dimanche 29 septembre 2013

La bien difficile question de l'enseignement

Dès le matin, aujourd'hui, un message très intéressant reçu par email, en réponse à un billet de blog où je discutais la confection des pâtes à choux, alors que l'on me posait des questions techniques. J'avais terminé mon billet en posant moi-même des questions, afin d'inviter mes interlocuteurs à faire des expériences (remplacer le jaune d'oeuf, qui contient des protéines coagulantes, par du poisson ou de la viande broyés). Evidemment, j'ai fait l'expérience, mais il me semblait que ce serait une bonne chose que d'inviter mes amis internautes à reproduire l'expérience. Bref, voici le message reçu :

 "Mais moi aussi j'ai une question à vous poser: pourquoi vous répondez toujours avec d'autres questions? Il y a des personnes dont le métier est de chercher, étudier, et d'autres qui n'ont tout simplement pas le temps, ou la capacité, pour effectuer de telles études. 
 A force de toujours laisser les questions en suspense, vous finissez par vous aliéner l'intérêt que certaines personnes "simples" pourraient porter à vos travaux et à votre message. Si de temps en temps vous leur dévoiliez vos solutions, plutôt que de leur dire « cherchez tous seuls », non seulement vous leur feriez gagner un temps précieux, mais vous leur donnerez aussi, peut-être, envie d'en savoir plus, d'aller plus loin, de chercher autrement.. 
Il y a presque 20 ans, j'ai commencé à m'intéresser aux pourquoi de la cuisine grâce à quelqu'un qui m'a montré une solution à un problème. S'il m'avait dit 'cherche tout seul', moi qui travaillais 16 heures par jour 6 jours sur 7 j'aurais envoyé la question balader et serais probablement resté toujours dans l'ignorance. 
 Il y a une différence entre dire « cherche toi-même » à un enfant, et le dire à un adulte qui vous approche humblement. 
Ne vous dites pas « j'ai raison de le faire », respirez un grand coup, ouvrez votre esprit à la possibilité d'avoir tout faux et réfléchissez-y, éventuellement avec des gens qui vous connaissent et en qui vous avez confiance, s'il vous plaît. J'espère que vous ne prendrez pas ces lignes comme une attaque : je vous considère un grand homme, qui a juste une certaine tendance à être agaçant, parfois.. Et je pense qu'il vaut la peine d'expliquer ses raisons à quelqu'un qu'on apprécie, quand on pense qu'il a tort.

Ce message est évidemment essentiel, et, après mûre réflexion, j'ai répondu ceci :
Bonjour et merci de votre message. En réalité, je crois trop au bonheur que donne une expérience simple pour le "voler" aux autres. Les expériences que j'ai proposées à propos de pâte à choux sont élémentaires, d'une part, et c'est un amusement, d'autre part.

Au laboratoire, de même, je mets les étudiants sur la piste de la découverte, afin de leur offrir le plaisir d'avoir découvert eux-mêmes, au lieu de me placer au dessus d'eux comme une chape de plomb qui leur dit tout.
Plus exactement, je m'efforce à  donner à chaque étudiant la quantité d'autonomie dont je crois qu'ila  besoin, chacun de façon particulière. J'essaye d'enseigner à nager sans laisser se noyer les étudiants se noyer, et c'est bien difficile. 
Surtout, j'ai cette idée que les "maitres" sont quelque chose de terrible, que je déteste, et je propose que chacun apprenne à apprendre.  Tous les enseignements que je construits sont ainsi faits, et je ne me résous jamais à considérer des êtres humains comme des machines dont on commanderait le fonctionnement.

Votre argument des 16 heures par jour 6 jours sur 7 ne me convainc qu'à moitié, moi qui travaille 105 heures par semaine... sans avoir aucunement le sentiment d'être un "grand homme"... mais seulement un travailleur.

Pour la question des questions, je crois que les poser bien, c'est le résoudre. Et je dis parfois même que je suis payé pour poser des questions !
Mais c'est peut-être une erreur et votre message est un vrai cadeau, qui me force  à réfléchir.  Sincères mercis.

2 commentaires:

  1. Peut être qu'un compromis serait de poser des questions afin de forcer le lecteur (ou l'étudiant) à réfléchir ou faire l'expérience par lui même pour découvrir la réponse mais de donner quand même la réponse en définitive afin de ne pas frustrer ce lecteur et le laisser en suspens (par exemple, la bonne réponse en échange d'une proposition de réponse, bonne ou mauvaise)

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  2. Oui, c'est peut être une bonne solution. Pour l'instant, grâce à mon interlocuteur initial, je réfléchis... et je teste des tas de solutions avec les étudiants de Master que j'ai sous la main, et que j'utilise comme cobayes ;-)

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