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mercredi 31 janvier 2024

Apprendre les sciences pour découvrir la gastronomie moléculaire et physique : réponse détaillée

Ce matin, une passionnante question, qui m'était arrivée déjà par le passé, et à laquelle j'avais jusque là mal  répondu... Mais nous avons maintenant en ligne des outils nouveaux  pour mieux répondre :

 

Bonjour Monsieur This,

Fervent lecteur de votre blog et vos articles, je me permets de vous écrire car j'aimerais acquérir les connaissances de base en physique et en chimie pour ensuite pouvoir étudier la gastronomie moléculaire de manière plus rigoureuse et exercer un regard critique sur ce que l'on peut lire dans les livres au sujet de la cuisine, du vin, du café, etc., comme vous le faites si bien.

Ainsi, quels conseils donneriez-vous pour orienter cet apprentissage en auto-didacte ? Faut-il s'astreindre à étudier les programmes scolaires ou existe-t-il d'autres manuels abordant ces matières sous un autre angle ? Est-il judicieux de se concentrer sur certaines branches spécifiques de ces disciplines pour mieux comprendre la gastronomie moléculaire ? Bien sûr, il ne s'agit pas de demander une méthode magique qui ne nécessiterait pas de travail, mais quelques conseils pour s'aiguiller dans ces matières qui peuvent effrayer les néophytes.

En espérant que je me sois exprimé clairement, je vous adresse mes sincères salutations.

 

Et voici ma réponse (provisoire : je cherche mieux) 


Bonjour et merci de votre message.
Sachant que mon blog est lu, il va maintenant falloir que je réfléchisse bien avant de poser des mots ;-)

Votre question est à la fois intéressante et difficile.

Si nous sommes bien d'accord que, quand vous dites "étudier la gastronomie moléculaire", vous pensez à la science nommée "gastronomie moléculaire (et physique"), sans la confondre avec la "cuisine moléculaire", alors il y a une question qui s'approche de celle que l'on pourrait poser pour les cours de physique ou de chimie au Collège ou au Lycée : on découvre les résultats des sciences, plutôt que les sciences, et c'est pour cette raison que l'introduction de l'histoire des sciences, il y a quelques années, a été si essentielle, à savoir que, à reproduire des études anciennes, et plus simples que celles d'aujourd'hui, l'on pouvait mettre les élèves dans une activité de recherche scientifique, de science en un mot.
Car la physique, la chimie, sont des sciences, donc des activités de production de la connaissance, et non des connaissances elles-mêmes.
Pour la gastronomie moléculaire, il en va de même, d'où la question : pensez-vous à apprendre la gastronomie moléculaire en tant que recherche scientifique, ou voulez-vous découvrir ses résultats ?


Pour la seconde option, je dois vous signaler que, précisément pour répondre à cette question, nous avons publié un énorme Handbook of Molecular Gastronomy (894 pages, 150 chapitres) qui visait non pas seulement des scientifiques, mais aussi des cuisiniers. 



Et, d'autre part, mes "cours de gastronomie moléculaire et physique" du Master international Food Innovation and Product Design sont en ligne  (ils mériteraient que je peaufine les documents, mais comme cela correspond à énorme travail un peu facultatif, je fais cela tranquillement... en privilégiant mes livres). Vous les trouverez ici, dans la pièce jointe et ici : https://seafile.agroparistech.fr/d/4e77fcbcaacc47788d28/
Mais il y a aussi tout mes livres ! 


Cela étant, la gastronomie moléculaire et physique étant une discipline scientifique, elle tient sur deux pieds :
- l'expérience
- le calcul

Pour le second, j'ai produit le livre ci dessous, afin d'enseigner à bien faire.
Pour l'expérience, il y a plein de choses, mais tout commence, dans la méthode scientifique, par l'établissement d'un phénomène, et c'est cela que nous faisons en public dans les séminaires de gastronomie moléculaire, dont les comptes rendus sont ici :

Cela dit, en revenant à vos questions, vous évoquez des "connaissances de base", et là, effectivement, les programmes scolaires de physique et chimie semblent s'imposer: il suffirait de prendre les manuels des classes successives, et de les lire méthodiquement les uns à la suite des autres, en n'oubliant pas les compétences mathématiques, notamment.

D'autres documents pour arriver à la même chose ? Je ne sais vraiment pas, mais, surtout, il y a lieu de penser  en :
- connaissances
- compétences.
Votre souci d'étudier la gastronomie moléculaire de manière plus rigoureuse est louable, mais c'est la "lecture critique" qui pose un problème difficile. En effet, dans nos cours de master, on voit souvent des étudiants proposer une "hypothèse"... dont on ne peut établir l'inanité ou la véracité que par le calcul.
Prenons l'exemple du gonflement des soufflés. Si l'on nous dit que les soufflés gonfleraient parce que les bulles d'air se dilatent à la chaleur, il y a une "théorie", qui, en l'occurrence, se réduit à une hypothèse, une proposition plausibles. Mais il faut utiliser l' "équation des gaz parfaits" pour calculer que, pour cette théorie, le gonflement serait limité à 30 %... ce qui est bien insuffisant pour expliquer le phénomène. Et, de fait, les soufflés gonflent bien plus parce que le vrai phénomène essentiel est l'évaporation de l'eau, ce que l'on calcule facilement par ailleurs.
Bref, en science, être critique, c'est être quantitatif.

Et il y a là tout un débat à propos de la vulgarisation vs science : dans un billet de mes blogs, j'ai expliqué que, produisant la revue Pour la Science, je m'étais fourvoyé pendant 20 ans en m'interdisant d'y faire figurer des équations, ou des formules pour la chimie. Aujourd'hui, je crois qu'il n'y a pas lieu d'être "démagogique", et qu'il vaut mieux aider nos amis à décoder équations ou formules. Sur des points particuliers, mais sans concession à cette rigueur que vous évoquez très justement.

Et je crois qu'il sera utile que je mette cet échange (anonymement) sur un blog : cela me donnera la possibilité de le relire, et peut-être d'améliorer encore ma réponse.
Mais, en tout cas, je suis à votre disposition pour des réponses complémentaires.

bien à cordialement

PS. En vous proposant d'ajouter votre email sur la liste de distribution des invitations aux séminaires de gastronomie moléculaire, ainsi que d'envoi des comptes rendus. A noter que les séminaires peuvent se suivre en visio. Si vous le souhaitez, donc, il suffit de faire la demande à icmg@agroparistech.fr (c'est gratuit)

 

mardi 9 janvier 2024

Tu lis trop vite

 
Tu lis trop vite : il y a dans cette déclaration une réminiscence d'une phrase de Jean-Anthelme Brillat-Savarin,  l'auteur de ce merveilleux livre intitulé Physiologie du goût qui éblouit les gourmands tous les pays depuis sa publication en 1825. Toutefois, avec le "Tu lis trop vite", je pense à des questions d'enseignement plutôt que de gourmandise, comme on le verra plus loin.
Mais d'abord considérons la phrase de Brillat-Savarin, qui apparaît à la fin de l'avant-propos de la Physiologie du goût : l'auteur se met en scène avec un de ses amis qui veut le convaincre de publier ce livre qui est en réalité déjà publié, première coquetterie littéraire d'un livre qui n'est presque que cela. L'auteur était  en réalité non point un "physiologiste", non pas un "docteur", comme il se présente à ses lecteurs, mais un avocat un juriste, conseiller à la Cour de cassation, et le dialogue qu'il nous livre dans cet avant-propos est une deuxième coquetterie d'auteur : il dit à son ami qu'il ne peut pas publier un livre si différent des affaires sérieuses dont il s'occupe d'habitude. Son ami le menace  : "Si tu ne publies pas ton livre, je dirais au monde ton plus gros défaut.  Et quel est-il, demande l'autre tremblant ? Tu manges trop vite !
Oui, manger trop vite,  c'est un des un des gros défauts des gourmands, qui manquent ainsi  d'humanité parce qu'ils ne savent pas prendre le temps d'apprécier les bonnes choses, d'en parler, de transformer de la matière en culture. On passe vite de la gourmandise à la goinfrerie à ce compte-là !

Et nous arrivons maintenant à la question des études. Dans de nombreux billets, j'ai discuté le fait que, pour apprendre quelque chose, et pour savoir quelque chose, il faut l'apprendre sept fois (environ), et je crois avoir bien compris, en analysant les échecs de mes jeunes amis et de moi-même, que ces échecs sont dus à un temps insuffisant passé sur les notions que nous étudions.  Quand nous lisons, quand nous lisons trop vide, donc, nous sautons un mot de temps en temps, de sorte que les notions que ces phrases transportent nous échappent et notre apprentissage se fait mal.
Oui, c'est un fait  que nous lisons trop vite. Souvent  des cours que nous voulons apprendre nous paraissent compliqués, parce que nous les lisons trop vite, parce que nous ne prenons pas le temps d'analyser correctement leur contenu.
Bien sûr il existe de mauvais documents d'enseignement, qui compliquent notre apprentissage. On voit nombre de documents d'enseignement recopiés les uns sur les autres, éventuellement avec des erreurs introduites par ceux qui ont recopié. On voit des documents d'enseignements que l'on a du mal à comprendre... parce que  ceux qui les ont produit ne les comprenaient pas... J'ai vu cela de nombreuses fois, à propos de mécanique quantique, à propos de spectrométrie de résonance magnétique nucléaire, à propos de chimie organique... et l'on n'y peut rien car il y aura toujours une proportion d'enseignants qui ne seront pas au niveau où on voudrait les voir, tout comme il y a une proportion d'étudiants qui ne sont pas au niveau où les professeurs voudraient les voir. Mais qu'importe. Ce qui compte, c'est d'apprendre et pour apprendre, il faut aller lentement.
Laurent Schwartz, mathématicien qui a reçu la médaille Field (l'équivalent du prix Nobel pour les mathématiques), a bien raconté que, dans sa jeunesse, il était très lent à comprendre et à apprendre, et il a expliqué qu'il  lui fallait en effet mettre les notions nouvelles au milieu des précédentes, comme on place une pièce dans un puzzle en constitution. En revanche, a-t-il dit, une fois que la notion était insérée et solidement assujettie aux autres, alors il était extrêmement rapide et extrêmement efficace.
C'est bien là la question : il s'agit de lire lentement, afin d'appréhender tous les mots, de voir leurs relations, de voir le sens qu'ils recouvrent, de comprendre le sens qu'ils recouvrent, et cela ne se fait pas rapidement. On ne lit pas un manuel de physique ou de chimie "en passant", car il y a essentiellement du concept à bien intégrer, lentement. Il s'agit de lire, et certainement aussi de relire mais d'abord il faut lire lentement et relire lentement.
Oui, en général, on lit trop vite !

vendredi 26 mai 2023

Comment apprendre la science ?

 
 Apprendre la science ? 

La question est légitime, et on se propose de décortiquer un peu la chose. 

 

1. La science, mais c'est quoi ? La question est complexe, et il faudrait connaître bien la science pour répondre à la question (pardon, je fais ici état de mes insuffisances, mais ce n'est pas de la fausse modestie). 

Commençons par reconnaître que ici, par "science", on entend "science de la nature" (physique, physico-chimie, biologie....). 

C'est évidemment un abus, car on parle de science pour désigner les savoir : au siècle passé, il y avait des livres intitulés « La science du maître d'hôtel ».  Le plus possible, dans ce qui suit, je fais donc attention à la confusion possible, et je propose de considérer la question de l'apprentissage des sciences quantitatives seulement. 

Apprendre la science de la nature signifie donc apprendre à effectuer une recherche scientifique (quantitative), c'est-à-dire soit  (1) se poser des questions de stratégie scientifique (qu'explorer si l'on a l'objectif de faire des découvertes ?) ; soit (2) apprendre à mettre en oeuvre la méthode scientifique, décrite ailleurs []. 

En réalité, l'étudiant qui m'a interrogé pensait moins à "apprendre la science" qu'à apprendre des résultats des sciences, et, plus particulièrement, à appendre des résultats de physico-chimie. 

Comment savoir que la tension superficielle est la dérivée de l'enthalpie libre par rapport à l'aire ? Ou comment "apprendre" ce qu'est l'effet Marangoni ? 

 

2. Apprendre, savoir... Commençons par observer que, dans ces deux questions, il y a une fois le mot "savoir", et une fois le mot "apprendre". Apprendre conduit-il à savoir ? Qu'est-ce qu'apprendre ? Qu'est-ce que savoir ? 

Au premier abord, il y a la notion, le phénomène, décrit par des mots : par exemple, les spins des noyaux de protons, dans un champ magnétique externe, sont soit dans l'état "haut", soit dans l'état "bas". C'est un savoir supplémentaire que de connaître la proportion de spins dans chacun des deux états. 

Notons d'ailleurs que ce savoir là est plus "scientifique", puisque la science quantitative va de pair avec le nombre, le calcul, lequel fait du "récit scientifique" un discours tout à fait à part, tout à fait différent des explications du monde données par d'autres disciplines (histoire, géographie, poésie...). Cela étant, dire que l'on sait quelque chose est fait une déclaration très osée, car on peut savoir plus ou moins profondément, plus ou moins en détail. Par exemple, les étudiants qui viennent en stage dans notre groupe de recherche me disent "savoir peser", mais ils ne savent souvent que tarer la balance avant de poser sur celle-ci l'objet dont ils veulent déterminer la masse ; ils ignorent qu'ils doivent préalablement vérifier que la balance a été vérifiée, vérifier le centrage de la bulle dans le niveau, vérifier la balance à l'aide d'un étalon tertiaire, peser trois fois et savoir pourquoi il faut peser trois fois  au minimum... 

Bref, qui d'entre nous peut "savoir" ? Cet exemple conduit à penser qu'il vaudrait  mieux, humblement, poser la question d'apprendre plutôt que la question de  savoir. 

 

3. Connaissances et compétences Avançons dans notre analyse en observant que la question initiale rejoint celle  qu'avait posée un autre étudiant, qui réclamait des "exercices", à l'appui des  cours -pourtant détaillés et, j'espère, bien faits- que je lui avais donnés. Certes, les exercices sont "classiques", dans les cours, et l'on ménage d'ailleurs des séances de "travaux dirigés" afin d'explorer les cours à l'aide d'exercices et de problèmes. Mais sont-ils nécessaires ? Sont-ils utiles ? Ne peut-on travailler seul ? Apprendre seul ? 

 

Et comment ? Nous voilà donc revenus à la question initiale, après avoir frôlé la discussion  de la différence entre connaissance et compétence, et qui doit être clairement discutée. Imaginons que, suivant un texte que je cherche à comprendre pas à pas, j'en viens à lire la loi d'Einstein à propos de la viscosité d'une dispersion diluée de particules solides (ce serait l'occasion de me demander pourquoi j'ai retenu que η = η0 (1 + 2.5 φ). C'est une connaissance. Puis, le livre fermé, je redémontre cette loi : c'est une compétence. 

Comment passer de la connaissance à la compétence ? Dans cette affaire, il y a une question de mémorisation, et une question de compréhension... et de savoir. Mémoriser : on aurait intérêt à s'intéresser aux méthodes des universitaires, de l'Antiquité au Moyen Âge, quand, sans papier, on devait mémoriser beaucoup. Nos prédécesseurs ont mis au point des méthodes, à commencer par celle qui consistait à se construire une "maison intérieure", que l'on parcourait par la pensée en déposant des idées dans les pièces, afin de les retirer ensuite. On doit observer que cette mémorisation ne conduit pas à la compréhension, et, donc, à la compétence. Par exemple, si je connais la loi d'Einstein mais que j'ignore si la définition de la fraction volumique de la phase dispersée, la connaissance de la loi est inutile. Certainement un exercice me fera passer du temps sur la question, et me montrera ce que j'ai besoin de savoir pour mettre en oeuvre la connaissance : cela semble montrer que les exercices sont utiles pour transformer les connaissances en compétences. 

Cela étant, suis-je un utilisateur de voiture ou un garagiste ? Dans les deux cas, ma connaissance est différente, et ma compétence doit l'être aussi. Le fait est que nombre d'amis scientifiques de ma connaissance sont des garagistes, et qu'ils ne supporteront pas de connaître la loi d'Einstein, qu'ils voudront être capables de la retrouver par eux-mêmes, afin d'être certain d'en avoir la connaissance intime qui leur permettra d'en explorer les limites. Certains réécrivent les cours, ou les publications, prennent des notes. D'autres se contentent de lire lentement. D'autres encore font des exercices. D'autres encore... Là, je n'ai pas vu de méthode unique... de sorte que je suis bien désemparé, pour répondre à l'étudiant qui m'interrogeait. 

 

4. Une proposition Et si l'on créait une "banque de méthodes", afin de les analyser, et de retenir la ou les plus efficaces ? N'hésitez pas à laisser des commentaires, et à décrire votre propre façon d' « apprendre la science ». Si, en plus, vous pouvez justifier sans mauvaise foi pourquoi cette méthode est bonne, c'est encore mieux !

jeudi 3 février 2022

Apprendre à cuisiner

 
Je viens de comprendre qu'il y a lieu de mieux apprendre la cuisine que comme on le faisait par le passé,  et cela tient dans cette phrase : la cuisine, c'est la de technique, de l'art, de l'amour.

Je sais bien que le titre du livre que j'ai publié précédemment, c'est l'inverse : la cuisine c'est de l'amour, de l'art, de la technique. Mais quand même, on ne pourra rien exprimer artistiquement si l'on n'a pas la technique nécessaire pour le faire.

J'ai l'habitude de comparer la cuisine à la peinture, à la musique ou à la littérature : un peintre qui ne saurait pas éviter à la peinture de couler ne pourrait pas réaliser une toile ; un musicien qui ne saurait pas poser correctement les doigts sur le piano ne pourrait pas jouer une musique ; un écrivain qui ignorerait l'orthographe, la grammaire, la rhétorique ne pourrait pas produire une œuvre littéraire.
En cuisine, il en va de même et je crois que nous devrions séparer les différentes composantes quand nous découvrons une recette.

Par exemple, imaginons que vous nous voulions faire des pâtes aux couteaux.
Bien sûr, il peut y avoir un protocole que l'on suivrait machinalement, mais c'est quand même mieux de bien comprendre que les couteaux restent tendres quand ils sont cuits 5 minutes seulement dans un four, auquel cas ils s'ouvrent spontanément. Pour les pâtes, il y a lieu de comprendre qu'il suffit d'une dizaine de minutes de cuisson dans une grande quantité d'eau salée pour qu'elles restent al dente.

Là, on a un bon début. Mais on n'a pas réglé la question du goût,  et cette question du goût nous imposera peut-être d'utiliser des oignons et de l'ail. Pour avoir un bon goût avec ces produits, on pourra par exemple considérer des questions techniques, à savoir que les oignons prennent une odeur envoûtante quand on les cuit, ou que le sel peut contribuer à changer leur couleur. Du point de vue technique, il faut de la matière grasse soit doucement chauffée. Si on veut un goût plus puissant, alors on pousse le feu et l'on obtient une couleur plus soutenu. Pour l'ail, il y a lieu de savoir que l'ail cru donne un goût bien différent de l'ail grillé, que l'on peut obtenir des pétales grillés en chauffant des lamelles d'air dans de l'huile jusqu'à ce qu'elles brunissent.

Mais le choix de la pratique est "artistique" : il faut avoir son idée du "bon".
Choisir de l'ail cru ou de l'ail grillé ? Un choix artistique. Apporter de la douceur ? Un choix artistique. L'apporter par l'oignon plutôt que par la tomate, ou bien l'inverse ? Un choix artistique.

Et là, il faudra de l'inventivité, car des pâtes à l'eau, c'est triste  : le goût se construit, et il est naïf de croire qu'il est donné par un ou deux ingrédients. Pensons à des pistaches, des raisins secs gonflés, des anchois, etc.

L'accumulation des ingrédients, toutefois, ne doit pas faire perdre la ligne artistique... qui doit donc être créée antérieurement. S'impose une volonté qui guide l'ensemble de nos choix.
Pour la musique, au lieu de mettre des notes au hasard, il faut donner une organisation musicale. Pour la cuisine  il en va de même : au lieu de mettre des goûts au hasard, il faut faire plus que se contenter de penser en termes de contraste, et il faut une raison pour employer un ingrédient plutôt qu'un autre.

On n'oubliera pas, enfin, que j'ai parlé d'amour, de lien social  : tout ce que nous préparons devrait être composé en vue du bonheur de nos amis.
Par exemple, faut-il mélanger tous les ingrédients ou, au contraire, les répartir de façon visible, afin qu'il constatent que nous avons fait quelque chose pour eux ? Ma réponse est surtout de ne pas choisir entre les deux options mais, au contraire, de les employer toutes les deux.
Par exemple, si l'on choisit de disperser les oignons brunis dans les pâtes, alors pourquoi ne pas aussi en faire un petit tas visible par-dessus, ou sur les bords ?
Par exemple, il n'est pas certain qu'il faille disperser les couteaux pour faire une masse indistincte, mais on pourra peut-être soit les aligner avec des spaghettis, soit les placer au-dessus des pâtes pour qu'ils soient bien visibles, et ainsi de suite.

L'organisation du plat est essentielle parce qu'elle dit beaucoup. Mon ami Pierre Gagnaire, par exemple, met souvent un chapeau par-dessus ses plats, quelque chose qui cache ce qu'il y a dessous, qui prépare une surprise. C'est plus délicat, évidemment,  que de montrer directement ce dont qu'il s'agit... mais je suis bien sûr que même Pierre ne proposerait pas de systématiser cette solution car précisément la variété s'impose aussi.
L'art ne se réduit pas à les principes mécaniques.

Mais pour en revenir et conclure sur l'enseignement, j'observe que c'est bon de bien séparer les composantes de la cuisine, quand on apprend à la faire !

mardi 15 juin 2021

Explications (suite)


À propos d'explications,  je vois un point à ajouter.

Alors que je travaille sur un texte de physique, dont le contenu n'est pas compliqué, même si le texte est en anglais,  je m'aperçois que je réécris volontiers le texte,  du moins une bonne partie de ce dernier. Cela me permet d'aller beaucoup plus lentement que je ne vais si je me contente de lire... et  je ne peux m'empêcher de rapprocher cette observation de la déclaration qui m'est faite par certains amis, qui auraient une mémoire virtuelle  : en réalité, je crois moins il s'agit d'une mémoire visuelle que de la nécessiter d'aller lentement pour comprendre, se donner le temps pour tout comprendre au lieu que les mots filent comme du sable entre les doigts.

Et  cela a une conséquence immédiate pour qui cherche à bien expliquer : il faut être lent, sans quoi on ne sera pas compris !

Certes, les élèves hâtifs risquent de considérer que nous sommes pesants, manquent de "feu d'artifice"... mais sont-ils vraiment capables d'assister à de tels spectacles ? Ne seront-ils pas, alors, simplement éblouis, comme des oies que l'on gave ?

Je maintiens que des explications données lentements sont utiles, et c'est cela seul qui m'importe : il faut que nous amis puissent capter tous les mots, avant de capter toutes les phrases, et de comprendre les idées véhiculées. Certes, la méthode est bien lente pour les gens pressés... mais ceux-là iront dans le décor, et il faudra que nous leur apprenions à être plus lents... et plus profonds (ah, la détestable prétention de la superficialité !).

D'ailleurs, je ne peux m'empêcher de faire le lien avec des déclarations du mathématicien Laurent Schwartz, qui disait qu'il était très lent quand il apprenait.
Il expliquait sa lenteur en termes de connexions des nouvelles idées avec celles qu'il avait auparavant, mais  ne pourrions-nous pas dire simplement qu'il s'agissait de ne pas sauter des mots importants, de bien saisir les idées nouvelles qui lui étaient présentées ?

lundi 17 mai 2021

Quelqu'un qui sait, c'est quelqu'un qui a appris : le calcul, l'orthographe, la grammaire, la chimie, etc.

J'observe un étrange mécanisme  : alors que j'écrivais hier, dans un billet de blog, que sont étourdis ceux qui n'ont pas appris à faire attention,  et maladroits ceux qui n'apprennent pas à faire les choses adroitement, les réseaux sociaux me renvoient une série de réactions qui disent que "oui, mais" :  la dyslexie, les troubles de l'attention, et autres...

Je croyais donner un message très positif puisque je disais que la solution de ces maux était dans le travail.
Alors que, au contraire, on m'oppose des fatalités. Bref, on condamne certains à rester au fond du trou.

Regardons-y mieux :
- soit la maladroitesse et l'étourderie sont des fatalités, auquel cas on a des excuses pour ne rien faire,ne rien changer... et on ne fait rien, on reste maladroit et étourdi ;
- soit on admet que l'on peut combattre les déficiences, les insuffisances, et alors la vie est belle, puisque nous pouvons y arriver avec du  travail.
D'un strict point de vue politique,  je préfère la  seconde hypothèse, à laquelle je crois plus, notamment.

Que l'on ne me prenne pas pour un abruti trop rapidement  : oui, je sais qu'il y a des individus parfaitement handicapés, et j'ai à la fois le plus grand respect et la plus grande compassion pour eux... tout en me disant qu'il faut... travailler pour trouver des moyens de les aider.

Tout cela étant dit, la discussion sur les réseaux sociaux m'étonne beaucoup, car les commentaires vont immédiatement au détail, avant d'aller à l'essentiel. Cela me semble être une faute de raisonnement grave.

Et puis, je pressens aussi que la paresse, si répandue, veut des excuses : pour les enfants, pour leurs parents, et ainsi de suite.

Oui, je le répète, je sais qu'il y a des pathologies graves, neurologiques, par exemple, et je plains ces personnes de tout mon cœur, mais quand même, ils sont (heureusement) l'exception plutôt que la règle,  et mon message ne s'adresse pas à la minorité, mais d'abord à la majorité... dont je suis, et dont je vois qu'elle est à la fois étourdie et maladroite.

Oui, nous sommes tous insuffisants, et je propose seulement que nous fassions des efforts pour  combattre nos défauts.

Par exemple l'étourderie : personne n'a plus d'excuses maintenant nous n'avons des alertes sur nos téléphones...  mais encore faut-il les y mettre, n'est-ce pas ? J'observe ici que certains étudiants ne font même pas cet effort, et je trouve cela impardonnable, mais, au fond, qu'ils fassent ce qu'ils veulent, puisque leurs échecs ne me regardent pas.
Pour la maladroitesse, au delà de quelques cas de tremblement pathologique, je vois surtout qu'elle est due ce que nos amis font marcher leurs mains avant leur tête, qu'ils n'apprennent pas à faire marcher leurs mains après leur tête.

Autrement dit, maladroitesse et étourderie  me semblent être la marque de ceux qui n'ont pas cherché à apprendre à ne pas être étourdi, à ne pas être maladroit.
J'ajoute que la grammaire et l'orthographe s'apprennent, également. Avant de se déclarer dyslexique, peut-être faut-il une fois dans sa vie s'arrêter pour regarder l'orthographe des mots, l'apprendre. C'est notamment ce que fit le grand physico-chimiste Michael Faraday, qui n'avait pas eu la chance d'avoir de l'instruction, et qui apprit... et devint l'un des plus grands savants de tous les temps. Moi qui suis un nain par rapport à lui, j'ai lu entièrement le dictionnaire, de sorte que je déteste quand on croit que tout cela est "inné" : c'est du travail.
Ecrire sans faute ? Peut-être faut-il aller plus lentement, s'assurer de chaque lettre, de chaque mot, et, quand on calcule, de chaque signe, de chaque équation, quand on dessine des molécules de chaque atome, de chaque liaison...

Et, de ce fait, malgré les échanges sur les réseaux sociaux, je maintiens absolument que c'est le travail, l'entraînement qui permettent de pallier nos déficiences dont, j'insiste, nous sommes tous affligés.
Et le message  que je donne à tous est très positif : il suffit de travailler pour y arriver

Bien sûr, je sais qu'il faut prendre du recul et qu'il y a derrière tout ça la question d'être capable de travailler. C'est là, et là seulement, qu'il y a la vraie difficulté.

De toute façon, ma question est bien plus positive, car il s'agit, pour nous qui avons une place au soleil, de chercher les réponses à ces questions qui sont  :comment  aider nos amis, comment les aider à apprendre, comment les aider à ne pas être étourdi, comment  les aider à ne pas être maladroit ?
Le plus terrible est là : j'ai posé la question sur les réseaux sociaux qui se sont excités à propos de mon billet, mais je suis désolé de dire qu'il n'y a pas eu une seule proposition. De quoi est-ce le signe ?

lundi 21 septembre 2020

Je n'ai jamais peur de dire "Je ne sais pas"... et je veux même le dire sans cesse !

science/études/cuisine/politique/Alsace/gratitude/émerveillement

 

 

1. Un certain "enseignement" réclame que le professeur soit un "sachant", face à des étudiants qui sont des "apprenants". Affreux termes, affreuse idée.  !

2. Oui, affreuse idée, et notamment parce que l'on parle d'enseignement, alors que je maintiens que c'est une chose bien impossible. En revanche, les étudiants peuvent apprendre.
J'insiste : il y a cette "supériorité" insupportable des enseignants, ce fantasme de croire que l' "enseignant" peut introduire des idées dans la tête des étudiants, alors que ces derniers n'intégreront des idées neuves que s'ils ont la position active de les intégrer. Par eux-mêmes, et pas par quelqu'un d'autre : il faut répéter que, pour apprendre, il faut étudier.

3. En revanche, on peut parfaitement, et légitiment dans certains cas, vouloir "professer", à savoir "parler devant". Oui, les professeurs peuvent parler aux étudiants, afin que ceux-ci puissent faire bon usage de ce qui est dit. Avec esprit critique, avec énergie...

4. Les professeurs sont-ils censés tout savoir ? Certainement pas ! Et, d'ailleurs, je dirais volontiers que les bons professeurs doivent savoir montrer leur ignorance, montrer les pans de savoir qui sont manquants, pour eux et pour la collectivité, afin de faire de la place à des étudiants qui seraient passionnés par l'idée de contribuer à cette élaboration de savoir.

5. Et c'est ainsi que, personnellement, j'ai inscrit sur un de mes murs, au laboratoire "Pardon, je suis insuffisant... mais je me soigne". Oui, je me trouve très ignorant, très bête... mais certainement pas "suffisant" (OK, il y a un jeu de mot). Et oui, je me soigne pas un travail acharné : labor improbus omnia vincit, dit le proverbe latin (un travail acharné vient à bout de tout).

6. Certes, je supporte mal de ne pas savoir quelque chose, et, quand je me vois une ignorance particulière que je peux pallier facilement, je ne m'en prive pas. Mais je ne veux certainement pas masquer mon ignorance : c'est une bien meilleure stratégie que de l'avouer : aux autres... et à soi-même ! 




vendredi 17 juillet 2020

Apprendre, c'est retenir


1. À propos des études, il y a cette question de savoir si recevoir une information est suffisant pour en disposer.

2. Par exemple, peut-on apprendre à partir d'un livre ? D'un film ? D'un podcast ? Combien de fois faudra-il voir le film, lire le livre, écouter le podcast  ?

3. La question est importante, car il est exact qu'on ne retient généralement pas tout d'un premier coup. Et j'ai entendu nombre de professeurs dire qu'il ne suffisait pas de comprendre, et qu'il fallait apprendre.

4. Dont acte, mais apprendre comment ? Pour des sciences de la nature, on m'a dit "refaire les démonstrations",  "faire des exercices", "faire des problèmes". Mais pour d'autre disciplines ?

5. Et puis, mes professeurs étaient-ils bien placés pour me conseiller ? Après tout, ils n'avaient ni le prix Nobel, ni n'étaient tous professeurs au Collège de France ! Bref, d'où sortaient-ils leurs conseils ? Sans "référence", j'invite les étudiants à ne pas gober n'importe quelle méthode.

6. Mais alors ? Pardon pour l'évocation d'idiosyncrasies, mais je suis de ceux qui, quand ils doivent apprendre quelque chose, le prennent, le triturent, l'ingèrent, le ruminent,  avant de le digérer, y reviennent, y reviennent encore.
Quand il s'agit d'un  calcul,  je le refais, je le réécris, je cherche à changer des paramètres... Quand c'est une poésie,  je la prends, je la divise en petits morceaux, je cherche  des associations,  & ainsi de suite.

7. Bref mon apprentissage est actif... mais mon apprentissage personnel n'est  pas la question, qui est  "Quelle est la bonne méthode ?".
Par exemple,  regarder un film est-il plus efficace que lire un livre, ou qu'écouter un podcast ? Etudier en marchant est-il mieux qu'en restant assis à une table ?

8. Je n'ai aucune idée de la réponse à ces question, et j'ajoute que je ne veux surtout pas recueillir  le sentiment personnel de chacun. Nous avons besoin de données fiables, sur lesquelles nous pourrions trouver une méthode qui soit digne d'être propagée... & que je puisse éventuellement m'appliquer à moi-même,  changeant ma propre méthode  empirique, puisqu'elle n'est  peut-être pas la plus efficace.

9. Efficace ? Un adjectif  : on se souvient que j'invite  mes amis et moi-même à les remplacer par la réponse à la question "Combien ?"... et cela se mesurera au fait que je me souvienne de ce que j'ai appris !




dimanche 23 février 2020

Apprendre, c'est retenir

Il y a cette observation récurrente et terrible : je vois en Master 1 ou 2 de jeunes amis qui ignorent ce qu'est le potentiel chimique (par exemple) : à quoi il sert, quelle est son expression... Ou qui ne savent pas calculer le pH d'une solution un peu complexe. Ou qui ne connaissent  pas des réactions chimiques élémentaires de chimie organique (la réaction de Diels-Alder, de Friedel-Craft...).

Ces notions ont fait l'objet de leurs cours de licence, et ce sont des outils intellectuels des physiciens ou des chimistes,  un peu comme les marteaux ou les ciseaux à bois pour les menuisier, comme les poêles ou les couteaux pour les cuisiniers... On comprend qu'un menuisier a intérêt à savoir l'existence des ciseaux à bois, à savoir à quoi ils servent, à savoir comment les utiliser. Il en va exactement de même pour le potentiel chimique, et c'est la raison pour laquelle il est enseigné plutôt vers le début des études de sciences de la nature et de technologie.

Mais, surtout, j'espère que l'on comprend aussi mon étonnement quand mes jeunes amis arrivent dans mon entourage et que je constate -ils sont honnêtes avec moi, puisqu'ils savent que je suis leur ami, et que je cherche d'abord à les aider- qu'ils ignorent tout du potentiel  chimique (je répète : c'est un exemple)  sauf le nom  : ils sont un peu comme un jeune menuisier qui aurait des cours sur le ciseau à bois mais qui n'aurait retenu que le nom, et  même pas à quoi sert cet outil.
Bref, je constate que les cours de licence ont été inutiles, que les collègues professeurs, tout comme les étudiants qui ont suivi ces cours, ont peredu leur temps.

Que l'on me comprenne bien  : je ne suis pas en train de critiquer ni mes collègues professeurs, ni mes amis étudiants,  et je me limite à observer des faits. Et les faits sont que, année après année, mes jeunes amis  ignorent tout du potentiel chimique, sauf le nom... et encore : parfois, ils confondent le potentiel chimique avec le potentiel ionique (merveilleux qu'ils aient entendu le mot), voire la différence de potentiel.
Oui, je ne critique pas, mais j'observe que nos amis qui sont arrivés en master ont réussi leurs examens, où le potentiel chimique a sans doute fait l'objet de questions : une formule que l'on apprend la veille et que l'on oublie le lendemain ? C'est du temps perdu pour tous, et un examen mal conçu, inutile, hypocrite en quelque sorte. Oui, une connaissance éphémère est inutile, répétons-le : ceux qui ne veulent pas retenir (puisque apprendre, c'est cela), doivent faire autre chose qu'apprendre, sans quoi ils perdent leur temps.
Bien sûr, je sais que retenir impose d'y revenir plusieurs fois.... mais alors, revenons-y plusieurs fois ! Jusqu'à ce que nous le sachions ! 
Bref, il y a certainement quelque chose à changer dans le système des études supérieures, pour bien faire comprendre qu'apprendre, c'est avoir une connaissance durable... sans quoi on a rien appris. Ne perdons pas notre temps à faire des choses inutiles ; faisons des choses utiles, apprenons pour retenir, seulement pour retenir !


vendredi 20 décembre 2019

Apprendre les mathématiques


Dans une vie ancienne, j'ai donné des centaines/milliers de cours privés de mathématiques pour gagner ma vie, et je me souviens parfaitement d'une difficulté fréquente que rencontraient les élèves en classes de cinquième, quatrième, troisième, seconde : ils ne parvenaient pas à entrer dans l'algèbre, le plus souvent parce que la représentation d'un nombre quelconque de valeurs par une "variable" leur était quasi inaccessible.

On balayerait la poussière sous le tapis si l'on disait qu'ils étaient incapables d'abstraction, car la question n'était pas là : ces élèves étaient, comme tout être humain, capables de représenter de façon abstraite, puisqu'ils étaient capables de parler, d'associer le mot "chat" à l'animal, et, mieux, à la catégorie d'animaux correspondant à l'espèce.
En outre, finalement, nous avons toujours réussi à passer l'obstacle de façon "opérative" : par des exemples, répétés, en y passant du temps, en expliquant bien les "règles du jeu", et notamment en expliquant tous les termes, lentement, on parvient à éclairer  les plus...

Les plus quoi, au fait : ceux qui veulent vraiment comprendre, aller au fond des choses  ? Laurent Schwartz a bien expliqué que ses débuts, en mathématiques, étaient laborieux, lents, parce qu'il mettait tout en place dans son esprit, à la manière de pièces de puzzle que l'on dépose en ménageant les relations avec les pièces voisines. Et puis, il est quand même vrai que tous les manuels de mathématiques, tous les cours ne se valent pas... souvent, d'ailleurs, parce que les auteurs de ces cours ou manuels n'ont peut-être pas bien compris eux-mêmes ? Allons, cette dernière remarque me fera boire la ciguë !

Disons que, bien souvent, les étudiants ont du mal parce qu'ils vont trop vite, qu'ils n'y passent pas assez de temps, qu'ils n'ont pas compris, ou pas voulu comprendre, ou pas cherché à comprendre, que l' "étude" ne se résume pas à la lecture rapide de textes que l'on ne digère pas. Certains professeurs parlent de "ce qui entre d'un côté et sort par l'autre", et là est bien la question : il faut du temps pour "assimiler". Il faut un travail d'absorption, qui n'est qu'une première étape, mais il faut ensuite un travail d'assimilation, qui est le plus long, avant, sans doute, un travail de restitution (pardon pour la triviale métaphore filée !).


Les mots comptent !


Tout cela me revient à l'esprit, parce que je reçois une question d'un jeune ami, qui ne "comprend" pas la définition suivante, que je traduirai après l'avoir donnée tel qu'il me l'a transmise  :
Definition 1. A constant number a is said to be the limit of a variable x, if for every preassigned arbitrarily small positive number ε it is possible to indicate a value of the variable x such that all subsequent values of the variable will satisfy the inequality  |(x - a)| < ε.

En français, cela donne :
Définition 1. On dit qu'un nombre constant a est la limite d'une variable x si, pour tout petit nombre positif ε choisi arbitrairement, on peut indiquer une valeur de la variable x telle que, pour toutes les valeurs suivantes de la variable, on a l'inégalité   |(x - a)| < ε.

Et mon jeune ami, me disant qu'il ne comprend pas cette définition, ajoute :

I take this to mean
The variable x has a limit of a (a constant number) if for every subsequent value of x, the |(x - a)| is less than a preassigned arbitrarily small positive number, ε.


Je suppose que cela signifie :
La variable x a une limite a (un nombre constant) si, pour toute valeur suivante de x,  |(x - a)|  est moins qu'un nombre petit positif défini arbitrairement.


J'ai répondu à mon ami que ce qu'il proposait ne convenait pas, parce qu'une variable n'a rien : a est une limite, mais la variable x n'a pas de limite, en quelque sorte.
D'autre part, on ne peut pas parler d'une valeur suivante si l'on n'a pas une valeur de férérence.
Enfin, et surtout, la définition -telle que je la lis lentement- me convient parfaitement  ! Alors que la phrase proposée par mon ami est fautive.


Comment pourrions-nous mieux formuler la définition, pour mieux la comprendre ? 

Avec un dessin, par exemple ?


Ici, on a marqué la valeur de la limite a, et une valeur de x que j'ai nommée x1. Les autres valeurs de x (les valeurs "suivantes") sont toutes à droite de x1, et la différence a-x1 correspond ici à ε.

Ou encore, on peut voir la définition comme : je choisis une petite valeur ε. Le nombre a est la limite si je trouve une valeur x1 de pour laquelle la différence entre a et x1 est inférieure à ε, ainsi que toutes les valeurs suivantes de x.

Bref, je peux me familiariser, au sens du Petit Prince et du renard de Saint-Exupéry, avec la définition qui m'a été proposée. Je peux y passer du temps pour la comprendre, pour la tourner et la retourner dans tous les sens...
Pour l'admirer, aussi, parce que, sans prendre le temps de l'expliquer ici, j'y vois beaucoup de subtilité, et des discussions possibles.
Et, surtout, je vois que les changements, ou les commentaires, que je peux faire, à propos de la définition initiale, doivent être prudents.

Mon ami me disait espérer ne pas être importun avec sa question, mais je lui ai répondu que, au contraire, les remarques ou incompréhensions comme les siennes sont la possibilité d'analyse, donc de progrès didactiques.

Finalement, oui, vita brevis ars longa !

samedi 12 octobre 2019

Nous devons apprendre à discuter !

Hier j'ai discuté les manières de se comporter aimablement dans une discussion, et j'avais  notamment stigmatisé l'ego, la prétention.

Mais je m'aperçois, ce matin, que jamais on ne m'a enseigné, autrement, que par l'exemple, qu'il fallait éviter de parler de soi dans une conversation.


Certes j'ai appris par hasard cette formule "Le moi est haïssable", dans les Pensées de Blaise Pascal, mais à propos de discussion, j'en étais réduit à deux idées explicites : d'une part,  ne jamais parler de politique, de religion ou d'armée ; et, d'autre part, j'ai appris l'existence de ces manuels de conversation où figuraient des espèce de clichés pour être à l'aise en toutes circonstances.
Jamais on m'a dit explicitement comment contribuer à une discussion. Et je viens de vérifier auprès de jeunes amis qu'il en avait été de même pour eux.

Car il ne s'agit pas seulement éviter de parler de soi, mais aussi de savoir quoi dire.

Et c'est là où il y a une difficulté : le "quoi dire" se fonde sur tout le travail qu'on aura fait avant la discussion : dans les heures, jours, mois, années... 
Et je retrouve ici mon concept des "belles personnes", celles  que nous connaissons parfaitement mais qui nous surprennent, à chaque discussion, avec de nouvelles idées. Celles qui savent apporter sur la table du festin intellectuel les mets les plus délicats, les mieux choisis. Autre chose que des sandwichs vite faits. Non,  des produits leur travail, de leur réflexion, de leurs soins, de leur intelligence. Ces personnes ne se laissent pas aller à délivrer des pensées immédiates, médiocres, qui montreraient leur médiocrité, mais elles veulent au contraire  délivrer des objets bien finis, fignolés...

Oui, décidément, je crois que tous les parents et l'école devraient enseigner aux enfants  comment participer à une discussion.


samedi 1 avril 2017

Plus j’y pense, plus la question, c’est l’étude !

Dans mes réflexions sur l'enseignement (oublions) et l'apprentissage (c'est là qu'il faut mettre l'accent), je tombe quasi systématiquement sur l'idée suivante, que je crois donc juste : la question, pour les étudiants, ce n'est pas celle des "capacités intellectuelles", mais bien plutôt la capacité à étudier, à passer du temps sur les matières qui sont soumises à leur étude.
On le voit bien avec les beaux jours : la tentation est grande, au premier rayon de soleil, de sortir, en bande si possible, d'aller faire du sport, de se promener, de flâner, de se poser au soleil sur un banc, sur de l'herbe, à la terrasse d'un café... Mais, quand il fait mauvais, la tentation est également grande de se vautrer dans un fauteuil devant une machine à décerveler, face à des séries que certains font feuilletonner, afin d'être bien certains de conserver leur auditoire. Il y a les gaveurs d'oies... et ceux qui acceptent d'être des oies que l'on gave.
Etudier, c'est passer du temps à étudier, chercher à comprendre, se construire un savoir, explorer... Et l'expérience prouve que certains ont bien du mal à cet exercice solitaire.

 Solitaire ? C'est ma discussion subsidiaire, si l'on peut dire : pour étudier, est-il nécessaire d'être seul ? Peut-on apprendre mieux en groupe que seul ? Là, j'ai bien peur des analyses fautives et des généralisations. Je connais -parce que c'est mon "clan"- des personnes qui réussissent très bien en étudiant seul, dans le silence de leur cabinet, mais j'accepte de penser qu'il y en a d'autres qui étudieront mieux en groupe. De toute façon, l'essentiel me semble être le temps passé à apprendre, non ?

Les systèmes d'enseignements doivent avoir pour priorité d'enseigner à apprendre

Je récapitule : dans les années 2000, je m'étais interrogé sur l'enseignement supérieur, et j'avais produit un très gros document qui partait d'attendus, c'est-à-dire d'idées acceptées par tous, telle que : "Pour savoir quelque chose, il faut l'avoir appris". De ces attendus, je tirais des conclusions directes, à la manière d'une succession de syllogismes. C'était inéluctable, ennuyeux... et faux !

Oui, c'était faux, parce que la question n'est pas d'enseigner, mais d'apprendre. Je n'aime pas l'idée d'enseignement, du premier degré, du deuxième degré, supérieur. Nous devrions rapidement changer les dénominations pour "apprentissage". Le mot "éducation" est plus neutre, mais un peu hypocrite, car il ne prend pas clairement parti.
Ceux qui m'intéressent, ce sont ceux qui apprennent. D'ailleurs, à la réflexion, moi contribuable, je ne souhaite pas que l'on paye des enseignants pour enseigner, ce qui serait une simple obligation de moyens, mais je veux que ceux qui se préoccupent des étudiants soient d'abord là pour que ces étudiants apprennent, ce qui est un résultat !
Bien sûr, je sais faire la critique de cette idée que je propose, car il serait insensé de croire que les enseignants puissent forcer des étudiants à travailler ou que tous les étudiants parviennent à apprendre ;  l'expérience prouve qu'il y en a qui n'y arrivent pas, non pas qu'ils manquent de capacités intellectuelles (je veux croire à une égalité absolue, de ce point de vue), mais plutôt parce qu'ils ne parviennent pas à se mettre dans les conditions qu'impose l' "étude", pour mille raisons (des soucis, matériels ou spirituels, les hormones, etc.).
D'autre part, je ne méconnais pas le fait que certains enseignants ont du "talent" (sans doute fondé sur leur travail)  : ils parviennent à montrer l'intérêt des matières dont ils sont les promoteurs, ils suscitent de l'enthousiasme pour des sujets dont ils traitent, de sorte que les étudiants -avec leurs moyens qui dépendent notamment de leur histoire personnelle- y passent plus de temps, et, ipso facto, apprennent davantage.

Tout cela étant dit, la discussion ci-dessus reste dans l'idée de "matières" à enseigner... ou à apprendre, ce qui est un détail par rapport aux valeurs, aux méthodes... Je ne parviens pas à croire qu'il soit bien intéressant de savoir que le blanc d'oeuf est fait de 10 pour cent de protéines et de 90 pour cent d'eau : c'est en ligne ! Les informations ne me semblent pas très utiles.
Les notions et concepts ? Là, c'est déjà mieux, parce que ce serait dommage que les étudiants réinventent la poudre. Bien sûr, un génie ignorant la notion d'entropie pourrait être conduit à la réinventer... mais pourquoi ne pas la connaître, plus simplement ?
Mais là encore, j'ai l'impression qu'un étudiant qui partirait, sur internet, à la recherche de la composition du blanc d'oeuf serait bientôt conduit, de lecture en lecture, à cette notion d'entropie et à d'autres notions du même type.
En revanche, internet ne donne guère de méthodes et de valeurs. Pour ces champs, c'est la cacophonie... ou le silence du désert. Et voilà pourquoi les professeurs ont peut-être la mission de transmettre ces dernières. Car ce sont elles qui conduisent à mieux apprendre.

Reste que que, apprendre, c'est passer du temps à apprendre, et apprendre avec une méthode qui permette d'apprendre.

samedi 9 avril 2016

Quelqu’un qui sait, c’est quelqu’un qui a appris.

Quelqu’un qui sait, c’est quelqu’un qui a appris. Cette déclaration provient d’un chimiste de l’Ecole polytechnique, Michel Fétizon, qui eut de nombreux élèves, et son idée me semble être quand même assez juste : comment saurions quelque chose si nous n’avons pas appris ?

La suite ici : http://www.agroparistech.fr/Quelqu-un-qui-sait-c-est-quelqu-un-qui-a-appris.html

dimanche 17 mai 2015

Comment apprendre


Dans un autre billet, j'ai expliqué que j'avais finalement compris que la question de l'enseignement n'était pas celle de l'enseignement, mais celle de l'apprentissage, par les étudiants. J'ai proposé de diviser la question en "quoi apprendre ?" (et pourquoi ?), et en "comment apprendre". 

Comment apprendre ? Voilà une question extraordinairement difficile, et, comme souvent, je propose de commencer par quelque chose de simple, de pratique. Un jour, un de mes fils est rentré de l'école primaire avec une récitation à apprendre. Je lui ai demandé si le professeur lui avait dit comment apprendre  cette récitation, et il m'a dit que non. J'ai donc fait un mot à ce collègue en lui disant que j'avais demandé à mon fils de ne rien apprendre, tant qu'il ne saurait pas comment faire. Après tout,  cette école-là ne me convient pas : c'est comme si, en classe d'éduction physique, on notait les élèves en fonction de leur  résultat à la course ; les enseignants ne sont pas là pour constater des capacités que les élèves ont déjà, mais pour leur apprendre à faire, en l'occurrence à courir ! Et les élèves, en conséquences, doivent  être notés sur leur apprentissage, pas sur leurs capacités. 

Pour en revenir à mon fils, l'enseignant lui dit alors qu'il fallait lire la récitation suffisamment de fois pour  finir par la retenir. Cette méthode de mémorisation est-elle bonne ? Apparemment pas, si l'on en juge d’après les Grecs ou les univesitaires du Moyen Âge et de la Renaissance, qui, pour apprendre, se composaient une maison intérieure, avec des pièces très caractéristiques où ils déposaient mentalement des notions à retenir. Apparemment pas si l'on en juge  d'après ceux qui ont passé l'internat en médecine et qui, souvent, ont d'abord structuré le savoir qu'ils voulaient retenir. A propos de mémorisation, et puisque l'enseignement ne cesse de solliciter cette capacité (vous comme moi, nous avons eu des récitations à apprendre), il faut dire qu'il existe des méthodes de mémorisation variées, de sorte que l'on attend du corps enseignant qu'il collige ces méthodes, qu'il les compare quantitativement, et qu'il transmette ensuite les plus efficaces,  au lieu que chacun dise paresseusement « C'est comme cela que je fais ». Mieux, je propose que nous commencions par recueillir ces méthodes auprès  de ceux dont le succès montre qu'ils savent les mettre en œuvre. 

Ce qui vaut  pour la méorisation vaut évidemment pour d'autre capacités. Et on aura raison de ne pas s'arrêter à la mémorisation, car la mise en œuvre de compétences n'est pas la mémorisation de connaissances.  



Se doter de compétences ? La question est également notoirement difficile, et, là encore, il y a sans doute lieu de diviser le problème. Par exemple, c'est un fait que l'on peut disposer parfaitement de la théorie du frapper dans une balle de tennis (un exemple sans intérêt, mais les gestes de laboratoire relèvent du même ordre d'idées), et ne pas parvenir aussi bien qu'un champion à l'envoyer là où on voulait. Là,  il y a donc lieu  d'effectuer un apprentissage particulier, ce que l'on nomme parfois un entraînement. Toutefois, comme pour la mémorisation, l'entraînement peut se faire de différentes façons, et au lieu d'une simple répétition, il y a sans doute lieu d'analyser,  structurer, comparer quantitativement. 

Pour l'instant, on a souvent fait l'économie de ces comparaisons, de ces analyses, et cette économie s'est faite pour de nombreuses raisons, notamment parce que les étudiants ne sont pas des cobayes et qu'ils doivent apprendre avant de servir à des analyses utiles à la collectivité. En faisant cette remarque, on ne saurait éviter de la rapprocher de la recherche clinique en médecine où la  même question se pose et où,  pourtant,  des  études sont faites en vue d'évaluer l'efficacité des médicaments. Il y a dont lieu, semble-t-il, de faire le même type de travail, avec les mêmes règles déontologiques, de consentement éclairé, d'éthique en général. Car c'est ainsi seulement que l'ensemble de la collectivité pourra bénéficier de résultats fiables, et non pas de méthodes arbitraires ou idiosyncratiques. 

Une anecdote pour  terminer : récemment une étudiante en première année médecine m’interrogeait, et, lors de la discussion, je l'interrogeais moi-même sur sa propre méthodes d' apprentissage en lui demandant si cette méthode était efficace. La jeune fille répondit que oui,  cette méthode était efficace puisque c'était celle d'une de ses amis qui était meilleurs qu'elle. Meilleure, mais combien ? Et surtout bonne ? A l'analyse, il apparut que cette amie en était à sa deuxième première année de médecine, ce qui montre que la méthode n'avait pas prouvé son efficacité. 

La vraie question : quelles méthodes les meilleurs d'entre nous mettent-ils en œuvre ? 


lundi 11 mai 2015

Enseigner ou apprendre ? Apprendre !



Je me repens amèrement, car je viens encore de voir une erreur terrible que j’avais faite, et à propos de cette activité essentielle qu’est l’enseignement.

Ceux qui me lisent se souviennent que, il y a quelques années, passionné par la difficile et importante question de l’enseignement (il y a la carrière de jeunes amis en jeu), j’avais proposé une réflexion : je partais d’ "attendus", et j’en tirai des conséquences, d’où j’avais extrait des propositions de rénovation de l’enseignement supérieur (mais la réflexion dépassait ce cadre).

Or si l’enseignement semble consister à enseigner, c’est aux étudiants seulement qu’il revient d’apprendre. Et c’est donc...


La suite à lire sur http://www.agroparistech.fr/Enseigner-ou-apprendre-Apprendre.html

lundi 15 juillet 2013

La question de l'enseignement des sciences quantitatives



La question de l'enseignement des sciences quantitatives (pour les autres formes de savoir éventuellement nommées sciences, je suis incompétent) me taraude, parce que, élève, j'étais incapable d'écouter un professeur, en raison d'un tour d'esprit personnel un peu bizarre, sans doute pas entièrement recommandable. Du coup, ne pouvant écouter des professeurs, j'utilisais des livres (dans ma case, pendant le cours, et rarement des livres de la matière qui était exposée dans la salle).

Pourquoi faire ainsi ? Parce que je ne supportais pas de ne pas comprendre. Or je suis lent. Un livre (ou un site internet, aujourd'hui), c'est la possibilité d'aller à son rythme, et, notamment, de se donner le temps de s'apercevoir qu'on n'a pas compris un point, de s'arrêter pour bien comprendre.

Est-ce un bon conseil à donner aux étudiants que de leur recommander de ne jamais supporter de ne pas comprendre ? Oui, mille fois oui, s'ils sont conduits à travailler davantage, à aller chercher des compléments d'information, ou des explications meilleures que celles dont ils disposaient initialement.
Surtout, cela enseigne à apprendre, ce qui est bien mieux que se contenter d'apprendre.

Evidemment, il y a des difficultés, car savons-nous vraiment ce qu'est la température ? L'énergie ? Le désordre ? Toutes ces notions sont très imparfaitement comprises, même des « professionnels », et l'on n'irait pas loin si l'on s'arrêtait à chaque mot. Toutefois, il reste vrai qu'il y a des phrases vraiment incompréhensibles qu'il n'est pas possible de supporter. Ou, du moins, qu'il n'est pas possible de supporter sans poser la question : je ne comprends pas, pouvez-vous m'expliquer ?
Manifestement, une rénovation des systèmes d'enseignement s'impose !

mercredi 22 septembre 2010

Question de confiance...

Lors de certaines présentations, il y a quelques années, j'avais besoin de montrer la formule plane d'un composé phénolique, mais je ne l'affichait qu'avec précautions, partant du bon principe que la clarté est la politesse de ceux qui s'expriment en public : une formule de chimie, comme une formule de mathématiques, c'est quelque chose d'incompréhensible a priori, et qui doit être expliqué.
Souvent, pour m'amuser, j'expliquais qu'une telle formule "fait savant", en ce sens que les personnes qui ne connaissent pas la chimie ne savent pas la décoder, et, de ce fait, accréditent celui ou celle qui la montrent d'une "science" particulière. Toutefois, j'observais aussi que cette accréditation était peut-être imméritée : n'importe qui pourrait recopier un ensemble de lettres (C, H, O, N...) et de traits pour faire penser qu'il connaît la chimie. Et puis, savant... On l'est ou on ne l'est pas, mais :
1. ceux qui le sont savent assez qu'ils ne le sont pas pour, s'ils sont honnêtes, ne pas le revendiquer indûment
2. le terme est prétentieux, de toute façon!

Bref, je concluais que, hélas, je ne suis pas assez savant.

Cette histoire parce que je vois autour de moi, parfois, des personnes qui font ce que je dénonçais par anticipation : ils vont sur internet (ou ailleurs), captent une présentation powerpoint, et la récitent par coeur, se drapant dans des habits qui ne sont pas les leurs. Evidemment, il faudrait être naïf pour regretter un tel comportement, qui ne date pas d'internet (le plagiat est une bien vieille histoire, et l'on lira ou relira Cyrano de Bergerac -le vrai- à ce propos), de sorte que ce n'est évidemment pas ce que je veux faire aujourd'hui.

Aujourd'hui, je veux discuter la position de l'étudiant, qui assiste à un cours. Un tombereau d'informations lui est déversé dessus... mais ces informations sont-elles justes ? La question est terrible. Pensons, par exemple, à un cours de physique, qui décrirait les phénomènes de façon classique, sans tenir compte des acquis de la mécanique quantique. Ce cours serait "faux", stricto sensu, mais ce serait un moindre mal. Pensons maintenant à pire : un enseignant (comme dans tout corps, il y a du bon et du mauvais) qui enseignerait des choses fausses, telles que j'en ai trouvé dans un récent ouvrage de" vulgarisation de la physique".

La question est : comment l'étudiant doit-il se comporter ?

De ce fait, nous arrivons à la véritable question du jour : quelle doit être l'attitude de l'Etudiant, en général, qui doit avoir la lucidité de penser que, parmi les informations qui lui sont communiquées, certaines sont fiables, et d'autres non? Peut-il vraiment avoir confiance dans les enseignants qui lui sont attribués ?

On rétorquera peut-être que l'Enseignant a le plus souvent une trop haute idée de sa Mission pour donner des informations fausses.... mais les enseignants sont-ils assez savants ? Et puis, ne sont-ils pas les mêmes que les auteurs de publications scientifiques, dont on sait assez que beaucoup sont médiocres, voire mauvaises (je ne parle même pas des fraudes) ?


Plus généralement encore, puisque nous sommes tous des étudiants, comment nous comporter face à un savoir que nous voulons prendre ?