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mardi 9 avril 2024

Donner du goût, assaisonner, et plus encore

En matière de cuisine, on a oublié qu'il ne s'agit pas de délivrer les ingrédients vaguement transformés par un traitement thermique (une "cuisson") ; non, il s'agit plutôt de le leur donner du goût. Lequel ? Voilà toute la question. 

 

Commençons en signalant  quelques exemples notoires. Par exemple, les professionnels qui cuisent des marrons ont appris à ajouter du fenouil... pour donner le goût de marrons. Quand ils préparent des fraises, ils ajoutent jus de citron, sucre, eau de fleur d'oranger.... pour donner le goût de fraises. Quand ils cuisent des   courgettes, ils leur ajoutent un peu de menthe. 

Et ainsi de suite : il est très insuffisant de cuire un ingrédient et de croire qu'il aura le goût de ce qu'il est. Cette phrase doit nous faire penser à ce critique gastronomique nommé Maurice Sailland, qui signait  Curnonsky, et qui prétendait que les choses  auraient été bonnes  quand elles auraient eu  le goût de ce qu'elles sont. 

Cela est erroné, parce qu'il n'y a pas LE goût du poulet rôti, LE goût du marron, LE goût d'un mets, mais des possibilités innombrables, qui sont au choix des artistes culinaires. 

En tout cas, l'idée de Curnonsky dépasse l'idée précédente que je viens d'évoquer à savoir qu'il faut donner du goût aux ingrédients pour qu'ils aient le goût de ce qu'ils sont ou de ce que nous voulons qu'ils aient. 

Prenons l'exemple d'un sabayon aux pommes. Pour donner le goût de la pomme, il faudra les pommes dans du beurre, en leur ajoutant du gingembre, du poivre, une pincée de sel, du jus de citron, du sucre... 

Un poulet rôti ? Immédiatement, nous devons nous demander, de même, quoi  ajouter au poulet pour qu'il ait un bon bout de poulet rôti. Cela passe évidemment par le poivre, le sel, mais pourquoi pas le thym, le romarin, le citron, etc. 

Cela nous conduit à évoquer la question des assaisonnement, si importantes en cuisine. J'ai nombre d'amis cuisiniers qui reprochent à leurs jeunes collègues de ne pas goûter assez, de ne pas rectifier l'assaisonnement. 

Mais l'assaisonnement dépasse largement la question du sel ou du poivre :  il y a toute la palette possible que nous pouvons utiliser  pour donner aux ingrédients un goût qui les soutient, voire qu'il les emmène dans des directions différentes. 

Mon ami Pierre Gagnaire sait bien cela, lui qui travaille à l'infini le moindre de ses produits et non seulement pour s'arrêter à l'assaisonnement, mais  pour le dépasser  et arriver à des œuvres où les ingrédients ne sont plus seulement considérés isolément, mais où ce sont des instruments dans un orchestre complet.

dimanche 23 mars 2014

Les épinards et les mathématiques : un encouragement à l’attention des collégiens

Les épinards et les mathématiques : un encouragement à l’attention des collégiens



Pardon d'un peu d'introspection... mais j'essaie d'être utile à nos jeunes amis.
Et pardon d'un usage étrange de la typographie, mais j'ai un nouveau jeu qui consiste à utiliser le gras à ma manière, ce qui, pour quelqu'un qui explore la cuisine, n'est pas étonnant. Il suffit que mes essais ne sentent pas le graillon ;-)
Amusant de se regarder avec le recul des années. Petit (disons : à certains moments de mes études du Second Degré), j'adorais la chimie, j'aimais la physique, j'adorais les mathématiques... et je n'aimais pas le calcul que l'on m'y mettait. Pourquoi ?  
Rétrospectivement, tout m'étonne.
Ainsi, voici un souvenir à distribuer aux collégiens : alors que j'aimais les mathématiques, alors qu'elles ne me posaient guère de problème (quand elles étaient raisonnablement expliquées, par un professeur ou par un livre compétents ; il faut quand même dire qu'il existe aussi des gens qui enseignent alors qu'ils n'ont pas compris eux-mêmes, ou qui ne savent pas expliquer, tout comme il existe de mauvais livres), je me vois encore, un de ces jours tristes de décembre, sans doute  en 1967, dans une triste salle d'un lycée caserne, aux murs jaune sales, au parquet de bois usé et poussiéreux, faisant un "contrôle" ; il s'agissait de calculer la somme de deux fractions polynômiales, quelque chose d'élémentaire, donc, et je n'y arrivais pas. Les modifications hormonales m'abrutissaient : je me vois encore me dire "Ce n'est pas difficile, je sais le faire"... et ne parvenir à rien, hébété par l'adolescence. Chers jeunes amis, courage, cette période finit par passer.  
Ainsi, je me souviens de mon refus de mettre des "mathématiques" en chimie, un peu plus tard. Comme beaucoup d'étudiants que je vois maintenant, il y avait cette attitude qui consiste à dire "Laissons les mathématiques en mathématiques, et faisons de la chimie".
A la réflexion, il y avait du juste et du moins juste. D'abord, il y avait du faux à nommer "mathématiques" ce qui n'était que du calcul. Je propose de nous faisions la distinction : les mathématiques sont cette activité merveilleuse qui invente (ou explore)... pour certains : c'est une option philosophique) un monde où le calcul est roi. Ce n'est pas une science de la nature, sauf pour d'autres qui voient, par option philosophique, les mathématiques comme découverte de structures données par avance. Je fais une digression en rappelant ici la phrase de Leopold Kronecker  "Dieu a fait les nombres entiers, tout le reste est l'oeuvre de l'homme". Fin de la digression ; revenons à notre chimie.
Ce que je n'avais pas compris -parce que je vois que le monde, aujourd'hui encore, reste confus-, c'est que le calcul, maniement d'outils courant dans les "échoppes des mathématiciens" se distingue des mathématiques ; or, au collège, au lycée, on ne fait guère de mathématiques, et l'on apprend seulement le maniement de ces outils. Ou du moins, il en était majoritairement ainsi quand j'étais lycéen.
Ce que je n'avais pas compris -parce que je vois que le monde, encore aujourd'hui, reste confus-, c'est que la "chimie" n'était pas une activité clarifiée. Si la chimie avait été l'activité technique (la production de composés, la mise en oeuvre de réactions pour la production de composés), alors oui, le calcul n'aurait pas été nécessaire. En revanche, pour une activité scientifique, alors le calcul s'impose absolument, puisque c'est là la caractéristique des sciences de la nature !
Ici, une autre digression, mais plus brève, à propos de la chimie, puisque j'ai déjà évoqué la question : je propose -pour nos jeunes amis ; cessons de penser à nous, puisque notre place est au soleil, et pensons à faire un monde meilleur pour nos enfants- de bien distinguer la chimie, c'est à dire la science quantitative qui explore les phénomènes mis en oeuvre par la technique de préparation de produits à partir de réactifs.
Fin de la digression, et j'en arrive maintenant à la séparation de la chimie et de la physique, que beaucoup de mes amis et moi-même voyions comme des activités séparées. Encore aujourd'hui, d'ailleurs, certains voient deux mondes... mais n'est-ce pas une conséquence de la confusion à propos du statut de la chimie, technique chimique et science chimique ?

J'ai foi que nous pouvons changer les mots, notamment dans l'enseignement, afin d'aider nos jeunes amis. Luttons contre la confusion, plus de Lumière !


Et les épinards ? Je ne les ai pas oubliés : si certains enfants n'aiment pas les épinards (le calcul, la chimie, la physique, la chimie physique, les mathématiques), ce n'est pas que les épinards soient "mauvais"... ou plutôt, si, c'est pour cette raison ! J'explique : quand un enfant dit "c'est mauvais", cela signifie qu'il n'aime pas, mais le "mauvais" est personnel. Or l'épinard étant comestible, le fait de le trouver mauvais est simplement la preuve que l'enfant n'a pas compris que l'épinard pouvait être bon : soit parce qu'on lui a mal cuit, mal assaisonné, soit parce que l'enfant n'a pas compris qu'il pouvait prendre son destin en main, et assaisonner à son goût, afin, progressivement, de devenir capable de dire "J'aime les épinards".
Les épinards ? Le prototype à bien penser quand on entend "Je n'aime pas les mathématiques", ou "Je ne veux pas de mathématiques en chimie". L'assaisonnement ? Bien comprendre, à l'aide de mots justes, la nature des activités merveilleuses que sont les sciences de la nature, les mathématiques, la technologie, la technique...