, j'ai largement critiqué l'emploi d'expressions comme "les tanins fondent lors du vieillissement de vins", et notamment parce que, en réalité, l'affaiblissement ou la disparition de l'astringence, dans des vins qui vieillissent, n'est pas due à des tanins qui "fondraient", mais à des association de composés phénoliques en structures plus grosses, qui perdent les propriétés tannantes.

Les tanins ? N'oublions pas que l'espèce humaine a appris, il y a très longtemps, à tanner les peaux d'animaux pour augmenter leur résistance, leur durabilité. Les tanneurs étaient dans toutes les villes, à côté de l'eau qui est indispensable pour cette opération.

 

Pour faire du cuir (https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32013D0084&from=RO et https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k99567.image)

On obtient du cuir après plusieurs étapes, en mettant en oeuvre un savoir-faire ancien, qui a bénéficié des avancées de la chimie.

La durée moyenne de l’ensemble de ces traitements est de quatre semaines. Plusieurs métiers se relaient pour donner toutes ses caractéristiques au cuir : souplesse, odeur, fermeté couleur, épaisseur, toucher, etc.

Commençons par observer que le travail des peaux doit intervenir rapidement après l’abattage, car les peaux sont fragiles : elles sont constituées de 75 % d'eau, et pourrissent en quelques heures (selon la température). Afin d'éviter cette dégradation, la méthode la plus utilisée est le salage (simple et économique), mais il peut aussi y avoir séchage ou congélation.

Dès ce stade, on trie les peaux, en fonction de leur qualité, afin de permettre, ensuite, au tanneur de proposer des lots de cuirs finis de qualités homogènes. Le prix des peaux brutes est 40 et 50 % de celui du prix du cuir fini.

Le tanneur, qui récupère des peaux sales, procède à une trempe, qui réhydrate la peau et la dessale : les peaux trempent dans environ cinq fois leur poids d’une eau à laquelle on ajoute un antiseptique. Ce bain sert aussi à éviter la putréfaction et la dégradation de la "fleur" et des fibres de la peau dans la cuve.

Vient ensuite le dépilage et le pelanage. Le dépilage est effectué par des produits qui détruisent la kératine (constituant du poil) et l’épiderme de surface. Le pelanage consiste à dégrader légèrement les fibres pour rendre la peau plus réceptive aux futurs traitements tannants. Cette étape conditionne en partie la souplesse du cuir fini, car plus les fibres seront dégradées et plus le cuir sera souple.

Les peaux passent ensuite à l’écharnage : une machine nommée écharneuse élimine l’ensemble des tissus sous-cutanés. A partir de ce moment, il ne reste que le derme, qui sera transformé en cuir.

Le déchaulage consiste à réduire le pH des peaux à 7 (il est encore trop basique) : on trempe les peaux dans des cuves emplies d’eau et des sels ou des acides. Les cuves sont agitées, pour accélérer le processus. Des contrôles réguliers sont effectués car un pH trop acide dénaturerait la peau. D’autres réactions (confitage et picklage), indispensables mais de moindre importance, sont mises en oeuvre au cours de cette opération générale, en vue d’éviter d’autres réactions lors du tannage qui se déroule en milieu acide.

Puis vient le tannage du cuir : c'est l’action de transformer en cuir une peau débarrassée des poils et autres résidus. Le tannage consiste à déshydrater une peau putrescible et à y fixer des agents pour la rendre imputrescible et résistante.
Pour arriver à ce résultat, il existe plusieurs agents tannants :
- les tannins végétaux: ils se présentent sous la forme de poudres concentrées issues de divers végétaux ; les peaux passent alternativement entre 8 et 15 jours dans 5 à 8 cuves contenant des solutions de plus en plus concentrées ;
- le chrome, dans 80 % des cas, car plus économique (le tannage se fait en 24 heures).
- d’autres types de tannage (à l’aluminium, au zirconium, etc.), permettent d’obtenir des cuirs spécifiques, mais restent moins bien maîtrisés et coûteux, donc moins courants.

Le tannage transforme donc les "peaux" en "cuir", mais ce dernier n’a pas encore les caractéristiques nécessaires à la confection d’objets en cuir. La succession de plusieurs opérations de corroyage doit encore le rapprocher du résultat souhaité.
Ainsi, au cours de l’essorage, le cuir passe entre des cylindres : comprimé, il perd une grande partie de son eau.
Puis les cuirs peuvent être refendus. On obtient deux feuilles. L’une est la fleur (côté externe) et l’autre la croûte, ce qui double la surface de produit à vendre, en fonction des utilisations.
Le cuir est ensuite neutralisé, pour supprimer une éventuelle acidité résiduelle et encore faciliter la pénétration des produits chimiques. Il peut alors être teinté et nourri : la nourriture, souvent réalisée à l’aide d’une huile de poisson, donne de la souplesse et augmente la durée de vie. En fonction de la destination prévue pour les cuirs, le pourcentage de matière grasse sera différent :
- 4 à 10 % de son poids pour du cuir à chaussure
- jusqu’à 30 % pour du cuir dit gras.
Le séchage, enfin, est une étape très importante pour la qualité du cuir. S’il est trop rapide, le cuir sera trop raide et s’il est trop lent, la tannerie n’est plus rentable. Ce séchage peut se faire de plusieurs manières : sur cadre, suspendu ou sous vide.

Il est intéressant d'observer que les mêmes tanins végétaux utilisés pour le tannage des peaux furent employés pour la confection d'encres... comme on peut en faire l'expérience en faisant bouillir de l'écorce de chêne dans de l'eau, puis en ajoutant de la rouille dans la décoction : on voit se former un beau précipité noir, que l'on peut stabiliser à l'aide de gomme arabique.
D'ailleurs, si l'on goûte la décoction avant d'ajouter la rouille, on perçoit que la solution est très astringente : les tanins se lient aux protéines lubrifiantes de la salive.
Autre expérience possible : mettre en bouche une gorgée d'un vin astringent, la faire tourner dans la bouche, et recracher doucement (pour ne pas faire de mousse qui gênerait les observations ; on voit alors un précipité que forment les protéines salivaires avec des tanins du vin.

 

Tout cela étant dit, que sont les tanins ? Et quel rapport avec les pigments phénoliques des plantes (et du vin), avec les composés astringents du bois ? Et avec des polyphénols ?

Un collègue évoque (Why bother with Polyphenols ? : Groupe Polyphenol. https://www.groupepolyphenols.com/the-society/why-b...) la question de savoir ce que sont les polyphénols. Il répond que ce n'est pas simple, et il propose une définition discutable (selon lui). Mais l'apport de son texte est surtout de faire état de définitions successives, de ce que le Gold Book de l'Union internationale de chimie (IUPAC) propose de nommer plus simplement et plus justement des "phénols" (https://goldbook.iupac.org/), comme je l'explique plus loin.

Je reprends d''abord le texte de mon collègue son texte en le traduisant, et en le transformant. Mais je me fonde aussi sur le texte Haslam E. 2007. Vegetable tannins-Lessons of a phytochemical lifetime, Phytochemistry, 68, 2713-2721.

Il y a 50 ans, Theodore White a proposé une définition fondée sur l'utilisation de composés phénoliques pour tanner, ce qui avait conduit à la terminologie "tanins végétaux". Ces composés avaient été explorés, pendant la première partie du 20e siècle, mais les outils manquaient aux chimistes entourant le chimiste allemand Emil Fischer -notamment son élève Karl Freudenberg- pour en élucider la constitution moléculaire.

Trois scientifiques prirent le relais : E. C. Bate-Smith et Tony Swain explorèrent les phénols des plantes, précisant les bases moléculaires du tannage par des composés végétaux, tandis que Edwin Haslam explorait la réactivité, la synthèse, les effets phytochimiques, biochimiques et biophysiques de diverses catégories de ces composés, ainsi que leurs interactions avec des polysaccharides ou des protéines.

Haslam proposa une première définition, en utilisant les travaux de Bate-Smith, Swain et White : les "polyphénols" auraient été restreints à des tanins végétaux qui auraient été solubles dans l'eau et auraient eu une masse molaire comprise entre 500 et 3000-4000, avec 12 à 16 groupes hydroxyles phénoliques et 5 à 7 noyaux aromatiques par 1000 unités de masse molaire, ce qui aurait permis les réactions phénoliques connues, tel la formation de complexes bleus sombres avec des sels de fer III, la capacité de précipiter des alcaloïdes et des protéines.

Avec cette définition, la lignine n'est pas un polyphénol, et trois classes de produits naturels portant des groupes phényle polyhydroxylés pouvaient être désignés par le terme "polyphénol" : les proanthocyanidines (ou tanins condensés) tels que procyanidines, prodelphinidines et profisetinidines, les gallo- et éllagitanins (les "tanins hydrolysables"), qui sont dérivés du métabolisme de l'acide gallique (ou acide 3,4,5-trihydroxybenzoïque), les phlorotanins, que l'on trouve dans les algues brunes et dérivent du couplage oxydatif du phloroglucinol (ou 1,3,5-trihydroxybenzène).

Cette définition a été élargie à des structures phénoliques plus simples, notamment en raison d'une reconnaissance de la bioactivité des phénols végétaux. Un grand nombre de ces composés n'ont pas d'action tannique, mais ils peuvent être à l'origine de composés qui en ont une. Ont alors été considéré comme "polyphénols" des composés tels les flavonoïdes, avec les flavones, les flavanones, les flavanols, les flavonols, les isoflavones, les anthocyanidines, les chalcones, les aurones et les xanthones.

 

Mais UIC, toujours l'UIC, rien que l'UIC

On comprend que la notion de "polyphénols" s'est lentement dégagée de celle de tanins, mais on se souvient que, en matière de chimie, les terminologies doivent faire l'objet d'un consensus international (sans quoi le fléau de la tour de Babel crée le désordre).
Bref, le Gold Book de l'Union internationale de chimie (IUPAC) est clair et logique : on ne parle de polyphénols que pour des composés qui sont des polymères (plus de 100 résidus environ) ou des pseudopolymères (avec des résidus qui peuvent être de plusieurs types) de phénols. Et c'est ainsi que les lignines, par exemples, sont des polyphénols... alors que nombre de tanins ne sont que des oligophénols, en vertu de la définition internationale :
Oligo: A prefix meaning 'a few', and used for compounds with a number of repeating units intermediate between those in monomers and those in high polymers. The limits are not precisely defined, and in practice vary with the type of structure being considered, but are generally from 3 to 10, e.g. oligopeptides, oligosaccharides.
Source:
PAC, 1995, 67, 1307. (Glossary of class names of organic compounds and reactivity intermediates based on structure (IUPAC Recommendations 1995)) on page 1353

Terminons avec la définitions des "phénols" : Compounds having one or more hydroxy groups attached to a benzene or other arene ring.
C'est clair, non ?

En tout cas, pour ce qui me concerne, je ne parlerai plus que de phénols, quand il s'agit de phénols, et de polyphénols quand il s'agit de polyphénols 😉

mardi 12 novembre 2019

Les polyphénols, de quoi s'agit-il ?


On m'interroge sur ce que sont les polyphénols.

Le mot "polyphénol" est effectivement largement répondu autour de nous : on lit que les polyphénols sont bons pour la santé, qu'ils sont antioxydants,  on voit des réclames qui prétendent qu'ils sont bons pour la peau, contre le vieillissement, etc.... et je viens de m'assurer, par des questions à des amis honnêtes, qu'ils ignorent en réalité ce que sont ces composés.

Bien sûr, un objet peut se caractériser par ses propriétés, mais, en l'occurrence, ce que l'on entend ou ce qu'on lit est loin d'être toujours juste.  Tout d'abord à propos des propriétés curatives, on aurait intérêt à se souvenir que les panacées n'existent pas. Et, d'ailleurs, les bons médecins savent bien que les médicaments sont assortis d'effets secondaires, et que l'on doit recourir à ces produits (les médicaments) de façon experte et parcimonieuse. On se souviendra de ce pharmacien qui vendait à Paris des régimes dont l'efficacité était avérée, mais qui ont conduit à des dizaines de cas d'insuffisance rénale très grave. Et puis, en matière de commerce, on se méfiera quand même des publicités, car quel marchand dirait les inconvénients de ses produits ?

Ici, c'est l'occasion de rappeler que l'invite mes amis à se méfier des mots   de plus de 3 syllabes,  qui cachent trop souvent de l'idéologie ou du mercantilisme le plus déloyal. En l'occurrence, le mot "polyphénol" a quatre syllabes, tandis qu'anti-vieillissement en a trop pour que je perde mon temps à les compter, tout comme pour "antioxydant". D'ailleurs, ce dernier mot a un statut bizarre, entre la chimie et la médecine... avec quand même ce fait que les  chimistes ne parlent pas de composés antioxydants,  mais de composés réducteurs.


Et puis, au fond, la plus grande confusion règne entre les polyphénols, les composés phénoliques, les tanins...  

Le monde du vin, en particulier, dit trop souvent n'importe quoi à ce propos,  par exemple avec des expressions comme « les tanins fondent », ce qui est une absurdité, puisque les chimistes savent au contraire que, quand un vin vieillit, les tanins s'agrègent, et grossissent ! D'ailleurs, ce sont les mêmes qui utilisent ces expressions erronées et qui confondent la saveur avec le goût, qui propagent l'idée fausse d'une carte de la langue qui reconnaîtrait les soi-disant quatre saveurs... alors qu'on sait depuis des décennies qu'il y  a un nombre infini de saveurs.

 
Bref la plus grande confusion règne à propos de tous ces composés et il faut donner des explications

L'expérience étant la manière la plus efficace d'expliquer, commençons par prendre un fruit rouge ou une fleur, telle une rose rouge, et broyons ces tissu végétaux dans de l'eau. Après filtration, on récupère dans les deux cas une solution colorée qui est faite évidemment d'eau, mais aussi de composés sapides, par exemple des sucres (incolores) ou  des acides (incolores aussi), et finalement de composés qui donnent la couleur à la solution.
Si l'on est chimiste, on peut fractionner cette solution, par des opérations classiques de cristallisation, de précipitations, de distillation, etc. mais je ne veux pas rentrer dans ces détails et je propose de partir des composés purs qui auront été  isolés pour leur couleur.


Voici le phénol. Les boules grises représentent des atomes de carbone, la boule rouge un atome d'oxygène, et la petite boule un atome d'hydrogène.  C'est un "monophénol.

 

Parmi ces composés, les tissus végétaux renferment des chlorophylles, les caroténoïdes, et d'autres, parmi lesquels ceux qui nous intéressent : les phénols.
De couleur rouge à bleue, ces composés changent  de couleur avec l'acidité du milieu : par exemple, quand on met des framboises dans de la soude (il faut surtout ne pas manger), on voit les fruits de venir verts ! Ou encore, quand on ajoute du jus de citron dans un thé foncé, on le voit s'éclaircir, et virer  au jaune. Inversement, si l'on ajoute du vinaigre aux framboises verdies, elles reprennent leur couleur rouge, tout comme le thé redevient marron si on lui  ajoute du  bicarbonate de sodium (qui va faire mousser, mais c'est une autre histoire). 
Bref, les composés colorés responsables de ces changements de couleur sont des "composés phénoliques".
 « Composés phénoliques »  : c'est donc le nom d'une catégorie général de composés dont les molécules contiennent au minimum 6 atomes de carbone attachés en un cycle hexagonal, avec un des atomes de carbone lié à un atome d'oxygène, lui-même lié à un atome d'hydrogène :

Une molécule réduite à cela, avec des atomes d'hydrogène sur les autres atomes de carbone, c'est une molécule du composé que l'on a nommé "phénol" et qui fut découvert en 1650.

S'il n'y avait pas l'atome d'oxygène lié à l'atome d'hydrogène, alors on aurait la molécule du benzène  :

Avec six atomes de carbone, liés chacun à un atome d'hydrogène (non représentés), on a la molécule de benzène.
Et voici un autre phénol : il y a plus d'un groupe oxygène+hydrogène sur le cycle de six atomes de carbone.


Et quand il y a deux fois un groupe fait d'un atome d'oxygène et d'un atome d'hydrogène, alors c'est un oligophénol, avec le préfixe "oligo", rares :


J'en profite pour dire que certains phénols sont parfaitement toxiques, même s'ils sont « antioxydants ».
En outre, les composés phénoliques forment une famille très vaste, puisqu'il peut y avoir des tas d'autres motifs chimiques attachés à la structure initiale.
Voici un autre composé phénolique, et c'est également un polyphénol.


La relation entre composés phénoliques et oligophénols ? Les oligophénols doivent avoir au moins les six atomes de carbone et deux groupes oxygène+hydrogène, alors que, pour les composés phénoliques, la définition est plus large, puisque n'est imposé que le groupe de six atomes de carbones avec un groupe oxygène+hydrogène.
Autrement dit,  un oligophénol est toujours un composé phénolique, mais un composé phénolique n'est pas toujours un oligophénol.

Et les tanins ? 

Pour les tanins, une perspective historique s'impose  : les anciens artisans qui travaillaient le cuir avaient observé que les décoctions d'écorces d'arbres dans de l'eau faisaient des solutions très astringentes, qui avaient la particularité de "tanner le cuir", de le rendre plus résistant. Finalement les chimistes ont compris que les tanins sont des oligophénols particuliers : ce sont donc, ipso facto, des composés phénoliques. 
Mais les composés phénoliques ne sont pas tous des tanins, de sorte que nos dégustateurs de vin feraient bien d'être prudents quand ils parlent de tanins.
Tiens, je vous livre un petit paysage explicatif :

dimanche 24 décembre 2017

Comment colorer des aliments avec les pigments des végétaux ?

On m'interroge sur la  couleur des fruits. 

Fruits, légumes... Il s'agit de tissus  végétaux, et la réponse est identique.

Commençons par observer que certains composés sont plutôt solubles dans l'eau, et d'autres dans l'huile. C
'est vrai pour les composés de toutes sortes, qu'ils soient par ailleurs odorants, sapides... ou colorants. Et un composé insoluble dans l'eau ne colorera jamais de l'eau, tandis qu'un composés soluble dans l'eau ne colorera jamais de la matière grasse.

Pour les végétaux, les couleurs sont principalement dues à des espèces chimiques appartenant aux familles des chlorophylles, des caroténoïdes, des composés phénoliques, mais aussi à  quelques autres classes, telles les bétalaïnes, dans les betteraves.
Si les chlorophylles et de nombreux caroténoïdes sont insolubles dans l'eau, les composés phénoliques, eux, sont solubles.

Quelles conséquences ? Que l'eau de cuisson des carottes ne sera que peu colorée, tout comme celle de cuisson des haricots, par exemple.
Les caroténoïdes des carottes, ou les chlorophylles et les caroténoïdes des haricots reste dans le tissu végétal, sans pouvoir se dissoudre dans l'eau.
En revanche, l'eau de cuisson de cerises ou de fraises, elle, prend une couleur, parce que les couleurs des fruits et fleurs est souvent due aux composés phénoliques, notamment les anthocyanes.

Parfois, les résultats expérimentaux sont moins faciles à interpréter. Par exemple, les tomates sont rouges principalement en raison de la présence de particules de tissu végétal contenant les pigments insolubles dans l'eau, de sorte que si l'on filtre bien une purée de tomate, l'eau que l'on récupère n'est pas rouge, mais simplement dorée.
Il en va de même pour les chlorophylles. Inversement, on pourrait colorer de la matière grasse avec des gouttelettes d'eau  où des composés phénoliques seraient dissous.







Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

lundi 14 novembre 2016

Pourquoi certains vins sont astringents

Certains vins, surtout les vins rouges, peuvent être astringents, ce qui signifie que l'on a une sensation d’asséchement ou de resserrement de la bouche. Pourquoi ?

Les végétaux, notamment les vignes, contiennent dans leurs tissus des composés « phénoliques ». Souvent ceux qui ignorent la chimie les nomment tanins, mais il y en a de  nombreuses catégories, et de véritables différences entre les tanins et les composés phénoliques non tanniques.
Les tanins sont des composés phénoliques particuliers, qui permettent de tanner, c’est-à-dire de relier les protéines dans les peaux, afin de les assouplir, pour faire des sacs, des chaussures, etc. Pour mettre en évidence les tanins des végétaux, rien de mieux que cette expériences qui consiste à faire bouillir de l’écorce d'arbre, notamment du chêne, dans une casserole emplie d'eau. Puis, quand la décoction est faite, après une dizaine de minutes, on ajoute des ions fer ou un clou rouillé : immédiatement le liquide devient noir parce que les tanins extraits de l'écorce se sont liés au fer. Ces composés là ont également la propriété de se lier aux protéines, comme on le voit en mettant en bouche une gorgée d'un vin tannique, en mâchant le vin sans l'avaler et en le recrachant : on voit apparaître un précipité coloré, fait de tanins liés aux  protéines de la salive.
Pour autant, tous les composés phénoliques ne sont pas des tanins, et c'est ainsi que, alors que les tanins disparaissent des vins rouges âgés, la couleur sombre demeure. En effet, les couleurs des végétaux peuvent être dues, pour les rouges, les bleus, les violets, à des composés phénoliques de la famille des anthocyanes. Ces composés ne sont pas des tanins, mais des composé phénoliques. Dans un vin qui  vieillit, ces composés réagissent également, d'où les changements de couleur : le vin devient souvent tuilé.

Au fait, les composés phénoliques sont-ils bons pour la santé ? Souvent, à propos de « bon pour la santé », on entend parler  de « polyphénols », qui sont des composés phénoliques particuliers. On pourrait  alors préciser la question, en demandant si les tanins sont bons pour la santé ? Les polyphénols ? Les composé phénoliques ?
Répondons d'abord en signalant que certains polyphénols sont parfaitement toxiques. En toute généralité, il n'est donc pas vrai que les polyphénols soient bons pour la santé. Les composés phénoliques ? Les tanins ? Il faut regarder au cas par cas, et, surtout, se méfier des déclarations à l'emporte-pièce, notamment quand elles proviennent de personnes qui ne connaissent pas la chimie et  qui, en conséquence, sont ignorantes de ce dont elles parlent. Surtout, aussi, quand quelqu'un cherche à nous vendre quelque chose.
 Et si l'on est ignorant de la chimie, comment prendre des décisions alimentaires en vue de rester ou d'être en bonne santé ? Je répète cette règle : il faut manger de tout, en petites quantités, et faire de l'exercice. En l'occurrence, il faut consommer des polyphénols, mais pas trop, et des composés phénoliques variés. .. et faire de l'exercice, mais pas trop.