mercredi 27 juin 2012

Je crois que j'en ai déjà parlé, mais j'ai affiné la réflexion


La terrible question de la stratégie de la recherche scientifique

Hervé This


14 juin 2012




Les scientifiques sont en quête de « découvertes ». C'est bien d'accord. Toutefois on ignore trop souvent combien la question est difficile.

Une découverte ? Si l'on savait à l'avance ce que l'on doit découvrir, et comment le découvrir, la découverte n'en serait pas une. Si l'on avait une méthode, une stratégie, une tactique simplement, voire une recette, les choses seraient si simples !
A l'analyse de l'histoire des sciences, je crois au contraire que nous n'avons pas cela, et il semble utile de le dire publiquement, notamment aux jeunes qui s'engagent dans la voie des sciences (si par hasard vous avez quelque chose à proposer, n'hésitez pas à me le faire partager!).




Examinons, par exemple, la découverte de l'iode, par Bernard Courtois (1777-1838) : c'est en préparant du salpêtre pour l'armée qu'il est conduit à utiliser des cendres de varech, et que, chauffant ces dernières, il est étonné par l'apparition d'étranges vapeurs violettes, qu'il découvre un nouvel élément, l'iode.
Pour la mécanique quantique, idem : alors que les physiciens étaient triomphants, qu'ils croyaient avoir atteint le maximum de connaissances sur le monde, il fallut que l'on s'intéresse à une prévision expérimentale réfutée par l'expérience (en gros, comment un fer à cheval chauffé dans une forge émet de la lumière)... pour découvrir finalement, au terme d'un très long accouchement, que la théorie que l'on avait du comportement de la matière était parfaitement fautif.
Faisons bref, et renvoyons ceux qui le souhaitent au merveilleux livre de Jean Jacques : L'imprévu, ou la science des objets trouvés (Le seuil, 1999), ou encore aux oeuvres complètes de Louis Pasteur, pour qui la chance ne sourit qu'aux esprits bien préparés.


En pratique, comment le scientifique peut-il se comporter, pour faire des découvertes ? Quelle stratégie peut-il avoir ? Bien peu nous a été transmis à ce sujet, parce que cela se saurait depuis longtemps s'il y avait une « recette » de la découverte.
En discutant avec quelques scientifiques reconnus pour leur « réussite » (en termes de découverte, pas en terme de « carrière »;- ) ), je crois que la quasi seule monition soit de traquer le symptome, le modèle qui ne colle pas à la théorie en vigueur, ou encore la généralisation d'un cas particulier (voir le Cours de gastronomie moléculaire N°1, où cela est abondamment discuté).

Au total, il faut donc surtout constater que nous sommes bien démunis, stratégiquement, et que bien prétentieux serait celui qui dirait avoir une autre recette qu'une activité soutenue, attentive.
(mais je me trompe peut être)



Je propose la métaphore suivante :
Le scientifique est dans un paysage vallonné.
Derrière lui, tout est clair, et l'on voit des montagnes qui, dans notre comparaison, représentent les découvertes.
En revanche, devant lui, tout est embrumé, au point de ne pas voir à quelques pas devant soi.

Le scientifique est à la recherche de montagnes qu'il ne voit pas, donc. Comment peut-il faire ?

Comparaison n'est pas raison, mais quand même. Ce qui semble...clair, tout d'abord, c'est que l'immobilité ne conduit à rien. Il faut avancer, pour avoir quelque chance de rencontrer une montagne.
Ce qui semble clair, aussi, c'est que tout pas fait dans une direction où ça monte semble plus favorable qu'un pas fait vers la descente... bien que cela ne soit pas une garantie : il se pourrait qu'une petite montée (minimum local) soit suivie d'une grand descente.
Si l'on admet qu'il y a quelque espoir dans le début d'une montée, si l'on admet que « Dieu n'est pas malicieux » au point de mettre des descentes derrière toute montée, le scientifique doit absolument se raccrocher aux « symptômes », aux ignorances, aux moments où ça coince, puisque les deux exemples donnés plus haut (et mille autres que je ne donne pas) indiquent que c'est ainsi que se sont faites des découvertes importantes...

Evidemment, à côté des découvertes de l'iode et des autres particularités de notre monde, il y a aussi la découverte de formalismes, de cadres théoriques (la chimie supramoléculaires, la matière molle...), mais c'est là un autre type de découvertes (à ne pas négliger bien sûr, mais dont la discussion stratégique doit se faire différemment).



Des propositions ?

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