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samedi 1 avril 2023

Pas d'adjectifs, pas d'adverbes

La mauvaise littérature fait un usage déraisonnable des adjectifs et des adverbes, tombant facilement dans le cliché ou la périssologie (la forme fautive du pléonasme) : « le blanc manteau immaculé de la neige », « un terrible drame »… 

L'épithétisme non voulu est redoutable, et les auteurs naïfs ne doivent pas s'étonner que leurs manuscrits soient si facilement refusés : une lecture d'un paragraphe suffit souvent à se faire une idée de la médiocrité des textes médiocres.

 Evidemment, en écrivant ce qui précède, je me surveille : n'ai-je pas écrit « mauvaise », « déraisonnable », « facilement », « redoutable », « naïfs », etc. ?
Oui, je m'en suis amusé, et l'on me connaît assez pour bien comprendre que cet amusement est pure joie de vivre, et non ironie caustique. Il s'agit d'aider mes amis à vivre mieux, et, en l'occurrence, à mieux maîtriser l'usage de la langue. 

Pourquoi cet accès soudain ? Parce que je viens de commencer la lecture critique d'un manuscrit scientifique soumis à une revue de chimie, et que je ne cesse d'écrire dans le rapport : « précis », combien ? « grande sensibilité analytique », combien ? « bien connu », de qui ? « forte proportion », combien ? 

La méthode des sciences de la nature faisant usage de la caractérisation quantitative des phénomènes, puis imposant que les mécanismes proposés pour les phénomènes soient « encadrés » par les lois quantitatives, on comprend que les adjectifs et les adverbes soient des mots difficiles à manier. 

Petit ? Jolitorax venu voir Astérix et Obélix disait que son canot était plus grand que le casque de son neveu mais plus petit que le jardin de son oncle. Et si l'on riait d'une telle déclaration, vu la différence important de taille des trois objets, il y avait le germe d'une saine pratique de la description scientifique. 

Oui, une gouttelette d'huile dans une sauce mayonnaise, avec un diamètre compris entre 0,001 et 0,1 millimètre est « petite » (sous-entendu, par rapport à nous), mais elle est énorme par rapport aux lipoprotéines qui sont dispersées dans le plasma d'un jaune d'oeuf, et, a fortiori, dans la sauce mayonnaise. 

 

Il faut répéter que la description scientifique n'est pas de la littérature, de la poésie ; l'information doit être aussi précise que possible, mais aussi succincte… et c'est la raison pour laquelle notre Groupe de gastronomie moléculaire s'est fait une règle de ne pas utiliser adjectifs et adverbes. 

 

Bien sûr, parfois, ils s'imposent, surtout quand la question est la communication, mais chaque fois que nous rédigeons un rapport, un article…, nous faisons, en fin de travail de rédaction, un balayage pour éliminer ces mots épineux. Et si cette règle que j'ai introduite il y a quelques décennies à mon usage était imposée à tous ? 

Et si elle figurait dans les « conseils aux auteurs » ? Merci de m'aider à penser que ma proposition est insensée.

mardi 19 octobre 2021

Le "saucissonnage" des publications

A propos de réflexions sur l'intégrité scientifique,  je tombe sur une discussion relative au "saucissonnage" des articles.

Les auteurs de cette expression considèrent que c'est une faute de publier de nombreux articles peu différents, sauf un élément mineur... et évidemment je suis approximativement d'accord avec eux.

Mais oublions les cas pathologiques pour se préoccuper des cas généraux. D'abord la question de ce saucissonnage est tout en nuances, car même quand on est honnête, on hésite sans cesse entre publier de gros manuscrits, transmettant une foule de rrésultats, de données, d'interprétations (cela fait des textes indigestes, trop denses, que personne ne lit bien) et de  petits articles courts, concis, focalisés.
Pour presque chacun de mes manuscrits, j'hésite entre ces deux possibilités !

On voit d'ailleurs à la façon dont je formule la question combien je suis plutôt en faveur des petits articles concis et bien faits, mais pourquoi ?

Pas pour augmenter mon nombre de publications, ce dont je me moque  parfaitement (puisque c'est la production scientifique qui m'intéresse), mais surtout parce que la division en petits morceaux facilite, suscite même, les interprétations. Si nous partons d'un résultat, d'un petit groupe de données, et que nous cherchons des interprétations, nous aurons au total plus de ces dernières... avec de surcroît la possibilité de chercher ensuite des synthèses, donc du méta-méta-résultat, en quelque sorte.

Bref, je ne veux pas manquer une occasion de me stimuler créativement, de me lancer sur des calculs qui feront voir dans les données autre chose que des nombres.

Sans compter que je ne suis pas très intelligent, et que, pour moi (comme pour les autres en réalité), les petites bouchées sont plus facile à absorber que les grosses.
Mais je le répète : il faut se concentrer sur le contenu, pas sur la forme. Et publier point à point conduit à mieux évaluer le chemin que l'on parcourt, nous oblige à imaginer plus que ce que nous faisons, nous donne du temps pour maturer des idées plus difficiles.
 
D'ailleurs, c'était la stratégie de Pierre-Gille de Gennes, qui partait fréquemment le vendredi soir avec une pile de résultats, et revenait le lundi avec un projet de publication et les calculs correspondants.
C'était aussi la stratégie de Louis Pasteur, un homme que je n'aime pas, mais qui, même s'il a répété jusqu'à des paragraphes entiers de communication en communication, a avancé comme un rouleau compresseur scientifique, avec pugnacité.
Je le répète : Pasteur s'est beaucoup répété, mais ses publications apportent toutes quelque chose, et c'est cela qui compte, non ?
Bien sûr, il n'a pas été honnête rhétoriquement, n'a pas reconnu tous les apports, s'est mis en avant de façon exagérée, n'a pas toujours utilisé son intelligence avec toute la droiture qu'on aurait pu souhaiter, mais ses publications (je parle surtout de la période 1846-1850) ont fait avancer son travail vers la solution de grands mystères.

Enfin, je concluerais qu'il en va ici comme des teintes comprises entre le noir et le blanc  : il y a toutes les graduations de gris, et il faut évidemment s'efforcer d'être du bon côté... en conservant cette idée forte : le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture.

vendredi 26 mars 2021

A propos du rejet de manuscrits par les revues scientifiques


Dans un texte que j'ai publié dans les Notes académiques de l'Académie d'Agriculture de France (N3AF),   j'évoquais la question du rejet des manuscrits par les publications scientifiques. Et c'est là un sujet dont il est important de parler, parce que, même si nous savons que cela arrive à tous, et pas seulement à nous-mêmes, il est très désagréable qu'un éditeur nous dise, se fondant sur des rapporteurs, qu'un manuscrit que nous proposons n'est pas publiable, alors que nous y avons passé beaucoup de temps, que nous sommes passés sous les fourches caudines de la préparation particulière et de la soumission, que nous avons fait de notre mieux.

Dans mon article aux N3AF, je commence par observer que, aujourd'hui, la question de limiter les publications -qui s'imposait quand on imprimait les revues scientifiques sur du papier- ne tient plus. D'ailleurs, il s'agit moins de journaux que de publications, et de publications en ligne.

En outre, il faut se souvenir de l'histoire de la publication scientifique pour comprendre pourquoi nous en sommes arrivés à une situation paradoxale.
Jadis, les auteurs  recopiaient leurs manuscrits à la main pour les distribuer.

Puis les académies et des scientifiques ont créé des revues pour éviter cela. Initialement, les auteurs touchaient des droits d'auteur, parce que les journaux étaient vendus, ce qui rapportait de l'argent.
Progressivement, l'édition scientifique a évolué vers un nouvel état où les auteurs ne touchaient plus d'argent pour leur texte, cédant gratuitement la propriété de leurs textes aux éditeurs, ce qui est sans doute un peu léonin.
Puis est venu le temps où les auteurs ont dû payer pour être publiés...

Alors que les scientifiques font tout le travail :
- l'écriture des textes
- la préparation des manuscrits selon des normes fixes
- l'évaluation des textes des collègues.

L'abondance excessive (plus exactement : excessive pour le système d'il y a plusieurs décennies) des manuscrits a conduit des éditeurs internationaux à s'engraisser indûment sur la communauté scientifique. Il est temps que cela cesse... car le numérique a donné un coup de pied dans la fourmillière.

D'autre part, dans mon texte, je dis que l'heure n'est plus aux rejets, qui font perdre le temps de tout le monde, et qui abattent le moral des courageux qui veulent publier. Notamment les "rejets", qui étaient souvent fondés sur de mauvaises excuses, en vue de limiter les soumissions, doivent cesser. Non pas qu'il faille éviter de publier des manuscrits impubliables, bien sûr.
Non, il est temps que les rapporteurs apprennent d'autres manières, à savoir une bienveillance qui doit permettre aux auteurs d'améliorer leurs manuscrits.

D'ailleurs, il faut absolument que les "évaluations" soient doublement anonymes : que les auteurs ignorent qui sont les rapporteurs, et que les rapporteurs ignorent qui sont les auteurs... car ils seront ainsi plus prudents : je me souviens d'un de mes manuscrits à propos duquel un des rapporteurs avait eu des mots douteux, et je peux assurer qu'il l'a regretté, ensuite, quand il a su que j'étais l'auteur et que, surtout, il avait outrepassé ses droits de rapporteur, faisant des demandes indues.

Pour autant -j'insiste-, il ne s'agit pas de lâcher sur la qualité des textes : il doit y avoir autant d'allers-retours que nécessaire entre les auteurs et les rapporteurs, afin que les textes publiés soient de grande qualité.

Et il faut bien sûr que les auteurs entendent quand leurs textes sont fautifs. Il faut que les jeunes auteurs apprennent à mieux rédiger des textes scientifiques. Où tout soit justifié, par exemple ; où des validations sont données ; et ainsi de suite. Cela s'apprend, et les rapporteurs ont donc une mission essentielle dans notre communauté.

Et d'abord une obligation de bienveillance : vita brevis, ars longa... et il faut apprendre lentement.

Il est temps, aussi, de bien expliquer qu'il n'est pas vrai que les revues rejettent les textes qui font mention de  "résultats négatifs", car les résultats sont toujours des résultats, et, quand ils sont contraire aux hypothèses que nous avons faites, ce sont des découvertes ! C'est une faute de la part des auteurs que de penser que des résultats puissent être négatifs.

Et tout résultat obtenu dans de bonnes conditions (contrôlées, reproductibles) doit être publié ! Evidemment, les interprétations sont parfois difficiles, mais j'insiste : les résultats sont là, et il faut les communiquer à la communauté scientifique.

D'ailleurs, bien plus généralement, nous devons faire nôtre la règle de Michael Faraday : work, finish and publish*... car une idée dans un tiroir n'est pas une idée !  


*    “The secret is comprised in three words — Work, finish, publish.”

An advice to the young William Crookes, who had asked him the secret of his success as a scientific investigator, as quoted in Michael Faraday (1874) by John Hall Gladstone, p. 123

jeudi 17 septembre 2020

Un principe de réalité, à propos des publications scientifiques

science/études/cuisine/politique/Alsace/gratitude/émerveillement

 

1. J'ai peut-être effleuré la question un jour,  mais il faut que j'y revienne : dans nos master internationaux, il y a un "conseil" (nous nommons cela "board", parce que c'est international) où nous réunissons des collègues étrangers, des collègues français, des industriels (notamment de sociétés susceptibles d'employer nos étudiants), des administrateurs.

2. Les industriels nous disent que tout va bien, qu'ils sont très désireux de recruter ceux que nous formons,  et la seule critique qu'il fassent est que nos étudiants, en fin de Master, ne sachent pas suffisamment identifier la qualité des textes qu'ils utilisent pour leurs travaux.
Ces textes sont des articles scientifiques, et la question et bien évidemment essentielle, car de même que l'on ne construit pas sur du sable, on ne doit pas utiliser ou citer des connaissances médiocres.

3. Évidemment, nos amis ont raison, mais c'est souvent au moment de la thèse, la première année, que les docteurs apprennent bien à faire leur bibliographie. Cet apprentissage, qui se fait en une bonne année, voire plus, peut difficilement se faire à la hâte.

4. J'ajoute que le grand public ignore largement que beaucoup d'articles publiés dans des revues scientifiques, et même des grandes revues scientifiques avec rapporteur, ne valent pas grand-chose. Oui, dans un monde idéal, un article publié par une revue à comité  de lecture devrait être impeccable, mais en pratique, les détails de l'édition  scientifique conduisent à bien autre chose que ce dont le monde scientifique peut rêver, et cela pour mille raisons. Notamment la pression pour la publication conduit certains auteurs, d'une part, mais aussi certains éditeurs et certains rapporteurs à faire paraître des articles qui ne devraient jamais être publiés tant leur qualité est mauvaise. 


5. Et les faits sont là : il y a beaucoup d'articles publiés qui valent rien et, en conséquence, nous devons tous bien nous assurer, quand nous utilisons un article,  que ce dernier est de bonne qualité.

6. Comme dit précédemment, cela n'est pas facile,  mais cela s'apprend. J'ai donné ailleurs des indications pour s'y repérer ;  j'ai expliqué en détail à quels signes évidents on peut reconnaître les bons ou les mauvais articles. Surtout, j'ai discuté la question difficile de savoir quoi faire avec de mauvais textes, où le bon est mêlé mauvais : quelle confiance pouvons-nous attribuer à  des données figurant dans des textes médiocres ?
Au fond, si les auteurs sont médiocres, ou,  plus exactement, si des scientifiques ont fait un travail médiocre, alors leur bibliographie est sans doute médiocre, et les références qu'ils donnent ne doivent pas être retenues. Sur les sujets évoqués, il faut faire notre propre travail de bibliographie, sans nous reposer sur eux. A propos de leurs résultats expérimentaux, aussi, il y a lieu de tout  prendre avec des pincettes. Et finalement, puisque les bases sont fragile et les constructions aussi, les interprétations ne doivent pas manquer d'être "discutées" très soigneusement, au lieu d'être acceptées.
 

Bref il y a lieu de ne pas trop perdre de temps avec de tels textes et de se focaliser sur les quelques articles remarquables qui paraissent au milieu de tout ce qui est médiocre. 




mardi 25 août 2020

Il faut dire quand les articles sont mauvais... ou plus exactement, on peut discuter les textes sans considérer que le travail d'édition qui a été fait soit parole d'Evangile !

 Rubrique :  science/politique/études/cuisine


1. Oui, le système de publication scientifique met des garde-fou contre la publication de travaux insuffisants ou médiocres, voir pourris, mensongers, trafiqués, mais l'expérience prouve que ce n'est pas suffisant : il y a beaucoup trop d'articles scientifiques mauvais qui finissent pas être publiés  !

2. Ces articles de mauvaise qualité sont une plaie, et cela pour mille raisons. Certes, ils diffusent des informations pourries, mais, de surcroît :
- ils encombrent les publications scientifiques,
- ils alourdissent le travail des éditeurs et des rapporteurs,
- ils font donner du crédit à des auteurs minables ou malhonnêtes
-  ils contribuent à la réception d'informations fausses, tendancieuses...
- ils compliquent la tache des scientifiques, qui se voient ensuite dans l'obligation d'expertiser eux-mêmes les articles qu'ils lisent, ce qui doublonne le travail des rapporteurs et leur prend un temps précieux
- ils compliquent la tache des scientifiques dont les résultats contredisent les résultats erronés qui ont été publiés, au point que les revues vont jusqu'à rejeter des articles faisant état de bons résultats au motif que le sujet a déjà été traité
- et j'en passe !

3. Que doit faire notre communauté ? Dénoncer ces articles ? C'est beaucoup de temps pris sur notre propre recherche ! Inversement, ne pas dire à la collectivité qu'un article est mauvais, c'est priver la communauté de nos connaissances.

4. Et si nous faisons comme les Peer Community In, où l'on fait état de rapports de publications, sans préjuger du fait que celles-ci passent ou non la barrière des rapporteurs ? Après tout, on peut poser des questions, non ?


mercredi 15 avril 2020

Qui citer ?


Un ami qui me soumet un manuscrit cite des livres de vulgarisation dans un texte universitaire. Je lui fais remarquer que les auteurs qu'il cite sont des compilateurs, de surcroît, mais mon ami me répond que les textes qu'il cite sont ceux dont il a tiré l'information qu'il utilise pour son propre texte, et que c'est donc justice que de citer ces personnes.
Que conclure ? Que faire ?



Oui, c'est justice, mais qu'elle la bonne pratique ?
Observons tout d'abord que c'est justice de citer ces personnes... mais injustice de ne pas citer ceux qui sont à l'origine des travaux cités par les compilateurs.
Et dans la mesure où les scientifiques paresseux -disons "rapides", pour être charitable- citent beaucoup plus les "reviews", synthèse, compilation, oeuvres de vulgarisation que les travaux princeps, on finit par n'avoir que les compilateurs cités, ce qui est parfaitement anormal. L'injustice s'entérine... d'autant qu'il y a aussi une injustice à créditer les compilateurs de travaux qu'ils n'ont pas fait. Car que cite-t-on : les textes des compilateurs, ou les données compilées ? Là est la première question que l'on aurait dû poser, et la réponse montre qu'il faut citer les travaux originaux.

D'autre part, ce n'est pas une bonne pratique de partir de textes -notamment les compilations- quand ils ne sont pas parfaitement récents, et non pas pour montrer à tous que l'on fait sa bibliographie, mais surtout parce que les travaux récents font des révisions scientifiques utiles : c'est l'état de l'art, et tout travail plus ancien, qui aurait été révisé, ne doit donc pas être cité.
D'autant que les articles récents, qui paraissent plus souvent que les reviews, synthèses ou compilations,  sont publiés plus fréquemment, et sur des points plus précis. De surcroît, si ces articles sont bons, ils auront fait une exploration bibliographique serrée, et qui aura plus d'acuité que celles des compilations.

D'où la conclusion : quand on cite des travaux, il faut citer directement ceux qui en sont les auteurs, et les auteurs de révisions de ces résultats. Pas les textes intermédiaires, et encore moins les compilations  !

Mais évidemment, cela demande beaucoup de travail, alors que mon ami se reposait paresseusement sur les reviews, synthèses, compilations... qui lui évitaient toute la recherche.

Mais je finis charitablement : c'était sans doute moins de la paresse que de l'ignorance des règles de bonne pratique scientifique.



Références  :
Une citation qui m'a servi : Penders B (2018) Ten simple rules for responsible referencing. PLoS Comput Biol 14(4):e1006036. https://doi.org/10.1371/journal.pcbi.1006036
Un article important, parce qu'il dit bien que citer, c'est quand même avoir un regard critique : Nature Genetics. Neutral citation is poor scholarship. Nature Genetics. 2017; 49:1559. https://doi.org/10.1038/ng.3989 PMID: 29074946
Un article "bonnes pratiques" : Carol Anne Meyer, Reference accuracy: best practices for making the links, The Journal of Electronic Publishing, 11(2), 2008,  DOI: http://dx.doi.org/10.3998/3336451.0011.206

(texte encore en chantier)

dimanche 9 décembre 2018

Conseils pour la rédaction d’un manuscrit de thèse : comment citer les mauvais articles 2/N

Dans un manuscrit de thèse, on ne cesse de citer des articles.

Dès l'introduction, la moindre phrase doit être validée, et elle ne peut l'être, à ce stade, que par référence à d'autres auteurs, qui l'ont validée expérimentalement. Puis, quand on analyse l'état de l'art, c'est évidemment le moment où les références à d'autres sont constantes. Là encore, une phrase, une ou plusieurs références.
Les Matériels & méthodes ? Les méthodes doivent être validées, ce qui impose de justifier nos choix. Les matériels ? De même.
Puis, lors des interprétations, lors des "discussions", il faut comparer ce qui est obtenu expérimentalement à ce que d'autres ont obtenu.

Bref, on cite sans cesse d'autres auteurs, et c'est d'ailleurs bon signe, parce que cela prouve (rappelons que nous sommes de ceux qui ont de bonnes pratiques et qui, de ce fait, ne citent que des articles qu'ils ont lus!) que l'on a beaucoup lu, donc beaucoup appris, ce qui est un des objectifs des travaux de thèse.

{{Oui mais}}

Oui, mais on garde en mémoire l'idée qui motive la citation d'une publication : on veut établir un fait. De sorte que les articles cités doivent être bons !
Comment, tous les articles publiés ne sont-ils pas bons ? Après tout, ils ont été évalués par des pairs, n'est-ce pas ? Oui, mais.... Oui, mais je sais, pour avoir être souvent rapporteurs, dans de grandes revues internationales, que ces dernières publient des manuscrits pour lesquels j'ai soulevé des objections factuelles désastreuses ! Je sais, pour faire soigneusement ma bibliographie, qu'une proportion notable de publications sont mauvaises. Je  me suis exprimé ailleurs, de sorte que je ne vais pas y revenir ici, mais je propose que nous nous contentions de l'idée selon laquelle beaucoup de publications sont mauvaises.

Ne pas les citer ? C'est s'exposer à ce l'on nous reproche justement de ne pas les avoir vues (et lues).
Les citer ? Donner leurs informations sans les critiquer, c'est devenir aussi mauvais qu'elles. Les critiquer ? il y a façon et façon de le faire, mais, en tout cas, il n'est pas interdit de signaler qu'une expérience n'a pas été répétée, ou bien qu'un temps de relaxation était trop court pour que l'on obtienne une donnée quantitative admissible, ou bien qu'une règle de bonne pratique n'a pas été appliquée : de la sorte, on ne "critique" pas, mais le fait d'être factuel est peut-être encore plus dévastateur.
En tout cas, il y a ce fait que le travail bibliographique vise non seulement faire le tour complet des publications, mais aussi à faire leur évaluation, avec notamment des confrontations et des synthèses. 

 La question la plus ennuyeuse, à propos des mauvaises publications, c'est de savoir quoi en faire. Imaginons une information transmise par une telle publication, fut-elle une information plausible. Pouvons-nous vraiment la reprendre pour nos raisonnements, sachant qu'il y a une probabilité qu'elle soit fausse ? C'est imprudent, risqué. Un de mes amis a vraiment raison de dire que "donnée mal acquise ne profite à personne" ! Les mauvaises publications sont une plaies, et les scientifiques paresseux sont bien plus nuisibles que de simples édredons. Ils n'ont qu'un mérite, que je trouve par analogie avec les philosophes qui nous proposent de tester notre bonne humeur avec de petites contrariétés : les mauvais articles sont des exercices de vigilance, et ils nous conduisent à approfondir nos recherches bibliographiques pour aller détruire les idées qu'ils propagent. Ce faisant, nous tomberons bien, un jour ou l'autre, sur des articles merveilleux !



mercredi 22 août 2018

Les scientifiques publieraient trop ? (suite)

J'avais prévu une suite à mon billet précédent, à propos de la publication possiblement (selon des interlocuteurs) excessive des scientifiques... et je reçois un amical commentaire qui me conduit à modifier le texte que j'avais prévu.

Voici donc ce que m'envoie un ami internaute :
"De ce que je lis souvent, il est quand même considéré comme problématique la pression à la publication, le "publish or perish". Cela aboutirait à des publications de qualité médiocre, aboutissant à plus de "bruits" qu'autre chose, voir à des publications plus médiatiques que scientifiques (Séralini and co). De plus, c'est souvent une pression à la publication de résultats positifs, les négatifs (qui sont utiles pour connaître une voie qui mène à un échec) passant souvent à la trappe. Qu'en pensez-vous ?"
 

Oui, mille fois oui ! Il n'était pas dans mon idée d'avoir la naïveté de certains "mesureurs d'activités scientifique" à qui l'on doit des publications excessives et médiocres. Oui, il me semble inapproprié (terme politiquement correct) d'imposer aux doctorants un certain nombre de publications pour la fin de leur thèse, ou aux scientifiques un certain nombre de publications par année. D'ailleurs, l'Académie des sciences a très justement pointé cette question, et l'on ne cesse, ces temps-ci, de voir débouler des articles qui font état des dégâts du "facteur d'impact", que certains tordent à leur avantage en publiant trop et  mal. D'ailleurs, j'avais moi-même fait plusieurs billets à propos de ces questions, et notamment https://hervethis.blogspot.com/2018/07/a-propos-de-revues-predatrices.html.

Mais quand même, avec intelligence, nous devons publier nos résultats... en nous interrogeant de surcroît sur les nouvelles formes de publication permises par l'internet.
Ainsi, dans le temps, on a alterné entre de gros articles, ou au contraire de petits textes bien ciblés. Il va de soi que l'on ne fait pas un gros et bon article par an, parce que cela signifierait que l'on a produit un gros travail théorique dans l'année : les meilleurs (Einstein, Faraday, etc.) sont des hommes ou des femmes de deux ou trois idées dans une vie, et cela est déjà bien, si les résultats sont importants. Mais inversement, on ne peut plus supporter une dispersion de trop nombreux petits articles par trop de chercheurs. La vraie question est donc de réinventer la publication scientifique... Et, quand même, on n'enlèvera pas le bon principe qu'une idée dans un tiroir n'est pas une idée : nous devons publier les résultats de nos travaux !






vendredi 27 juillet 2018

A propos de revues prédatrices

L'annonce du fait que 5000 scientifiques allemands -dont certains parmi les meilleurs- ont publié dans des revues dites "prédatrices" mérite d'être commentée.

Les faits, d'abord :

1. jadis, les Académies étaient chargées de la publication des travaux scientifiques, et c'est à ce titre, par exemple, que l'Académie des sciences publiait les Comptes rendus de l'Académie des sciences, ou que l'Académie d'agriculture de France publiait les Comptes rendus de l'Académie d'agriculture.

2. jadis, les revues scientifiques étaient imprimées, sur du papier, donc, et cela coûtait cher, de sorte qu'il fallait  des abonnements par les bibliothèques (universitaires)

3. comme la place était comptée, il fallait limiter le nombre d'articles publiés, et c'est ainsi que l'Académie des sciences introduisit une règle pour limiter à un article par auteur et par semaine, quand Henri Poincaré, au summum de sa production, faisait un article par jour ! On visait la brièveté, pour des raisons de coût.

4. mais, depuis la dernière guerre mondiale, le nombre  de scientifiques a considérablement augmenté

5. et l'on a voulu évaluer ces personnes sur leur production ; comme souvent, on a jugé plus facile de juger la quantité que la qualité ; c'est plus "objectif", n'est-ce pas ?

6. mais les revues scientifiques, face à un afflux de texte, ont commencé  à refuser  les textes sous des prétextes variés,

7. ce qui a suscité la création de nouvelles revues, qui ont également été encombrées, et ainsi de suite

8. tandis que les scientifiques publiaient jusqu'au moindre résultat : ne le leur demandait-on pas ?

9. arriva le numérique, et la possibilité de ne plus avoir de papier : tout simple, donc, de créer une "revue"... de sorte que de petits malins proposèrent un nouveau  type de publication, dites "open", où les scientifiques payent pour voir leur article publié

10. et bien sûr, quand il est question d'argent, de la malhonnêteté peut s'introduire facilement : on imagine des revues peu rigoureuses, acceptant tous les articles pourvu qu'elles soient payées, et des scientifiques peu rigoureux, payant pour voir des articles médiocres publiés rapidement.



Nous en sommes là, et l'institution se rend bien compte que le système ne fonctionne plus bien.
Les éditeurs commerciaux sont sur la brèche, parce qu'ils sont concurrencés, mais, aussi, parce que leur avidité n'est plus justifiée : on n'a pas besoin d'eux pour faire l'édition des textes (qui était restée faite par les scientifiques) ni pour faire l'évaluation des manuscrits (qui était faites par des scientifiques). Depuis deux ou trois ans, c'est la fronde des institutions contre ces groupes d'édition, au point que les abonnements ne sont pas renouvelés.

Où allons-nous ? C'est le moment que les institutions (académies, centres de recherche scientifique, universités...) reprennent en main l'évaluation de la production scientifique, que l'on n'aurait jamais dû confier à des tiers. La chose est simple, puisqu'il suffit d'un secrétariat, pour épauler les comités scientifiques qui existent déjà dans lesdites institutions.

D'autre part, c'est peut-être le bon moment, aussi, pour que l 'on rénove les règles d'évaluation de la recherche scientifique, sans considérer le nombre, mais la qualité des travaux. L'évaluation ne peut être une simple comptabilité du nombre d'articles produits... car que veut-on juger, au juste ?
La question a sa réponse : les scientifiques visent des "découvertes", et cela se saurait si l'on faisait cela tous les jours. Bien sûr, des données peuvent être publiées (à condition d'être bien produites), mais on peut s'alerter que, ces dernières années, il ait fallu passer par des cours de communication scientifique pour avoir ses articles acceptés : c'est la preuve que l'on se préoccupait de la forme, et non du fond.

Revenons donc au fond.

vendredi 8 décembre 2017

Le bonheur du numérique, pour les publications scientifiques

Il était une fois des scientifiques qui voulaient partager leur émerveillement du monde avec des amis capables de recevoir ce sentiment de pur bonheur de l'abstraction. Ils leur écrivaient de longues lettres.

Mais quand ils avaient plusieurs amis, ils devaient recopier leurs lettres. Certes, on peut toujours changer à mesure que l'on copie, et produire du nouveau, affiner sa pensée, mais quand même, il apparut un besoin, de duplication.

L'imprimerie ayant été inventée, les scientifiques voulurent imprimer leurs textes, et ils recoururent à des imprimeurs, lesquels étaient plus ou moins éditeurs simultanément.

Puis des éditeurs comprirent qu'ils pouvaient gagner de l'argent en rendant le service de composer des recueils de publications, qu'ils vendaient aux institutions, bibliothèques universitaires, par exemple. Là, les auteurs consentirent à ne plus payer, en échange de la cession de leurs droits d'auteurs.

Puis apparut le numérique : cette fois, plus de papier, plus d'impression, et l'on n'a plus besoin des éditeurs, puisque le travail d'édition (du secrétariat, en réalité) pouvait être fait par les institutions scientifiques, tandis que, de toute façon, le travail d'édition (évaluation, échanges avec les auteurs) était fait par les "pairs", gratuitement.

C'est le modèle des revues "open" et "free", telles nos Notes Académiques de l'Académie d'Agriculture de France (N3AF).
L'indexation ? Elle se fait très bien, sans difficulté.

Publions dans les N3AF, ou toute autre revue du même type !




Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

lundi 28 août 2017

Une bonne pratique : éviter les adjectifs et les adverbes.


Parmi les bonnes pratiques il y en a de compliquées et il y en a de simples. L'une des plus simples tient dans cette phrase : se méfier des adjectifs et des adverbes, voire les éradiquer. On se prépare à dire "de nombreuses l'étude", et l'on s'arrête : combien ? On se prépare à dire "important"  : important ? On se prépare à dire "grand", "petit", etc., et cela vaut la peine de s'arrêter : grand par rapport à quoi, petit par rapport à quoi ?
La science, ce n'est pas du baratin, ce n'est pas de la "communication", au sens le plus bas. Il s'agit, pour commencer, d'avoir une caractérisation quantitative des phénomènes que l'on étudie. Ce que ne donnent pas les adjectifs, et encore moins les adverbes. "Important", c'est nul, mais "très important" !

Je propose comme une bonne pratique d'expurger de nos articles tous les mots qui ne sont que des chevilles, à commencer par les adjectifs et les adverbes. J'invite tous les auteurs de manuscrits scientifiques à éradiquer adjectifs et adverbes, tous les rapporteurs à pourchasser ces derniers.
Plus généralement, ce sont les imprécisions qui sont à bannir. Par exemple, cette expression minable "De tout temps l'homme..." : de tout temps, vraiment ? même quand l'espèce humain n'existait pas ? on voit que, là encore, on parle pour ne rien dire, puisque l'on n'apporte aucune information avec cette expression. Et puis, les généralisations sont... généralement bien dangereuses, et le grand (;-)) Michael Faraday le disait bien, parmi ses six conseils : ne pas généraliser hâtivement.

Positivement, n'oublions pas que la science commence par des caractérisations quantitatives des phénomènes qu'elle explore !